Camille

« J’arrête pas de me plaindre je trouve » non elle se plaint pas justement, pas assez en tout cas. Hier l’infirmière qui coordonne l’hospitalisation à domicile est passée, elle s’appelle Camille elle est très gentille, et douce elle a vu que l’état de maman s’était dégradé fortement. Les soins palliatifs lui ont expliqué la situation. La situation, le concret c’est ça : elle peut bouger que le bras gauche et rien d’autre, qu’elle devient aveugle, qu’elle ne supporte rien, qu’elle ne fait que souffrir, se pisser dessus . Malgré les 2 couches mises j’entends souvent « ploc ploc » dans la chambre. Ça coule du lit et moi je passe la serpillère, elle ne s’en rend pas compte c’est le principal. On ne peut plus la toucher. Regis et moi on peut que l’embrasser, les seuls.

Camille est passée hier, mentalement grosse souffrance ça c’est vrai, mais pour elle « physiquement ça va » en gros pour Camille « on va pas activer les soins de fin de vie encore » quel est le seuil de souffrance accepté en France ? Et le libre arbitre ? Est ce qu’il faut qu’elle ait de la merde jusqu’aux épaules pour que peut-être Camille se dise que là oui effectivement l’indignité est présente ? Ce paternalisme est insupportable, dans les soins palliatifs il est expliqué qu’à un moment donné on peut arrêter les soins du cancer, c’est le droit du malade, c’est à dire la cortisone qui retient pour l’instant un peu l’œdème, à partir du moment où la cortisone sera arrêtée en quelques heures elle fera un coma des glandes surrénales, puis une mega crise d’épilepsie avec de la souffrance, l’œdème va exploser dans le cerveau, exploser et tout détruire. Ce batard va capter que y’a plus la cortisone pour le retenir. En théorie à partir du moment où les 120 mg de cortisone ne sont pas pris le matin on active les soins palliatifs, un peu avant peut-être, les perfusions, pas pour tuer « en France on tue pas on soulage » pour soulager, morphine vallium scopolamine et… elle s’endort au bout de 3 , 4 ou 7 jours voilà la théorie, le corps lâche. Le sien peut lâcher facilement, elle a des anévrismes c’est de famille, sa mère est morte de ça, je dois me faire tester avant 2 ans. Elle a le cœur fatigué, elle a fait des AVC, et enfin elle a le fils de pute d’œdéme cérébral et le cancer généralisé. La théorie aussi c’est qu’on a le droit de refuser la cortisone, de prendre un traitement, comme elle refuse d’être réanimée, mais c’est la France qui décide que vos organes lui appartiennent, et que non vous ne pouvez pas partir maintenant, il faut souffrir encore plus madame, que l’infirmière note son barème de merde, gémissement, réfractaire aux soins, aïe ouille, visage froncé, ce sont ces mots là écrits sur le dossier de maman, comme à la maternelle, elle a zéro partout, il faut souffrir madame, pleurer h24 ne suffit pas, il faut perdre la parole, la tête, hurler h24, chier partout, être paralysée même du cou là oui peut être, peut-être que Camille comprendra que ce n’est plus une vie, j’ai pu dire à Camille que de toutes façons elle allait arrêter la cortisone et de se nourrir alors quoi? On la laisse dans ce coma et la crise d épilepsie intense que je ne pourrais pas supporter ? Que son corps va partir dans tous les sens? Qu’elle bavera? Qu’elle aura les yeux révulsés ? Qu’elle aura des hurlements ? Alors quoi Camille? Qu’est ce qu’on fait Camille ? Camille propose de la morphine pour atténuer la douleur, c’est non ça l’a défoncé, on attend pour la morphine. Camille propose du Doliprane, pourquoi pas des smarties? Ou de l’eau bénite ? Ça tombe bien y’a une grosse conne de vierge Marie en haut dans les placards qui en est remplie, un souvenir de la bonne sœur de sœur de Lourdes. Camille propose un fauteuil roulant encore mieux, et des coussins boudins adaptés. Là on découpe toutes ses robes et tous ses tee shirt dans le dos pour ne pas lui faire mal avec le tissu dans le dos et donc on propose un fauteuil roulant. En France.

Il y a un mois à l’hôpital j’hurlais ma colère, j’hurlais aux docteurs que si nous étions en Belgique ou en suisse ça ne se serait pas passé comme ça, ils n’ont rien dit. Car la vérité c’est ça, c’est qu’en 2014 on lui a trouvé des taches au poumon, elle avait un cancer et on ne lui a rien dit c’est 5 ans plus tard en 2019 que là on lui a retiré le poumon droit, le jour de l’opération le chirurgien d’Angoulême lui a dit « mais madame le cancer ça fait 5 ans que vous l’avez on ne vous a rien dit ? » non on a encore rien dit, elle ne l’a su qu’en novembre 2018 car elle avait mal au dos elle est allée aux urgences ils ont fait un scanner « y’a rien au dos » elle récupère sa carte vitale « attendez on a vu quelque chose aux poumons » alors depuis 2014 le cancer il a eu le temps de faire des petits un peu partout.

« Qu’Emmanuelle n’apprenne jamais ça » c’est ce qu’elle a dit à ses amies et Regis lorsqu’elle a su en 2019 qu’en fait c’était là depuis 2014 et l’hôpital d’Angoulême le savait, tout est dit finalement, ils me l’ont dit, ils ont hésité « Emmanuelle ne s’en remettra jamais de savoir ça que c était là en 2014 ne dites rien» c’était sa crainte et j’ai retrouvé les documents de 2014, cancer détecté en 2014, sans suite, opérée en 2019 le 26 janvier. Je lui ai dit encore une fois « je sais, ils me l’ont dit » elle a pleuré encore.

On en est au stade où tous nous espérons une crise cardiaque, un AVC, un anévrisme, il faut être dingue pour souhaiter ça à sa mère, je te souhaite que ton cœur s’arrête vite maman, ces phrases là sont prononcées par moi, par les amies, par Régis , il faut être dingue on le devient totalement à dire « bonne nuit j’espère que tu te ne réveilleras pas » et elle se réveille et m’appelle. « Bichette ? »

Hier j’ai dit à Camille « ça sera septembre soit vous l’aidez soit elle souffre terriblement c’est vous et votre conscience » ce pays de merde avec ses lois de merde concernant la fin de vie, d’abord les médecins nous ont caché la vérité et là on lui refuse son départ, j’ai expliqué à Camille que je ne savais pas donner un laxatif à mon chat, et que je ne vais pas mettre de cortisone de force dans la bouche de maman alors Camille ? Camille tu fais quoi là ? Camille a contacté les soins palliatifs je l’avais fait le matin même, ils passent lundi, mardi c’était une infirmière et une psy, là c’est l’infirmière et le médecin de cette unité mais la décision est prise lundi elle dira aux soins palliatifs que le 12 le matin aucune cortisone ne sera donnée, aucun traitement, avec eux ou sans eux, elle m’a interdit d’aller chercher les médicaments pour continuer tout ça.

M Écrit par :

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