Chers Connards

Nous deux on dira « cher(s) connard(s) » de médecins, de cancérologues, de radiologues, entre Angoulême et Bordeaux, Cognac et Soyaux. Chers Connards de médecins car il ne s’agit pas d’un cancer du cerveau comme les autres, comme annoncé en mars « c’est rien » , et en France ces chers connards de médecins peuvent ne pas dire la vérité, ni à la malade ni à sa fille.

Alors le 2 août j’ai tapé toutes les expressions compliquées des IRM et scanner je ne comprenais pas son état malgré la radiothérapie pourquoi juin c’était bien et en juillet ça recommençait, une chute, fracture du bassin, après le col du fémur en avril et j’ai appris la vérité seule devant mon écran, cancer généralisé stade terminal avec des métastases au cerveau, depuis le début. Aucun espoir de guérison, par contre de gros risques que la fin soit sale, très sale. Perte de la parole, perte de la vue, ne plus me reconnaître, m’appeler Madame, se chier dessus en permanence et que l’œdème cérébral explose. J’ai compris le malaise de Bordeaux lorsqu’en mars bêtement j’ai évoqué la « guérison » de maman. Bordeaux n’a rien dit, Bordeaux était gêné.

En deux semaines j’ai perdu 10 kilos. 14 depuis mars. Alors j’ai pris un 18 eme billet à la SNCF, et je suis descendue lui dire à l’hôpital le 10 août avec mes mots qu’elle ne guérirait pas. Que la fin était proche. « Tu n’as pas un cancer normal du cerveau. » Elle a dit « ah d’accord » tout doucement, sans larmes sans cris alors que moi j’ai tellement pleuré quand j’ai compris. Vu qu’aucun médecin ne voulait lui annoncer, c’était pas mon rôle mais je l’ai fait. Son cancérologue d’Angoulême Adrien D. a refusé de me prendre au téléphone pendant 4 jours. « C’est ça elle est en train de mourir ? » j’ai dit au nouveau médecin de l’hôpital où elle était « c’est ça, c’est très grave on ne vous a pas fait d’annonce de diagnostique ? » « non personne ». Elle a compris qu’à 68 ans elle allait partir et moi à 38 ans la perdre et qu’après elle je n’aurai plus personne. Elle m’a dit qu’elle le savait depuis quelques jours, elle l’a su en m’appelant, elle m’a dit « tu avais une voix plus triste que d’habitude je me suis dit que tu savais quelque chose que moi je ne savais pas, j’ai compris j’attendais que tu me le dises» le 12 août je suis remontée à Paris, j’ai préparé une tenue dans sa chambre « au cas où » à la va vite.

Elle a compris elle va partir, avant que tout parte en couille, que l’indignité la frappe, avant qu’elle ne m’appelle Madame, et qu’elle crève dans un hôpital avec des inconnus, je lui ai promis elle ne perdra pas la mémoire, elle n’arrivera pas au stade où elle a oublié qu’elle m’aimait, je suis redescendue le 21 août pour ça, pour lui tenir la main le jour où elle va dire « mon amour c’est pour aujourd’hui » et qu’elle ne soit pas seule dans son suicide ce mot qu’aucune de nous ne prononcera.

Ça ne peut pas être octobre, octobre c’est mon anniversaire ça doit rester un mois de fête même si le prochain sera dur, alors ça sera avant.

C’est le 10 août qu’elle s’est remise à fumer « tu me files une clope? » maman je te file du shit ou du crack de Stalingrad si tu veux tu as tous les droits maintenant. Chers Connards de médecins qui se sont refilés la patate chaude pendant 6 mois je vous dégueule tellement. Je n’ai jamais été autant remplie de haine. Je vais exploser. Après. Je l’ai faite sortir de l’hôpital, depuis mars elle a passé 4 mois dans différents hôpitaux, j’ai pris un 19 eme billet pour la Charente depuis mars, mon formidable médecin à moi m’a dit « tu perdras 19 kilos, tu somatises trop, un kilo par retour en Charente ».

Elle est rentrée à la maison pour qu’on fume des clopes, qu’elle mange des glaces « au café » et du saucisson, et peut être un verre de whisky et pour qu’on se marre. Je lui lis des pages de Despentes oû y’a des gros mots elle rigole, elle mange sa glace, elle m’a dit : « Continue à être si joyeuse et te moquer de tout et que cette douleur te serve, fais quelque chose de toute cette souffrance». Dans quelques jours/semaines je serai dans une église à hurler mon amour et ma colère je lui ai promis, elle veut lire mon discours. Elle partira soit seule en souffrant terriblement soit avec l’aide des docteurs et de la morphine, je lui ai promis qu’elle ne souffrirait pas, qu’en quelques heures ça serait fini, qu’elle s’endormirait, je n’ai pas pu lui dire qu’en fait ça pouvait prendre 7 jours à ce que le corps lâche, que mon médecin m’avait interdit d’assister à ça, de sortir de la maison dès que j’entendrai un bruit dans la chambre de maman même au milieu de la nuit, « des draps qui se froissent ça commence tu sors vite et tu reviens 7 h après » il a dit « un corps qui meurt c’est pas beau et ça fait du bruit » il y aura les convulsions, l’étouffement, les râles de gorge, et moi dehors. Quand mon médecin m’a parlé du bruit horrible le lendemain je me suis réveillée avec une oreille bouchée, je ne veux rien entendre. Chers connards de médecins on a eu même pas 10 jours pour prendre cette décision. Chers connards de médecins vous avez tellement ma haine.

M Écrit par :

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.