La pompe à morphine

Quand elle va « bien » ( pendant trois heures hier) elle a toujours de l’humour. Régis est reparti ce matin il revient demain « avec des huîtres » pour maman. Elle me dit : « Tu parles je suis sure qu’il sait même pas les ouvrir celui là! » hier Régis disait que je lui avais soigné le crâne quand il saignait elle lui a dit « t’avais qu’à avoir des cheveux mon gars » enfin Régis et moi avons dit que ça y est il avait enfin vu mes seins et tout le reste lorsque je sortais de la douche « ah bah Régis t’as vu les seins de tout le monde dans cette famille ! » la mort de la reine d’Angleterre ça lui fait « un peu bizarre » mais elle est « Contente d’avoir vu ça » même si « je pense qu’on sera enterrée le même jour et que ça va éclipser ma mort » enfin toujours pertinente au niveau des analyses internationales : « sa mort ça va faire du bruit quand même non? » on termine par l’instant fashion « je pense que sa robe d’enterrement sera verte ! [ spoiler : celle de maman aussi, verte très foncée ] » à moi elle me demande mon avis je réponds « bleue » vous l’aurez lu en premier ici. Ça c’est quand elle va bien.

Ce matin elle n’était que pleurs et souffrances je ne m’y fais toujours pas, je prends sa main gelée je lui dis qu’elle peut chialer, et me dire ce qui la fait pleurer. Neuf fois sur dix elle ne sait pas elle pleure « comme ça » en lui posant les questions, c’est comme quand on joue a Akinator pour deviner un personnage, il faut poser les bonnes questions, hier Régis et Murielle n’arrivaient pas à comprendre ce qu’elle voulait Régis a dit « on va appeler Manue elle y arrive elle » en trois questions j’ avais la réponse, alors ce matin j’ai reposé les questions, elle avait mal « partout. Son côté droit paralysé lui fait mal tout le temps et ça remonte la douleur. Son côté gauche elle a mal enlevé montrant son sein, je touche mon sein à moi « tu as mal dessous ça » je descends ma main sous le sein « tu as mal en dessous? » elle a mal en dessous, pas au cœur alors voilà ce matin elle ne comprenait pas pourquoi elle pleurait et après j’ai compris.

On lui a livré un matelas à air un truc pour éviter les escarres pour les gens qui restent allongés. Le matelas est par terre, personne n’a réalisé que fallait sortir maman du lit, changer le matelas, la remettre dans le lit. « Elle peut se lever » bah non elle peut pas et a mal partout alors on attend le « verticalisateur » un truc comme quand Gérard Depardieu est hélitreuillé pour être amené sur le tapis rouge du festival de cannes. Demain soir a priori.

L’infirmière du midi passe vers 11h30 elle veut « me voir ». A 14 h on met à maman une seringue électrique de morphine. Pas en prévision de lundi, mais pour atténuer la douleur. Elle pourra régler elle même sa dose toutes les heures. Comme elle a eu le cancer du poumon y’a 3 ans, elle a eu grâce à la chimio un truc ( j’ai oublié le nom) sous la peau à droite vers la clavicule, un truc qui permet de mettre des cathéter mais je crois que c’est pas ça la vraie fonction. En gros la morphine passera mieux par là que par une perfusion. A 13 h on doit lui mettre un patch anesthésiant pour éviter la douleur de cet acte. L’infirmière arrive et me dit qu’elle était persuadée d’avoir à son cabinet 4 patch anesthésiants, elle s’est trompée elle en a zéro « faut que vous alliez chez le médecin demander une ordonnance et après passer à la pharmacie le chercher »
Je suis sur la terrasse à ce moment là maman est avec Jeanine. Je réponds à l’infirmière que je n’ai pas le permis, je n’ai pas de voiture, et surtout « excusez moi mais quand on est à l’hôpital j’ai jamais entendu que les enfants des patients allaient chercher des médocs » la pharmacie est à 5 km. « Et ben elle aura pas d’anesthésie et souffrira » voilà la réponse de l’infirmière. C’est bien bien sympa.

J’appelle Camille qui coordonne l’hospitalisation à domicile de maman et lui explique 1) la situation. 2) la réponse de l’infirmière. C’est normal Camille qu’on me réponde ça? Que je doive aller à la pharmacie et chez le docteur parce que l’infirmière n’a pas pensé à mater le nombre de patch de son cabinet ? « Je vais voir ce que je peux faire ». 13:12 l’infirmière repasse ne dit pas un mot et met le patch à maman qui ne se réveille même pas.

14 h. Elles arrivent, 2 infirmières, Camille, et une dame qui gère la technicité du truc, elles n’ont pas la morphine elles ont oublié elles vont à la pharmacie qui est pas contente car ils avaient la morphine pour la semaine prochaine c’est tout. « C’est bizarre c’est hyper carré l’HAD » « ah bah oui ça a l’air » dit ma mère. Il y a une erreur elle doit avoir 24 mg de morphine par jour sur l’ordonnance y’a écrit « 14 », de son lit ma mère crie LAMENTABLE. La betadine oubliée aussi, obligée d’aller chercher celle dans la voiture de Camille. Et le protocole commence.

On me l’avait vendu comme étant une pompe pour soulager la douleur et lundi on aurait les vraies pompes à morphine en fait ce sont les vraies pompes à morphine voilà c’est ça qui va l’endormir, je ne lui dis rien mais je suis un peu sous le choc je voulais avoir deux jours encore, Régis n’est pas là et je n’ose pas l’appeler, jeanine et Mumu non plus. 24 mg d’après mon expérience au cours de ces 6 mois c’est pas « beaucoup » donc ça devrait aller. Chaque jour une infirmière passera voir la pompe si ça va. Au bout de 7 jours on augmente ou pas la dose. Maman peut appuyer sur un truc pour avoir un shoot de morphine ils appellent ça un « bolusse » je crois.

Et moi je prends Camille à part pour lui poser des questions : si maman n’arrive plus à se nourrir ou avaler de l’eau mais qu’elle veut manger ou boire je fais quoi ? « Rien. Vous ne la nourrissez pas vous ne l’hydratez pas » si maman fait par exemple une énorme crise d’épilepsie et qu’elle semble en état de souffrance je fais quoi ? « Rien elle a décidé de se laisser mourir » si maman ne peut plus parler et qu’elle a des signes de souffrance je fais quoi? « Vous nous appelez on augmente la morphine » si maman ne peut plus parler ni exprimer par un visage crispé qu’elle souffre comment on saura qu’elle souffre? Sourire gêné de Camille « on ne saura pas »
Pas de souffrance avec les soins palliatifs en France, promis ? Vraiment ? « On ne saura pas » …

M Écrit par :

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