Mémoires d’un vieux dégueulasse

Un café dans le 19ème, heure du repas, ils sont quatre, il y a une heure ils ne se connaissaient pas et le hasard du placement de table a changé le cours de leur déjeuner, à gauche il y a Patrick et Marie-Annick, lui en fauteuil roulant, casquette, polo rayé, elle vieille blouse fleurie de la Redoute ils ont 80 ans-au moins. A droite Nelly et Agathe, la grosse soixantaine des copines qui vivent entre Paris et Tours Agathe a une robe courte et une immense fleur dans les cheveux qui doit dater des années 70, Nelly est juste décolorée en blond sale. Enfin encore plus à droite il y a moi et mon café, au moment où j’arrive Patrick notre Bidochon explique qu’à Paris dans « les logements normaux » y’a les migrants, Agathe dit : « Bah voilà et puis après les riches ils ont des logements de fonction ! » Patrick termine en disant : « Et les fonctionnaires ?! Des logements sociaux ! » Patrick est handicapé à cause de son fauteuil donc pour mettre son logement aux normes « Mesdames sachez que ça a été très très compliqué ! En France ! Alors imaginez en Afrique ! » Agathe soupire : « Les pauvres quand même » Patrick poursuit, lorsqu’il s’est retrouvé en fauteuil « figurez-vous » qu’on lui a proposé d’aller « dans une maison spécialisée ! » Et ça c’est « hors de question » d’autant plus que Patrick connait quelqu’un en maison comme ça, un homme de …37 ans « Alors lui y’mdit d’abord y’a la farandole, après les chiffres et les lettres, après le valium ! A 37 ans ! » Nelly et Agathe s’étonnent : « Mais comment peut-on être à 37 ans en maison de retraite ? » Patrick trouve qu’en fait « C’est pas plus mal, ce gosse il a pas de famille ! » Que son fauteuil roulant et France Télévision.

Patrick commence à se lâcher, lui c’est simple : « Si on me propose l’EHPAD, le mouroir et un camp de naturiste du troisième âge ah y’a pas PHOTO, je vais là où on montre sa zigounette, aucune pudeur j’ai ! » et ça je vais très vite le comprendre. Agathe et Nelly rigolent, ce Patrick « un monsieur haut en couleur » Patrick continue son show, Marie-Annick sa femme ne dira pas un seul mot pendant une heure : « Vous m’auriez vu y’a 30 ans ! J’étais un vrai RENARD DANS UN POULAILLER » Agathe crie : « aïe aïe aïe » Patrick explique « qu’aucune n’en sortait vivante hein ! » Nelly demande si Patrick a des enfants ? « Oh j’ai beaucoup voyagé Madame ! Je n’ai pas compté… ! JE BLAGUE j’en ai cinq, non six, oh je sais même plus » chacun y va du nombre d’enfant, Agathe a deux filles et un garçon, Nelly a un garçon et une fille, la chose « drôle » c’est que chacune a la même chose en petits enfant « on ne peut rien contre la nature » se lamente Patrick. Patrick continue, les enfants ils aiment « les faire » mais après la famille « c’est pas mon truc », Patrick a sept frères et sœurs et  « jamais » ils ne se voient « les réunions de famille, les trucs comme ça oh c’est des trucs de secte un peu et puis vous savez Mesdames c’est quelque chose la famille si on se voit on parle que de sexe » et au bistrot aussi. Agathe parle de sa famille notamment sa grand-mère qui s’est mariée en 1907 à Strasbourg et qui est tombée amoureuse du curé qui la mariait « Oh ben ça a toujours existé Mamie j’aurais dû la connaitre ! » Patrick redevient sérieux : « Confidence pour confidence la vie est ainsi faite », il parle de sa grand-mère « aide-soignante qui nettoyait les morts pour les présenter à la famille » mais avant ce noble métier la grand-mère de Patrick a eu une autre vie : « Tenez-vous bien Mesdames et ça je l’ai su par mon père, ma grand-mère avant ça elle travaillait légalement dans une maison ! » Agathe et Nelly ne comprennent pas : « Une domestique ? » « Mais non UN BORDEL ! C’était une personne qui faisait l’amour à des gens bah y’a rien de honteux et après elle donnait de l’amour à des morts, un métier très dur ! » s’ensuit un débat : « Quel est le plus dur métier entre aide-soignante et pute ? » pour Agathe et Nelly, c’est « aide-soignante », Marie-Annick ne s’exprime pas, Patrick comme d’hab termine le débat : « C’est le même métier franchement » Franchement oui. Patrick relance le débat, à eux quatre ils ont 300 ans donc : « On a très chaud là » Agathe explique qu’il fait tellement chaud que « nous on va pendre le café chez une copine » Patrick parle de la canicule celle de 2003 « c’est celle qui a tué ma mémé la pute » et là Patrick en est persuadé : « La canicule qui arrive va être supérieure à celle de 2003 beaucoup de gens vont mourir » Agathe interrompt Patrick : « Oulha PAS DU TOUT MONSIEUR moi je n’y crois pas ! » vous savez pourquoi Agathe n’y croit pas ?  « Il va y avoir un changement de lune c’est des trucs de grands-mères ça mais c’est vrai, un changement de lune ça ne rate pas et ça a la télé ils le disent pas » seul moment ou Marie-Annick s’exprime en acquiesçant. Patrick se moque : « Ah maintenant vous êtes météorologues ! Et juste avant vous parliez spiritisme » [le gros regret de l’autrice,  ne pas être arrivée 25 minutes plus tôt] mais Agathe ne se laisse pas faire elle s’y connait aussi « en histoire, vous savez que y’a des civilisations bien plus anciennes que Babylone ou l’Égypte qui ont disparu ! Comme les dinosaures ! Patrick : « Oui c’est vrai qu’on peut disparaitre totalement à cause du soleil il faut penser aux incas un peu »  Nelly : « On devrait aller se geler dans un sarcophage » Patrick : « Ah bah après y’a pu d’limite ! »

Bientôt la fin du repas Patrick et les deux femmes se font des compliments, Agathe dit : « Vous êtes très sympathique Monsieur » Patrick solennel : « Non Madame, vous vous êtes sympathique, moi je suis touchant », en attendant le dessert (des glaces « on a très chaud ») Agathe révèle à Patrick avoir été mariée trois fois « la coquine », Patrick veut savoir comment les maris sont morts : « Le premier il a trépassé, la veille de sa mort il allait bien et il a trépassé, et Dieu m’a récompensée j’ai gardé la pension de réversion » « Alors pas de regret » conclut Patrick et si Agathe a pu garder le pognon de celui qui allait bien la veille de sa mort c’est « Bah c’est grâce à Raffarin ! Ah si si c’est Raffarin qui a sorti ça ! Merci Raffarin !! » Raffarin ou Dieu- Franchement c’est pareil. Et ils se mettent à faire des comparatifs de leur argent, quelle est la meilleure banque ? Patrick : « je suis un très bon analyste financier » veut leur révéler la meilleure banque de France, il regarde Marie-Annick « Jle dis ou pas ? » Marie-Annick est au bout de 50 années de vie avec Patrick elle ne dit RIEN ne fait aucun signe, Patrick annonce : « La meilleure banque…c’est la banque du sperme ! » au début Agathe et Nelly ne comprennent pas elles demandent vraiment : « Mais c’est quoi ? » puis elles réalisent : « Oh mais qu’escqui raconte çui-là ? » Patrick pas peu fier de sa blague : « Je fais des dons régulièrement laissez-moi votre numéro de téléphone si vous voulez faire le plein » Plus sérieusement : Patrick est à « la banque postale de La Chapelle » Agathe est au CIC « j’aime bien le CIC » Patrick aussi : « Oui CIC c’est bien en plus c’est une très vieille banque qui a financé la tour Eiffel »

Après les desserts le café pour Patrick et Marie-Annick, bientôt Nelly et Agathe vont partir et Patrick sera obligé de rester avec Marie-Annick et se faire chier, il dit aux deux copines « On aurait pu aller en after ! » évoquer le bon vieux temps et même il leur dit « je vous aurais fait un MMS » C’est quoi ? C’est simple un MMS c’est une « photo sur le téléphone mais ! C’est aussi Matin Midi et Soir à 20 ans, Mardi Mercredi Samedi à 40, et Mes Meilleurs Souvenirs à 70 ans ! » « OH MAIS C’EST TROP MIGNON » crie Agathe, Patrick le romantique : « Oui c’est très très sympa vous la connaissiez pas j’espère c’est très gentil et pas vulgaire j’aime beaucoup plaisanter » et à leur époque « on savait plaisanter » maintenant les jeunes ne sont « que sur leur téléphone » ils disent ça en se tournant vers moi. Et là maintenant ce matin « y’avait même des cons qui attendaient devant Paris Plage !  Paris Plage à Stalingrad on croit rêver ils veulent même pas aller au cap d’Agde, moi si je peux pas avoir la zezette à l’air pfff » et puis en plus des loi qui obligent les français à ne pas exhiber leurs parties génitales Patrick n’aime pas les jeunes « les poulettes avant elles avaient des cuisses hupf on les mangeait ! Girondes, fermes là y’avait de quoi faire, là y’avait de quoi becqueter ! » ( mais Patrick est ravi de constater que ma circonférence de cuisses est de son époque) Quand même leur génération « était sympa » « la plus sympa » ils étaient « des hippies d’ailleurs vous avez gardé la fleur dans vos cheveux ! » Patrick regarde Agathe et Nelly : « Vous êtes des tyrannosaures femelles maintenant, qu’est-ce que vous allez faire cet après-midi ? L’amour ? EST-CE QUE VOUS ALLEZ FAIRE L’AMOUR NELLY ? » Nelly explique que « pas du tout je vais faire ma valise pour aller au Sénégal » Patrick ne tient plus : « Vous allez faire l’amour au Sénégal raciste va ! Et nous deux Nelly quand est ce qu’on se décide ah ah ah » Ah ah ah. Nelly rigole, au Sénégal elle chante « qui a volé l’orange vous connaissez ? Je danse du James Brown aussi, ils sont dynamique en plus les sénégalais » Patrick piqué au vif dans son égo de mâle français, les sénégalais « ils ont ptête le soleil mais vous savez comment on m’appelle moi depuis que j’ai eu le covid ? Langue de velours » c’est Marie-Annick qui doit se régaler, allez c’est le moment d’aller boire le café pour Agathe et Nelly, ils se disent adieu, Agathe explique que si jamais ils se recroisent un jour elle racontera un truc à Patrick : « Une de mes amies a été violée par un animateur ! » de télé ? De supermarché ? On ne saura pas,  Agathe a la tête qui tourne « on a très chaud c’est pour ça » Patrick termine ce joli déjeuner avec des inconnues : « NAN Agathe elle est bourrée…Mais pas par moi ! »

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