Le procès du procès

Lundi 14 décembre 2020. 40ème audience.

A quoi aura servi ce procès ? C’est la principale interrogation que je me pose avec ce dernier jour en attendant l’ouverture de ma salle.


En réécrivant les plaidoiries des avocats je réalise que ces derniers jours j’ai très peu parlé des accusés. Tous ont été choqués du réquisitoire aujourd’hui c’est le dernier jour du procès la dernière fois où ils auront la parole. Je m’attends à un verdict compliqué, je les acquitterais tous du « térro » comme disent les avocats, tous. Certains avec certitude, d’autres grâce au doute. Certains ont dû y croire avant le réquisitoire à sortir libre du procès ils vont payer. Pour des auteurs morts, pour l’accusation, pour les victimes, pour une opinion publique. Demain le Président optera pour leur futur ce sera le délibéré.


Ce matin les deux derniers accusés défendus sont Mohamed Farès par Me Safya Akorri et Nezar-Michael Pastor-Alwatik par Me Delphine Malapert, Me Guillaume Arnaud et Me Marie Dosé.


Des journalistes, mecs de la sécu, réalisateur du procès me disent d’arriver très tôt mercredi matin pour le verdict qui sera rendu l’après-midi « à 1 h du mat faut venir ! Les places sont chères ! » Il est 9h45 c’est la dernière matinée, Me Safya Akorri, ma best, prend la parole :


« Mohamed Farés … avant de vous parler de lui je voudrais dire une ou deux vérités oubliées, dérangeant certains. Je suis inquiète de ce qu’on nous a pris, de ce que nous sommes devenus. Ça a commencé par le plus visible avec les victimes. La chair, la vie de nos concitoyens. La brutalité et la cruauté. Puis de manière imperceptible on nous a pris plus, à travers des lois et des débats nationaux. Nos idéaux, notre ouverture d’esprit, notre gauche, notre vivre ensemble. Mon pays à moi et à certains des accusés dans le box mon refuge m’a été brutalement volé le jour où des terrorises l’ont pris, et le jour où nos dirigeant ont déclaré la guerre en voulant établir une différence constitutionnelle entre vous Français et moi Française aussi. Mais binationale. Cette différence n’a pas été écrite dans la Constitution, mais croyez moi le mal est fait. Cinq ans plus tard la France est encore plus fracturée. On se perd dans la souffrance on s’oublie dans la souffrance. Pardonnez moi mais… »

Et elle parle en arabe, deux ou trois phrases qu’elle ne traduit pas.


« Avant que les terroristes ne s’accaparent cette langue aussi. Si la France a peur de l’islamisme radical elle a aussi peur des musulmans et de l’islam. Et je le comprends car moi-même j’ai peur quand je vois une femme en niquab, ou un homme portant le Qamis. Mais vous êtes juges, pas là pour entendre le bourdonnement du public, l’odeur de sang, la meute dehors. Ce procès n’est ni historique, ni politique, ni emblématique. C’est le procès de ces hommes-là. J’ai entendu des avocats parties civiles j’ai frémi de leur posture ils ont confondu une salle d’audience et une salle de crime. Ils nous disaient que les victimes n’avaient aucune force envers les accusés. Ce déséquilibre est vulgaire et outrancier, la semaine dernière des avocats partie civile ont piraté le temps de la défense, pour eux ils étaient légitimes de confisquer le temps de parole des accusés, ces hommes-là n’ont même pas leur temps de parole ! Nous avons été tétanisés. On vous a dit les accusés sont incultes, manipulateurs, ils osent répondre ! L’accusé n’a jamais été présumé innocent, l’accusé doit baisser la tête, prendre les coups, ça vient des gens du camps du bien, ils sont éloquents mais ils voient bien que le dossier est trop faible, alors ils le manipulent. L’accusé ne devrait rien dire, quand ils parlent c’est pour sauver leur peau, le fait de vouloir se défendre est une preuve de culpabilité ! Regardez ! Il y a plus de policiers cagoulés que d’accusés dans le box ils sont livrés coupables ! Monstre coupable ou innocent malheureux, je ne souhaite à personne de subir seul ces regards accablants ! Mohamed Farès c’est le dernier homme. Que des déductions, une lettre anonyme, pas de preuve, une épouse trompée qui ici a dit qu’elle s’était vengée, et Souliman le beau-frère qui a donné sept versions différentes. Mohamed Farés celui qui arrive le plus tard dans le dossier, celui qu’on accuse d’avoir acquis et transporté des armes sans preuve, celui qui n’a jamais rencontré Amedy Coulibaly. Mohamed Farès avec sa tête de menteur. Je vais reprendre les éléments d’accusation et vous démontrer qu’il ne peut pas les avoir remises. Le 10 janvier 2015 on perquisitionne chez Coulibaly on trouve des armes qui viennent de chez Claude Hermant, ça tombe bien il est déjà mis en examen à Lille, parmi les acheteurs principaux on retrouve Samir L.  Et d’un autre côté Ramdani et Makhlouf sont déjà mis en examen pour les attentats on cherche pas autre chose c’est cette thèse-là ! Alors bon c’est gênant parce que Monsieur le Président ça vous le savez c’est que lorsque vous avez interrogé ici Samir L. vous lui avez demandé s’il prenait en photo toutes les armes remises par Hermant et il vous dit oui ! Bon ben dans les photos y’a pas de tokarev de Coulibaly c’est pas grave on s’encombre pas ! Avril 2017 on retrouve l’ADN d’Amel la nièce de Samir. [et la belle sœur de Mohamed Farés] vous savez c’est cette jeune femme nonchalante pas impressionnée d’être à la barre, on s’attarde pas sur elle,  son ADN, alors elle se fait interpeller gentiment sans menottes vous savez que c’est important pour moi bon en garde à vue on lui demande sa vie elle a cinq relations amoureuses à ce moment-là c’est une vie dissolue de jeune maman. Et puis y’a Souliman vous savez celui que vous n’avez pas vu. Celui qui est aussi accusé dans ce dossier [mais mineur] celui qui accuse Mohamed Farés mais qui ne s’est jamais confronté à lui. Ça me glace ! » Et elle lâche une phrase : « Et bah Souliman il a été jugé la semaine dernière ! On l’a retrouvé ! Et alors c’est savoureux hein, jugé pour acquis et cession d’armes ! Mais alors y’a le cynisme à son paroxysme c’est qu’on a mis le délibéré en janvier ! On vous attend Monsieur le Président ! »

Et elle raconte toutes les versions de Souliman en garde à vue. Puis elle parle de la lettre anonyme qui a dénoncé Mohamed Farés.


« La lettre anonyme bah l’accusation ou l’instruction bah y’a personne qui cherche à savoir d’où elle a été envoyée, c’est un avocat de la défense un dimanche sur Google il y pense. Cette lettre anonyme elle déclenche les foudres de la SDAT et de l’instruction » Et elle s’attarde sur les motifs légitimes qui permettent un placement en garde à vue et évoque les différentes gardes à vue des proches de Mohamed Farés.


Elle dit : « A aucun moment l’accusation n’a pu établir un lien entre Mohamed Farés et Claude Hermant et Mohamed Farés et Samir L. L’acquisition d’armes, on ne vous l’explique pas, le port et le transport d’armes, on ne vous l’explique pas non plus mais on vous demande de le condamner pour ces deux délits et on nous dit de tirer des conclusions sur nos doutes. Et maintenant on lui retire l’association terroriste c’est un peu dérangeant on nous dit que y’a rien pour le terrorisme mais on y va quand même. Vous allez le relaxer et vous allez l’acquitter parce que Mohamed  Farès c’est pas juste une figure à l’intérieur d’un box, c’est un être humain, avec une tête de menteur qui sourit sous son masque, s’il pleure pas c’est qu’il est coupable, il est dérangeant, c’est un stupeux qui a l’air de s’en foutre donc il est coupable mais vous vous rendez compte c’est pas la correctionnelle on est aux assises.  C’est un délinquant d’habitude ? Oui ! Un trafiquant d’armes ? Non c’est pas lui. Alors on nous a beaucoup pris et moi j’ai peur qu’on vous ait pris votre soucis de justice et de justesse, votre rigueur intellectuelle. Je mets beaucoup d’attente envers vous, j’ai la naïveté de croire que notre justice humaine est la plus belle car tangible et rugueuse comme nous, mais elle cherche à être la meilleure, comme nous. Je vous demande de garder en tête la force du pouvoir de l’accusation sur l’inconscient. Mohamed Farés est un des nôtres, il n’a pas pris le même chemin. Il fait partie de la société il est la société, ces gens-là ne sont pas mis au ban de la société.


Excusez-moi Monsieur Farés j’ai fait du mieux que j’ai pu, je n’ai pas été à la hauteur. Quelle que soit la décision prise je pourrai pas effacer les trois dernières années, la honte, la souffrance, et encore moins les 3 derniers mois. Mais vous pourrez vous dire que c’est la faute des terroristes car ce sont eux qui nous ont tout pris. »


Une heure vingt de plaidoirie, Me Safya Akorri a été excellente.

Il y a une suspension de dix minutes pendant ce temps Me Delphine Malapert est devant la barre elle est l’une des avocates de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, il a trois avocats en tout, le seul dans ce cas-là.


Elle a une voix douce et dans la main une boule anti-stress, elle la serre dans la main droite, au début j’ai cru que c’était un dentier anti-stress en fait c’est un gâteau, un fraisier.


Elle commence :


« Le 7 janvier 2015 je l’ai vécu en tant que femme en tant que mère, le 16 janvier 2015 je l’ai vécu en tant qu’avocate, je suis contactée par la BRI où on me parle d’un certain Nezar Alwatik je sais pas trop, le matin j’ai acheté le numéro de Charlie Hebdo à mon kiosque, j’arrive enjouée, joviale, je vois que quelque chose cloche lorsque je suis accueillie par le commissaire, il est désespéré. Pastor ? Mais oui ça me revient ! Je revois un gamin joyeux qui était venu me voir à sa sortie de prison de Villepinte ! Glacée je lis les charges, je comprends je supplie le policier. Je vois Pastor arriver je ne le reconnais pas on dirait qu’il sort d’un bois il a l’air fou, perdu , on tombe dans les bras l’un de l’autre, lequel s’effondre le premier je ne sais plus, il dit je n’étais pas au courant et moi contre lui je dis je suis charlie je suis charlie. L’un de nous deux s’est tu et nous nous étions tout dit. Je ne le lâcherais pas jusqu’au bout. Moi je sais qu’il ne ment pas ! J’ai douté…évidemment ! Et heureusement ! Je doute donc je suis, je consulte le dossier et on me parle de bouchons de siphon, je deviens odieuse, méprisante avec Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et puis mea culpa il y a vraiment cette histoire-là des bouchons de siphon achetés et mis dans la voiture de Coulibaly. Mea culpa mes doutes sont levés, alors il pratique peut-être la taqîya mais j’ai eu mon regard sur son merveilleux ami Dolly et sa charmante épouse, il m’a gardé comme avocate avec ma liberté de penser et de ne pas croire. Je peux m’attaquer aux éléments du dossier »

Et il y en a beaucoup concernant Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, la clio, les SMS, les armes, le gant, l’ADN.

Elle parle des liens avec Coulibaly et rappelle que celui-ci n’a pas de contact avec Belhoucine à partir du 30 novembre, ils ne s’appellent plus, elle évoque un ADN retrouvé chez Belhoucine et Coulibaly dont on ne connait pas le propriétaire, elle parle du rappel religieux fait à Nézar-Michaël Pastor-Alwatik et sa femme, explique que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik est un novice et ne savait pas lire entre les lignes de Belhoucine « Le lien direct ne suffit pas il va falloir du lien matériel et à la fin de l’OMA on ne les avait pas, la juge d’instruction connait le dossier par cœur et elle ne peut pas dire quel est le rôle de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik,, elle n’a que des hypothèses et c’est à la cour de savoir s’il y a des preuves, les faits matériels reposent sur un socle comme dit l’avocat général, sans ce socle rien ne tient, tout s’effondre..y’a jamais eu de socle » elle explique que si Nezar-Michaël Pastor-Alwatik efface les SMS de Coulibaly après les attentats et pas avant c’est bien parce qu’il n’est pas au courant de ce qu’il va faire, elle raconte : « En garde à vue Nezar-Michaël Pastor-Alwatik dit tout, les vidéos de la Syrie, sa femme trop voilée, ses liens avec Coulibaly, le pique-nique il dit tout, alors on ne va pas demander un acquittement total car il y a ses empreintes sur les armes, il les a touchées, concernant l’ADN de Nézar-Michaël Pastor-Alwatik retrouvé  à l’intérieur d’un gant à l’Hypercacher c’est un non problème [elle sort un gant comme dans le procès OJ Simpson ! Elle va dire if it doesn’t fit you must acquit]   Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et Coulibaly se voient ils se serrent la main, retirent le gant, Coulibaly remet sa main dans son gant il a l’ADN de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik c’est un ADN mélangé et c’est pour ça que l’ADN est uniquement dedans le gant mais nous on a pas de problème avec ça. »

Elle évoque la taqîya « le but ultime de la taqîya c’est le passage à l’acte sinon ça sert à rien de faire croire, de faire semblant, Pastor avec sa barbe il aurait pas pu passer les frontières alors on nous dit il a peut-être renoncé aux attentats, c’est un zigoto. Il risque 20 ans et c’est grave. C’est un réquisitoire fiction. Les zigotos c’est les Kouachi ! Et je peux vous le démontrer. Le donneur d’ordre écrit à Coulibaly, on sait qu’il est en Turquie le 7 janvier, peu de temps avant les Belhoucine sont arrivés en Turquie, et dans l’ordinateur de Coulibaly on trouve des dossiers : Tourisme/zigotos/fin/rêve, le dossier rêve ça fait penser à la lettre d’interprétation de rêves, le donneur d’ordre c’est Mohamed Belhoucine, oui Coulibaly devait agir avec d’autre, l’indicateur lui écrit : ami.aider tuer. Le 8 janvier il dit aussi : Pas possible amis. Travailler seul, si possible travailler zigotos, les zigotos ils existent déjà, les zigotos c’est les Kouachi ! Le 8 janvier on sait pas où ils sont c’est ça la consigne ! Si possible donner video zigotos et quand on regarde la video de Coulibaly il parle des Kouachi ! Ils sont là ! La seule certitude que j’ai c’est que y’a zéro certitudes et quand j’entends qu’ils sont tous un maillon, c’est faux ! Coulibaly aurait fait la même chose sans eux, moi je vois un homme Nezar-Michaël Pastor-Alwatik qui est ici dans la vie, pas un qui attend la mort de son seigneur, j’ai vu l’amour dans ses yeux de sa famille, la colère, la souffrance à écouter les victimes, la joie de rire entre accusés, avec nous, en lisant Charlie Hebdo ! Ici il ne craint pas dieu, sinistre carpe diem »

Elle a plaidé une heure vint c’est Me Guillaume Arnaud qui prend la place, j’écoute le début il ne va parler que de la taqîya et des femmes qui jalonnent la vie de son client, je sors, je vois un avocat partie civile, un avocat l’interpelle « Alors le procès Charlie ? » il répond embêté : « C’est super chaud là »

Au retour de la pause déjeuner il y a dans ma salle une musique d’ambiance je vois les accusés arriver sur de la samba, un téléphone sonne c’est  I will always love you  de Whitney Houston il est temps que ce procès se termine.

Et c’est Me Marie Dosé qui va conclure les plaidoiries, médiatisée pour son combat pour le rapatriement des femmes de Syrie je ne suis pas sensible à son discours pourtant elle va me tirer les larmes tant de fois dans sa plaidoirie, je ne l’ai pas écrite totalement je l’ai surtout écouté, elle a fait une plaidoirie magnifique, politique, en réponse à celle de Me Malka :

« Monsieur le Président d’ici une heure vous serez délivré de nous, et nous serons délivrés de ce procès, son idée, ce procès à deux têtes, comme l’a dit mon confrère Malka dans sa superbe plaidoirie qui restera celle de la défense des valeurs républicaines. Ca a été le procès des voitures, des téléphones. Rien à voir avec l’antisémitisme crasse, l’islamisme d’un Peter Cherif. En défense nous avons eu des divergences, après l’assassinat de Samuel Paty j’ai pensé qu’il fallait réagir, dire quelque chose, parler…mes confrères ne voulaient pas ils avaient raison ! Il ne fallait pas réagir ! C’est un procès historique mais c’est le premier d’une longue série, il y a une question philosophie il faut y réfléchir, La question philosophique c’est est ce que notre société supporterait qu’un attentat puisse ne pas être judiciarisé ? Un attentat sans procès ? Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, il faut réfléchir oui vous êtes trop nombreux les parties civiles c’est pas équitable ! Et trop souvent vous êtes des procureurs privés, le tour de parole ou vous avez dix, quinze, trente, cinquante partie civiles, l’avocat général qui n’a rien à faire mais se lève quand même et nous on arrive après trois heures et demie mais ça y est, l’image elle est figée, on arrive trop tard ! Pour une vraie équité il faudrait la défense, puis les parties civiles puis l’avocat général et de nouveau la défense je dis pas ça en l’air ! Je dis ça car vous avez raté Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, et c’est ma faute, je suis arrivée trop tard, alors il a crié oui et c’est tout, la machine à broyer…Il faut le réfléchir ça, c’est LEUR procès ! Le parquet s’est laissé voler la place, un réquisitoire où on donne les bons points, où on cite des avocats partie civiles, un entre soi qui dérange ! Je repense à cet accusé où un avocat partie civile lui demande le nom de ses frères, l’accusé refuse de répondre il nous dit qu’il ne veut pas le dire, le procès est filmé et l’avocat lui dit :  Vos frères ce sont bien karim et mourad ?  Moi j’ai changé les noms mais pourquoi faire ça ? Pour marquer les familles au fer rouge ? Elles ont leur douleur apaisée les victimes quand vous faites ça ? Votre robe se grandit ? J’ai même entendu un avocat dire il faut venger Samuel Paty alors je ne sais pas si c’était en audience où les avocats BFM qui vont à la télé, mais le lundi nous on arrive on court vers nos clients on leur dit après l’assassinat HORRIBLE de Samuel Paty il n’y aura pas d’amalgame, la justice est républicaine mais eux dans le box ils nous disent quoi ? Mais vous rigolez on a vu BFM tout le week end alors y’aura de l’amalgame ! Et ils ont raison, il va falloir le penser ça…j’entends un père de victime dire J’en veux plus à eux qu’à Coulibaly mais c’est d’éviter que ce père effondré dise ca notre rôle ! Vous voulez que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik vous explique l’amour de sa famille Benetton comment voulez-vous qu’il le fasse lorsqu’on lui dit qu’il pratique la taqîya ? Qu’il aime sa sœur juive parce qu’il est antisémite ! Il faut lutter contre les caricatures, pas celles de Charlie, les autres ! J’aurais aimé ne pas devoir faire le procès du procès ! Et lorsqu’on a le témoigne de Sonia, ce qu’elle dit en revenant de Syrie attention à vos libertés, on veut aller jusqu’au où ? Ces femmes qu’on laisse pourrir là-bas ce sont des mines de renseignements voilà ce qu’on est en train de faire !  La justice antiterroriste c’est la justice du copier-coller, où tout se répète, la justice antiterroriste c’est dire à quelqu’un : Vous savez plus personne n’est placé sous contrôle judiciaire depuis l’assassinat du père Hamel. La justice antiterroriste c’est celle qui juge les morts comme Belhoucine et qui refuse de juger les vivants et les rapatrier avant qu’ils ne s’évadent. Elle est tranquille Hayat Boumeddiene, elle est vivante, ah elle est libre Hayat, pas comme Sonia qui est revenu via la Turquie avec ses trois mômes sous le bras et qui savait qu’elle allait être placée en détention, non Hayat elle veut revenir plutôt illégalement en France !

Notre présent suinte la peur, une de vos collègues juge nous dit ce sont des peines DE MALADE mais bon…MAIS BON QUOI plus personne ne sort depuis la mort du père Hamel !  Le pire risque pour tout le monde en n’en prenant aucun. Le rapport QER très peu cité en audience on y croit pas, on nous dit que ce rapport qui évalue la radicalisation est poreux à la taqîya mais quand l’ex-femme de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik vient ici, salafiste jusqu’aux ongles ça on y croit à ce qu’elle dit, l’outrance c’est l’autre problème, le pique-nique salafiste où ça devient un problème d’y assister,  croyez-moi d’ici quelque temps avoir été adhérent au CCIF ou sympathisant sera aussi problématique on se donne rendez-vous dans quatre ou cinq ans. »

Elle évoque les journalistes qui ont pourchassé la maman de son client jusque devant sa porte, elle revenait de sa chimio elle avait peur. Elle cite Kamel Daoud et encore Richard Malka et sa plaidoirie. En fait elle fait une réponse totale à la plaidoirie de Malka. Elle explique qu’avant elle refusait de défendre les accusés qui ne voulaient pas lui serrer la main et puis elle a changé d’avis : « C’est pas comme ça qu’on gagne » elle dit : « y’a un problème on nous dit depuis 20 ans c’est la radicalisation de l’islam ou l’islamisation de la radicalité ah bah en France on aime bien la sémantique » elle décortique le coran et dit que quarante fois le mot djihad est écrit.

Elle décrit « une jeunesse complotiste qu’on a pas voulu voir, pas la peine de faire les offusqués, les quartiers c’est les misérables c’est pas Zidane et Rachida Dati, les quartiers c’est l’antisémitisme, quelqu’un a cité en plaidoirie ma France à moi, chanson de Pierre Perret, j’aime, ma France à moi c’est aussi une chanson très belle de Diams alors bon comment elle a tourné c’est peut-être pas le bon exemple mais entre Pierre Perret  et Diams y’a un juste milieu, mais comment l’islam a infiltré la prison ! La religion est l’opium du peuple carcéral, j’entends Me Malka dire il faut changer de doudou, mais la prison c’est quoi ? On travaille pas, on a pas de livre, on leur donne que ca que l’islam ! Je veux bien qu’on change de doudou mais moi mon client on lui a refusé la biographie de Mohamed Ali ! La religion a pris la place qu’on lui a laissée, qu’on sorte l’outrance de cette audience !

Un ami m’a fait écouter une chanson Rentrez chez vous de Dolly et Flo [Bigflo & Oli] et elle est magnifique, une chanson pour comprendre les migrants. Après l’assassinat de Samuel Paty je voyais plus la même chanson, les migrants je ne voulais plus en entendre parler ! MOI je tombais dans ce prisme-là !

J’ai terminé. Vous ne le savez pas mais j’ai parlé à Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, tout au long de cette plaidoirie, d’abord le livre ! Tout le procès il m’a demandé le dernier livre de Charb, je lui mentais chaque jour, je l’ai oublié, je me disais il va le lire dans le box on va croire qu’il fait la taqîya alors je lui mentais et j’osais pas lui dire, maintenant il le sait. Je n’ai rien vu chez lui car il n’y avait RIEN A VOIR quand il arrive en prison les détenus lui disent : ouais on sait bien que Charlie c’est un complot et lui il demande l’isolement tellement il ne veut pas entendre ça, ce jeune homme dont le livre préféré est La princesse de Clèves. Après l’assassinat de Samuel Paty j’envoie un SMS à mon frère, il est prof d’histoire géo, un cliché je lui dis juste Je suis dévastée, lui me répond : Par peur du FN la gauche a perdu. Vive Charlie, à bas les calottes et tous les voiles, le lundi je montre ce SMS à Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, il rigole et me dit : Dommage qu’on ne peut pas plaider un texto.  Ne le figez plus, il vous reste encore quelques heures pour ne pas le manquer »

Pendant toute sa plaidoirie Amar Ramdani acquiesçait et moi j’avais des frissons.

Les débats sont clos, annonce le Président il est 15h40 il donne la parole aux accusés :

« Qu’avez-vous à dire en dernier pour votre défense ? »

Christophe Raumel s’avance à la barre :

« Bah euh euh depuis le procès a commencé j’ai vu des images choquantes et bouleversantes les témoignages je regrette d’être là j’ai honte. »

Michel Catino :

« Je compatis pour les victimes et je veux répondre à l’avocat général qui a dit que je m’occupe pas de mes enfants c’est faux ils ont jamais rien manqué et là je suis pas là condamnez moi pour mes délits » il a la voix qui tremble.

Metin Karasular :

« Jsuis désolé de tout ce qui est arrivé, je remercie le ciel que jsuis pas impliqué dedans, dans les yeux de mes enfants, mes enfants me manquent j’ai presque oublié leur visage  quatre ans que je les ai pas vus. »

Miguel Martinez :

« Je pense aux familles, aux victimes je n’ai pas cherché à tricher, ça m’a fait du bien aussi je vais pas dire son nom mais y’a une dame partie civile qui a réussi à me parler, ses mots m’ont fait du bien, Madame vous ne vous êtes pas trompée sur moi, le parquet s’est trompé sur moi, j’ai eu l’impression d’avoir été entendu, je m’en cache pas je suis inquiet et vous avez le reste de ma vie entre vos mains, je suis pas un terroristes. J’ai essayé de regarder les parties civiles pour leur parler avec les yeux pour crier mon innocence » c’est Miguel Martinez qui me fait fondre en larmes.

Abdelaziz Abbad :

« Ma compassion est sincère et c’est important pour moi que vous y croyez. c’est à cœur ouvert que je vous dis ces derniers mots. Je n’ai aucun lien avec les faits dont vous souffrez, je peux pas m’excuser c’est difficile d’être ici, courage aux victimes »

Willy Prévost :

« J’ai de la compassion pour les victimes, je pensais pas que tout ça allait arriver, vous avez écouté mon histoire »

Ali Polat qui s’est rasé le crane de nouveau :

« Ouais bonjour bon déjà moi je comprends pas j’ai rien à voir dans ça je ne vais pas demander pardon pour quelque chose que j’ai pas fait y’a les ADN des choses fallacieuses, on dit que je mens j’ai le covid je vais pas jouer un rôle, perpétuité pour un truc que j’ai pas fait vous avez dit moi je suis un cas à part on m’aime ou on m’aime pas mais hey monsieur l’avocat général quand vous mettez votre robe vous avez pas à m’aimer vous devez appliquer la loi, moi je suis pas libre à ouvrir une friterie on dit chuis pas réinsérable mais si j’étais libre je pourrais faire une friterie avec la police à être indic vous voulez que je dise quoi ? On a pas les mêmes droits, on va pas refaire le procès. Y’a des plaidoiries parties civiles que j’ai beaucoup aimées et  chuis complice de mecs que j’ai jamais vus. »

Le Président : « Ce sont les derniers mots Monsieur Polat. »

Ali Polat continue :

« Moi je vais pas demander pardon à part ici au procès pour mon comportement, c’est de la vengeance ! »

Amar Ramdani visage dur, mâchoires serrées  :

 « Bon déjà Marie Dosé merci. Et aussi Me Akorri. Je devrais pas dire ça mais hey pourquoi vous l’avez pas laissé parler ? [il montre Ali Polat du doigt] pourquoi alors que c’est ses derniers mots….[il se tourne vers Ali Polat]  perpétuité mec pff c’est bon  » et il se rassoit, il pleure.

Saïd Makhlouf :

« Moi écoutez ça fait six ans que chuis en prison, six ans d’hypothèses ça a pas changé, j’ai confiance en la justice, j’ai juste peur que le côté politique l’emporte sur la justice, on est en France y’a des droits dans notre pays, je suis innocent j’ai rien à voir je comprends pas ma place ici, j’en ai gros sur la patate je veux mon acquittement »

Mohamed Farès :

« Bonjour moi j’ai la tristesse et la compassion je suis innocent j’ai jamais vendu d’armes j’ai rien fait »

Nezar-Michaël Pastor-Alwatik,:

« Avant tout j’espère les victimes que vous trouverez le repos, j’ai jamais eu aussi peur de ma vie de la justice de mon pays, mais je ne peux pas ne pas leur faire confiance, il faut me croire quand je vous dis que je n’ai rien à voir avec ça » sa voix se brise totalement, il se rassoit.

Dix-huit minutes. Onze hommes. Les dix-huit dernières minutes où chacun a tenté de sauver sa chemise, c’est la dernière fois que je les entends parler, mercredi ils n’auront pas la parole. Le Président termine en lisant des questions auxquelles il répondra pendant le verdict, le verdict sera rendu à 16h. Un dessinateur de procès a donné un dessin à mon avocat de la défense, l’accusé a voulu écrire un mot dessus « Merci pour tout » je le sais, je l’ai vu, cet accusé-là après avoir dit ses derniers mots trouve la force de remercier son avocat. Des victimes de Charlie Hebdo vont parler aux accusés derrière la vitre de leur box. Moment incroyable. Vite je sors, en partant du tribunal je n’arrête pas de pleurer, un peu de fatigue sûrement mais aussi le réel sentiment qu’une injustice va avoir lieu mercredi, comme SaÏd Makhlouf je pense que la politique va passer, pas la justice. Mon avocat de la défense m’écrit un SMS : « Trop d’émotion là. » Je rentre dans le métro Me David Apelbaum est sur le quai, il me regarde, semble me reconnaître mais non, ou alors oui peut-être, y’a deux mois je lui ai dit que je l’adorais mais cette fois-ci je me tais, il va à un bout du wagon, moi l’autre bout, ligne 13 direction Chatillon, je me demande à quoi a servi ce procès ? A rien.

M Écrit par :

2 Comments

  1. Emilie viana martinez
    14 décembre 2020
    Reply

    Merci pour ce récit bouleversant, les larmes coulent, je pense aux victimes , à leurs familles, qui n auront pas eu les réponses qu ils attendaient, qui n auront pas vu les vrais coupables et vrais complices de ce massacre …mais aussi à la mienne, femme de miguel martinez, sa vie est brisée mais celle de mes enfants et la mienne aussi…
    J ai envie de croire a cette juste justice mais honnêtement j ai très peu d espoir face a cette pression politique et médiatique. J ai peur ,ma vie s est mise en pause ce 31 mai 2016 quand le gign est venu à mon domicile ….j ai peur que ma vie s arrete ce mercredi a l énoncé du verdict………

    • M
      15 décembre 2020
      Reply

      Emilie.
      Je ne sais pas quoi vous dire, je vous envoie tellement, tellement de courage.
      J’ai plus que de l’empathie pour tous ces accusés et pourtant je ne suis pas impliquée autrement qu’en tant que citoyenne, alors je ne peux m’imaginer à votre place ou les victimes.
      J’ai essayé de rendre au mieux, les mots, les phrases, les regards de chacun avec ces chroniques pour laisser autre chose qu’un live tweet, un article de 3 lignes.
      Mercredi, demain, sera dur, j’aimerais n’avoir aucun doute sur le verdict, me dire que tout va se remettre bien. Je vous embrasse fort. Tellement fort.

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