Achille et Gaston

9, rue Drouot, salle de ventes aux enchères, ici je m’apprête à voir des Pierre-Jean Chalençon, ou bien Sophie Davant qui viendrait zoner pour son émission. Drouot ouvre ses portes à 11h j’arrive en avance, il y a déjà des adeptes, ça se voit. Ils sont trois, assez vieux, ils forment un cercle interdit aux autres, on dirait qu’ils dealent du shit en fait ils échangent des catalogues d’expositions, ils se montrent des objets qu’ils veulent, ou qu’ils vendent, ils sont amis ou collègues de travail ils s’insultent entre eux. De fils de pute ? Non ici à Drouot on s’insulte « d’amateur », avec un coup dans le nez ils disent sûrement sacre bleu voire Montjoie, St Denis ? Quand je m’approche d’eux  ils se mettent à chuchoter, ils pourraient se retrouver au PMU ou aller au tribunal voir tous les procès ils préfèrent les salles de vente. Je me mets dans la file d’attente, devant moi un italien assez vieux, teinture blonde qui vire aux roux, veste bleu pétant avec carré de soie, pantalon camel, il a un collier en or avec un énorme pendentif un gros carré qu’on peut ouvrir, à l’intérieur il y a sûrement la photo de la mama, cet homme c’est Ugo Tognazzi sans Michel Serrault, il vient voir « Napoléon » seul mot que je comprends dans son coup de téléphone en italien. Pour l’instant il n’y a que des hommes et moi, des hommes vieux qui ont des verres de soleil qui se relèvent sur les verres de vue, des hommes en mocassins, pieds nus dedans et des chevalières. A côté c’est la mairie du IX ème, samedi quasiment 11h on célèbre un mariage, les mariés arrivent ils klaxonnent, ils sont en smart et derrière ils ont écrit leurs noms et la date du mariage pour montrer qu’ils s’aiment.

Deux amis d’enchères se retrouvent, le premier parle de sa dernière acquisition : « Tout à fait par hasard, en dépit du bon sens j’ai pris…un vase ! Un vase me plaisait, j’ai fait 14 000 mais bon il est beau et voilà » son copain lui dit : « Là on a acheté la baraque donc on fait attention, on fait quand même la déco », lui ce qu’il aime c’est : « Le marbre. J’adore. Ca a de la gueule, on termine bientôt l’extérieur de la baraque après une fois que c’est bouclé bah c’est bouclé » ils parlent de tout à l’égout, de permis de construire et les deux ont l’air de trouver ça super intéressant, le second explique très bien où est située sa villa : « Une villa sur le flanc sud, 300 mères de la mer, 400 du village, t’as tout, deux coiffeurs, trois boucheries si tu veux, quatre bistrots tu te prends une binouze c’est top » enfin on rentre, on nous prend la température et des gens se précipitent dans les différentes salles d’expositions, je vais vers celle des BD, après il y a aura la vente aux enchères, pour l’instant c’est l’expo, je suis la première à rentrer il y a des albums de boule et bill, des planches signées par Uderzo, de très vieilles BD, soudain un homme arrive, il a ses 3 enfants avec lui (Achille, Gaston et une petite fille) cet homme est insupportable, d’abord j’ai cru pendant 30 minutes que c’était Gaspard G. candidat malheureux à la Mairie de Paris mais non, cet homme CSP++ parle fort comme ceux qui ne ressentent pas du tout le besoin de ne pas déranger les autres, il aime bien la BD il parle beaucoup, il pourrait tout à faire dire : « Je suis parisien je suis important, je suis un homme influent », il coupe la parole aux gens et il laisse ses enfants toucher partout, d’un coup il « y pense ! Mais oui » « MOI J’AI UNE PLANCHE DE LARGO WINCH ça vous intéresse ? » il demande à une femme chargée de l’expo/vente, en fait il s’en fout de la réponse car il la coupe direct : « Celui-là là l’album de boule et bill BA CA A QUOI DE SPECIAL J’AI LE MEME » la femme lui dit qu’il est signé par l’auteur, il n’ écoute pas, il voit des petites figurines de personnages de BD en résine « Je peux en toucher une ? » non elles sont dans une boite spéciale, pas grave ses enfants s’octroient le droit de les toucher, il est dégouté cet homme car la vente aux enchères a lieu dans plus de 2 heures et il ne pourra pas être là, soudain il s’arrête net « MA DALTON C’EST MA PREFEREE », il revient à la charge sur sa planche de Largo Winch : « Alors comment faire ? » la femme lui a déjà expliqué mais elle recommence : « Voyez avec l’expert, il faut vous adresser à eux » « Un EXP…UN EXPERT ? » on dirait qu’il comprend même pas le mot, il parle tellement fort que tout le monde connait le prénom des gosses,  la salle sait aussi qu’il vouvoie ses parents présents, et surtout qu’il a une planche de largo winch, il perd de vue un de ses enfants, Achille, alors il se met à crier pour retrouver Achille qui est juste devant moi, assis limite sur mes pieds « ACHILLE T’ES OU ACHILLE JTE VOIS  PAS ACHILLE TU REPONDS » pendant que d’autres férus de BD tentent de parler « aux experts » on se retrouve à faire « Perdu de vue à Drouot »  finalement Achille est retrouvé à mes pieds, je sors de la salle des BD je n’en peux plus d’Achille, Gaston et le daron, je vais dans une salle consacré au bicentenaire de Napoléon, je retrouve l’homme qui traitait son copain d’amateur, son prénom est « Pélage » et il dit à la petite jeune fille de l’expo qu’hier il a «  regardé Roland Garros ah c’était fabuleux ! Sensationnel on aurait dit une finale » la jeune femme lui dit : « Bah c’était une demie finale » Pélage : « Oui  je sais mais là le jeu était tellement beau qu’on aurait dit une finale » « Oui mais c’en était pas une » lapidaire. A côté d’eux quelqu’un  de la vente déclare qu’il est bien content que Djoko ait gagné :  « Moi j’aime pas Nadal du tout mais quand même il a bien joué j’aime pas les espagouins », je sors, il y a une salle avec une vente de fourchette et couteaux, une salle où de très très vieux parfums sont exposés, le père d’Achille y est je l’entends de l’extérieur : « WHAOU un parfum de 1800 c’est cher non ? » il a peur être un vieux Brut for men à vendre, il doit demander aux experts, une autre salle (la plus intéressante) « orientale » avec des sabres, des reproduction du coran calligraphié , ici les gens ont des espadrilles et des bob comme au camping, un ami doit me rejoindre je redescends vers l’entrée et il y a ce que je préfère : un scandale, un homme refuse qu’on lui prenne sa température « Vous êtes hors la loi » il dit à l’agent de sécu, autour de moi les condamnations sont unanimes, l’homme qui refuse qu’on sache qu’il a 37,2 est traité de : « trou duc » « connard » « gros con » « VOUS ETES LAMENTABLE MONSIEUR » « Mais laissez faire le pauvre agent son travail » « Ah ça oui MONSIEUR vous êtes une MERDE » en trois minutes il a été rhabillé pour l’hiver, un front républicain s’est créé à l’entrée de Drouot puis « PARTEZ MONSIEUR » le monsieur est parti en menaçant bien sûr d’attaquer le  vigile. Et mon ami arrive, nous allons manger dans un café à côté d’Achille et son père, finalement ils restent pour voir la vente aux enchères, j’y vais ça a commencé depuis 10 minutes, au moment où je rentre dans la salle le père d’Achille achète une planche du Marsupilami « 500 euros ! ADJUGE 500 euros ! »  il achète aussi des cartes de vœux de Hergé, et un autre dessinateur, en 10 minutes il a dépensé 1000 euros, Achille l’a beaucoup aidé, Achille (maximum 8 ans) levait la main et décidait lui-même d’augmenter les enchères, le papa souriait, ému, fier ? De voir Achille jouer avec des centaines d’euros comme on joue aux billes, la reproduction sociale en marche, d’un coup de tête le papa d’Achille demande à l’employé de donner le ticket du lot acheté au fiston. Dans ce musée où on peut tout acheter Achille prend son ticket et repart pour une nouvelle enchère.

M Écrit par :

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