Vertiges

Les premiers vertiges ont commencé dés mars pour moi, quand je ne pensais qu’à moi moi moi moi je pensais à l’annonce de sa mort, où je serais à ce moment là? Est ce que une infirmière me dira « dépêchez vous dans 3 h c’est fini » et je n’aurai pas le temps de rentrer. J’ai commencé à imaginer plusieurs possibilités, dans le métro et le téléphone qui coupe , chez moi et que j’aie envie de sauter du 4 eme etage. Au taff et que je m’effondre totalement, j’ai longtemps espéré que ce soit au travail, pour que ma hiérarchie, mes collègues tous formidables depuis mars sans exception me ramassent.

Juillet je suis rentrée en Charente quelques jours elle était à l’hôpital de Ruffec et venait de se fracturer le bassin et jeanine m’emmenait tous les jours la voir. Je rentrais chez elle, chez nous et je tombais dans les pommes, je ne pouvais rien faire, me préparer le café me demandait une force surhumaine mes jambes ne tenaient plus je m’effondrais déjà, jeanine m’amenait des plats que je ne mangeais pas je n’arrivais même plus à monter à l’étage pour dormir dans ma chambre, je dormais sur le canapé.

Août. Lorsque j’ai pris la décision de revenir et que maman a décidé qu’elle allait se suicider j’ai pensé qu’au moins je serais sur place, c’est déjà ça mais d’autres vertiges ont commencé, celui de la découvrir morte la nuit lors d’une insomnie, ou pendant sa sieste, ou lorsque je vais dans le garage faire des cartons quand je reviens en pestant sur tout ce qu’elle a accumulé. Le coeur se resserre, les jambes tremblent, la respiration change, j’ai très chaud, j’ai très froid moi aussi je vais mourir dans ces moments là d’imagination, de projection mentale.

Je n’ai pas fermé l’œil une minute cette nuit, à 4 h j’étais allongée dans le lit à côté d’elle, elle dormait depuis la veille 18h30. Plusieurs fois jusqu’à aujourd’hui il y a eu une dizaine de fois où j’ai cru qu’elle allait partir mais jamais comme cette nuit.

4 h pile j’entends du bruit, des spasmes, des « cris » je suis déjà en panique j’allume la lumière elle est livide, blanche alors que mes profs ont toujours cru qu’elle était arabe, c’était toujours la question le lendemain de la réunion parents profs « je savais pas que ta maman était marocaine » c’est à 15 ans que j’ai compris qu’elle et moi nous n’avions pas la même couleur de peau.

Difficilement elle me dit qu’elle a envie de vomir je vais chercher la bassine, celle qu’on utilise avec les aides soignantes, elle est où cette putain de bassine? Je la trouve pas, je l’utilise deux fois par jour, je la trouve pas, je la trouve, elle est dans les chiottes à côté de la douche, j’amène la bassine elle va mal, j’entends son ventre hurler et elle qui a l’air d’être tellement proche de partir, je me dis ça y est putain c’est ça c’est là maintenant et je sais pas quoi faire, je la relève de son lit médicalisé pour éviter qu’elle s’étouffe si elle dégueule, elle hurle je sais pas quoi faire, je lui tiens la main et lui dis : « vomis fais ce que tu veux je m’en fiche » mais ça sort pas, finalement je remplace la bassine par une poche plastique plus facile à mettre, elle a le souffle court elle est grise maintenant, elle est glaciale, le chat a entendu que j’étais réveillée il miaule derrière la porte je me dis « il miaule ce connard car il a senti qu’elle partait » je reste longtemps à côté d’elle, elle arrive à accuser tous les trucs qu’elle a pris hier y compris le pétard je lui dis que c’est impossible que ce soit ça 15 h après et elle se rendort d’un coup, paf direct.

J’en profite pour mettre les 7 cachets de cortisone à se dissoudre sous la langue à ce moment là, elle n’a même pas conscience que je fais ça au moins je ne bataillerai pas ce matin pour lui donner, je sors sur la terrasse je prends mon café, des clopes, une chocolatine m, y’a des mouches, des insectes énormes partout, à côté de chez nous mon oncle sur le terrain élève des chevaux qui amènent toutes ces bestioles, je bloque sur un taon énorme et je le regarde vivre sa vie, le chat aussi fait ça, je reste dehors je n’arrive pas à rentrer pour voir si elle a gerbé ou pas ou pire, j’y arrive pas y’a pas un bruit dans ce putain de village de merde, à côté y’a Marco le mari de Mumu qui cuve son pastis je l’entends ronfler, y’a que moi en slip et tee shirt, le chat et le taon. Je reviens une heure plus tard il va bientôt être 6 h la journée officielle commence .

M Écrit par :

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.