La sédation profonde

1h 30 de discussion avec : la médecin des soins palliatifs qu’on a vue lundi ( elle est bien) la médecin de l’hospitalisation à domicile -HAD ( moins cool) encore une fois maman doit expliquer ce qu’elle veut c’est donc la quatrième fois, la médecin de l’HAD veut l’entendre, moi j’ai « interdiction de parler madame on vous entendra après » je suis au tribunal, les trente premières minutes se passent mal, maman est mal bien sûr et les questions de l’HAD sont persistantes et agressives « depuis quand voulez vous la sédation? » « être vous déprimée? » « d’autres choses sont possibles » « je n’ai pas le droit de vous euthanasier madame je dois rester dans le cadre de la loi » « vous comptez arrêter la cortisone vous avez conscience que ça ne vous fera pas partir plus rapidement mais par contre que vous aurez plus de crises d’épilepsie? » je ne dis rien, je pleure à côté c’est une torture de l’entendre demander à maman de se concentrer, et enfin la question à laquelle j’arrête l’entretien fermement pendant quelques minutes arrive : « vous allez faire d’énormes crises d’épilepsie, votre fille va assister à tout ça vous trouvez ça bien pour elle? » je l’arrête direct « non ça vous pouvez pas, je vous l’interdis, vous pouvez pas la culpabiliser par rapport à moi, j’ai bien conscience madame de ce que je vais voir je le sais je ne pense pas que ce soit quelque chose à dire à maman vu son état, moi je verrai ce que je dois voir on arrête là merci »

On arrête quelques minutes, tout le monde est tendu, un dialogue commence entre cette médecin et moi, je réponds aux questions posées à maman « c’est le 11 août qu’elle a décidé qu’elle ferait appel à vos services lorsqu’elle a su que c’était un cancer généralisé et qu’elle a décidé de ne plus traiter le cancer » « elle n’a pas voulu d’anti douleur jusque là car elle pensait que plus elle souffrirait plus elle allait partir voilà c’est son idée » « les autres traitements possibles elle a dit non le 11 août elle a fait les directives anticipées à ce moment là elles servent à ça » « non elle n’est pas déprimée du tout mais elle se chie dessus permettez lui d’être un peu affectée par ça» et je raconte l’histoire de ce cancer généralisé, qu’on nous a rien dit, que c’est moi qui ait dit la vérité à maman, je dis « les médecins se sont tous filés la patate chaude »

La médecin de l’HAD me dit « vous êtes en colère madame ? » je crie « plus que ça, j’ai la haine tellement je vais exploser j’ai le seum, je vais tuer tout le monde après je suis une bombe à retardement vous pensez que c’était mon rôle d’annoncer ça à ma mère le 11 août? Vous pensez que des gens dans ma situation peuvent être tranquilles? On a eu 10 jours pour se décider, on aurait pu se préparer dès mars » je crie à côté du lit de maman, la médecin ne connaissait pas cette histoire, elle me dit « effectivement ce sont beaucoup d’épreuves je comprends mieux, ce sont de vrais traumatismes » je lui dis que de toutes façons « je n’ai plus confiance en la médecine après ça en tout cas en Charente tout ça a été honteux » maman a repris un peu de force elle leur dit « écoutez ça fait 3 fois qu’on se voit je vais de plus en plus mal il faut arrêter de me demander tout le temps, je veux que ça s’arrête ce n’est plus une vie laissez ma fille tranquille aussi»

Il y a deux choses possibles qui peuvent être réalisées « ensemble » d’abord les « pompes à morphine » des perfusions genre pour soulager maman, il peut y avoir que ça c’est ce truc là qui fait que le corps lâche au bout de X jours.

Et il y a la sédation profonde, là pas besoin de faire de dessin. « C’est moi qui vais la faire cette sédation si on la fait alors je dois savoir » dit la médecin de l’HAD, et cette sédation pour l’avoir il faut que d’autre médecins se réunissent pour discuter du cas de maman. Oui non on la fait pas on la fait. Je trouve ça dingue. Il y a encore un protocole à respecter un cahier des charges bien précis. Bref je n’y crois pas à la sédation je pense qu’elle ne l’aura pas et que ça va durer.

La conversation se détend un peu, on convient de donner à maman dès demain ou samedi un anti douleur par seringue électrique « pour voir » ça ok. Elle me dit « je vous pose la question à vous je vois bien que vous êtes très proches, alors vous arriverez à la convaincre de ça » j’y arrive.
La médecin de l’HAD nous dit que « pour elle » il ne faut pas arrêter la cortisone, je réponds que lundi 12 elle ne prendra plus rien, c’est non négociable « c’est votre choix je ne le cautionne pas mais c’est votre choix » merci bien.

Il est 11 : 30 elles partent je file un bout de poire à maman et la tarte à la mirabelle et on s’effondre pour 3 h de sommeil elle et moi, c’est Régis qui nous réveille, à son réveil elle me dit « j’ai joué au foot dans mon rêve j’ai perdu mais j’étais pas paralysée on étais tous jaunes ». On raconte à Régis le rendez vous du matin, il me dit « tu vois c’est notre conversation d’hier soir » , un de ses amis était en train de mourir de la maladie de Crohn et jusqu’au bout on l’a emmerdé ainsi que sa femme, Régis n’en revient pas, moi non plus je ne suis toujours pas remise de cette entrevue, elle leur a dit : « vous n’allez pas m’aider je le vois bien » moi aussi je le vois bien, je savais les lois de ce pays très compliquées, on a tout fait légalement je m’en veux terriblement, j’aurais dû ne rien demander niveau palliatifs et je lui aurais donné toute notre morphine et basta, tout était fini on se serait évité ces questions incessantes, ces moments perdus pour elle et moi.

J’ai compris comment elle communiquait, enfin, elle veut dire une idée, « je veux boire » mais elle dit avant ça « tu vas rouspéter emmanuelle » et prend le dernier verbe ça devient donc « je veux pas rouspéter, mais je veux rouspéter ». Hier soir elle voulait boire, je suis arrivée dans la chambre elle avait fait tomber le verre et la gourde, je lui dis « tu as fait tomber? » au lieu de me dire « je veux boire » elle prend encore le dernier mot « j’ai fait tomber je voulais tomber un peu » je suis devenue spécialiste du langage de l’œdème cérébral, jeudi, il nous reste 3 jours pour parler un peu et rouspéter. 

M Écrit par :

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