« Ce sont des scènes de guerre »

Aujourd’hui nous continuons l’enquête et allons voir quelques photos et vidéos des lieux des attaques, le président a prévenu que ce serait dur, moi je me souviens des photos et vidéos du procès des attentats de janvier 2015, le président devait prévenir et ne l’avait pas fait, d’un coup des photos de cadavre de la rédaction de Charlie Hebdo étaient apparus sur l’écran. Au tribunal nous étions dans un auditorium, écran géant, 16 enceintes c’était très impressionnant et au final on ne pouvait pas échapper à ces visions d’horreur. Pendant plus de 20 minutes nous avions face à nous la vision d’un corps criblé de balles, en fond sonore on entendait un commissaire expliquer ce que nous voyions. Là au palais de justice je suis dans une salle d’audience, la salle Odette Dumas, un écran plus petit, pas d’enceinte, les fenêtres sont ouvertes-il fait très lourd à Paris-et le palais n’est pas climatisé- forcément ça sera différent, au tribunal j’étais comme dans un bunker, en apnée, mes voisins se bouchaient les oreilles et fermaient les yeux. Les fenêtres sont ouvertes et donc nous avons régulièrement les bruits de la ville pendant que l’audience se déroule, ainsi il y a deux jours le président a fait son entrée pendant que nous nous entendions « Saturday night  fever » en arrière fond, il a déclaré l’audience ouverte au moment du refrain c’était assez lunaire. C’est un super président que ce Jean-Louis Périès, il parle peu mais parle juste, pas d’hésitation, une autorité naturelle à répondre et faire taire Salah Abdeslam, parfois le président se permet des traits d’humour, je trouve qu’il maitrise les audiences de A à Z et c’est vraiment très agréable vu les ânonnements du procès des attentats de janvier 2015.


Je ne sais pas ce que je vais pouvoir voir, un an après j’ai parfois des cauchemars sur les précédentes photos et vidéos, d’un coup ça arrive au milieu de la nuit, je n’avais aucune distance ni expérience ça a joué sur mon moral je n’étais pas prête. 


Jipé est de retour il était au procès Benalla ( qui n’est  « pas grand » et il en « menait pas large ») , il parle à sa pote vieille comme lui qui lui explique une chose incroyable qui existe en France : la péridurale, Jipé n’avait jamais entendu parler de ça, sa copine lui explique que la péridurale est remboursée depuis 1994 Jipé en conclut deux choses : « Donc les femmes foutent rien quand elles accouchent » et il est apparemment excédé de cette situation, et « la sécu c’est le confort moi on m’a pas proposé ça pour mon [je n’ai pas entendu le type d’acte médical que Jipé a eu mais vu son discours je pense qu’il s’agissait de l’extraction de ses dents de sagesse] » il continue : « Là au procès Benalla bah yavait un avocat qui mangeait sa pomme avant l’audience et BAH ILS ONT PAS LE DROIT ! Y’a même un flic il me disait que Dupond-Moretti il venait avec son chapeau en audience POUR PROVOQUER ! Une fois bon je sais plus si c’était le procès Balkany ou Tapie mais y’avait une fliquette là Oulha je l’aurais fusillée celle là, A L’AUBE OUI ÇA SE PASSE COMME ÇA, elle m’a pris mon coca en audience ! Les gonzess c’est les pires! »

Parfois je ne sais pas ce qui est le plus saoulant à entendre….

On rentre dans la salle, le président explique qu’il y a une nouvelle partie civile le père d’une jeune femme blessée au Carillon et le premier témoin arrive, un homme commissaire stagiaire actuellement le 13 novembre 2015 il était chef de groupe à la section antiterroriste on lui annonce des explosions  au stade de France et dans l’Est parisien et qu’il y a une attaque armée au bataclan « au stade de France la situation semble figée on va sur le site avec mon groupe. Là bas on apprend qu’il y a eu trois explosions et nous avons quatre morts, les trois terroristes, une victime et des blessés, des périmètres de sécurité sont mis en place »


Il explique comment avoir recueilli des indices, des empreintes, de l’ADN, l’équipe déminage qui vient, il s’aide de photo de plan du stade de France, la rue, les moyens de transports, les resto, Leroy Merlin, la buvette tout y passe. Une première photo avec des corps est montrée, il s’agit du terroriste qui s’est fait exploser à côté de la victime Manuel Dias, les deux corps sont cachés par un grossier carré blanc fait sur Paint édition Windows 98. On voit la façade du restaurant qui a explosé, à terre autour des deux corps cachés il y a du verre. Il explique les différentes priorités comme rassembler les boulons dans des boîtes hermétiques pour après savoir quelles sont les substances explosives utilisées.
Il dit : « Bon là je parle de corps ou bien de partie de corps car parfois il manque la tête la par exemple il manque la jambe gauche et le bras gauche, le visage est préservé »
Pour la première explosion il a été retrouvé sur 25 mètres des éléments de scène de crime, il décrit les vêtements du terroristes short Adidas, jean Lévis, basket Adidas « bien sûr ce sont des morceaux de tissus »  sur le corps du premier terroriste on découvre un numéro de téléphone turc déjà évoqué lors des précédentes audiences « on lance une investigation »

Il détaille ce qu’on retrouve sur les scènes, des cordelettes pour porter les charges explosives, de l’adhésif collé sur les cuisses, des piles, des fils électriques, des interrupteurs, du scotch, il explique qu’on retrouve des bouts de corps jusqu’au restaurant « un doigt », la victime on la voit sur la photo sous le carré, son pied touche celui du kamikaze il était tout prêt, dedans le portefeuille de la victime on retrouve un écusson du Real Madrid « et une alliance gravée ».

La deuxième explosion est à côté d’un Quick et d’un bar, la façade du Décathlon est touchée, un frigo rempli de canettes de coca impacté, les dégâts sont sur 50 mètres, du terroriste il reste « la tête et le haut du buste, et le bras gauche c’est tout » tout le reste est éparpillé, l’enquêteur va même jusqu’à dire qu’à 50 mètres on retrouve une côte humaine, et un morceau de colonne vertébrale  « ah et un pouce aussi » franchement c’est Docteur Maboule et l’enquêteur n’est pas fluide quand il parle, il semble apeuré et intimidé. Le troisième terroriste l’explosion a lieu à 150 mètres du stade de France, il énumère le nombre de voitures défoncées (six) et un camion impacté de chair humaine « pour donner une idée du pouvoir vulnérant de l’explosif, il y a des impacts de balles dans des vitres jusqu’au 4ème étage » là, « la tête est seule au milieu de la chaussée » et il décrit toutes les parties du corps retrouvées ici ou là. On voit la vidéo des terroristes franchement on ne voit rien du tout ce sont des images très fractionnées alors il a beau décrire ce qui se passe à l’écran c’est très difficile à percevoir d’ailleurs le président dit : « C’est pas forcément plus éclairant que ce que vous nous avez dit » on est d’accord.

Le président lui pose des questions pourquoi le troisième se fait exploser très loin du stade de France ? L’enquêteur dit que visiblement le terroriste cherchait des groupes de victimes pour faire le plus de morts possible, une assesseure demande le nombre de blessés ? 143, le nombre d’écrous ? Des centaines.

L’avocat général pose une question sur l’allure de marche des terroristes, ils font 500 mètres en dix minutes « c’est donc très lent » et oui, puis il fait remarquer que les terroristes sont habillés comme des supporter de foot, qu’ils ont un drapeau Allemand avec eux (au stade se joue France/Allemagne) c’est donc plutôt bien préparé, pourtant ils n’ont pas de billets pour le match ? Pas de réponse du côté de l’enquêteur.

Une partie civile intervient elle veut savoir pourquoi l’enquêteur n’évoque pas les 12 membres de la garde républicaine qui étaient présents, l’enquêteur dit qu’il n’était pas au courant, « Et bien je trouve ça dommage, ce sont eux qui ont mis en place le périmètre de sécurité » le président interrompt l’avocate : « Bien on les entendra je crois » , mais l’avocate poursuit : « Dans les PV une femme dit qu’elle a parlé au terroriste français qui cherchait le Macdo, elle a dit qu’elle pensait qu’il se moquait d’elle car le Macdo était à côté, en partant il lui a dit qu’elle avait de beaux yeux » l’enquêteur n’a rien à dire, un autre avocat partie civile demande au président s’il peut interroger Salah Abdeslam sur l’heure d’arrivée c’est un non du président « Ca fera l’objet des interrogatoires de fond » et c’est une pause, Jipé ulcéré il se lève et dit à un gendarme présent : « On peut demander euh POURQUOI QU’ON VOIT PAS les corps alors qu’à CHARLIE HEBDO on les voyait bah c’est pas normal moi j’aurais dû rester à Benallla ! »

Au retour de pause une avocate défense prend la parole, pendant la suspension d’audience les accusés dans le box sont menottés et à juste titre elle ne trouve pas ça normal « Y’a possibilité d’intervenir monsieur le président ? » « Je vais clarifier ça avec le service d’ordre Maître » et un second témoin arrive, il est anonyme, c’est un homme, il est de la brigade criminelle il va parler du Petit Cambodge  et du Carillon.

« 23h on arrive sur place tous les enquêteurs avaient déjà vu des scènes de crimes, des corps mais le premier mot qui arrive à l’esprit c’est sidération, on s’est pas mis au travail direct on doit intégrer le côté humain en voyant tous ces corps, très vite on met de côté l’humain au fond de soi et on devient un professionnel pour mettre à profit l’efficacité »

Lui il s’exprime super bien c’est fluide, clair, net, précis, du langage de keuf habitué à faire des rapports et voir ce qui est important ou pas, il a beau être très pro dans sa description des faits on le sent ému.

Il montre une photo « quand on arrive sur place, voilà à quoi ressemble la scène de crime c’est une scène de guerre », bon je passe il y a une dizaine de cadavre au sol sur la route, les corps ont chacun une lettre, consciencieusement l’enquêteur nomme les gens, ils sont treize à avoir été tués à cet endroit-là, onze sur la route deux dans un restaurant et dix personnes sont en urgence absolue, l’enquêteur envoie les témoins des attaques dans un restaurant à proximité il fait faire un tri, il parle du « zonage » de la scène, il y en a quatre : devant le Carillon, entre le Carillon et le petit Cambodge, sur la chaussée, et au petit Cambodge, il dit qu’il faut faire « l’état des lieux » il nomme les corps, « là il y a un jeune homme son prénom est Mohamed », Nohémi, une américaine, il dit à chaque fois quelque chose sur la personne décédée « elle avait un petit sac à main » et puis :

« Je dois dire quelque chose monsieur le président, une erreur que j’ai commise, je porte l’entière responsabilité concernant la victime C pour l’identification c’était très dur » son souffle est très court, il poursuit : « Je vois une jeune femme, morte, elle a un sac à main de jeune femme, dedans des papiers Aurélie B, un visage jeune, jolie ça correspondait j’ai donné cette identité là, par la suite une famille nous contacte à l’Institut Médico-Légal, la famille de Chloé, ils ne la trouvent pas et puis il est fait mention que Chloé avait un manteau couleur moutarde, je me suis trompé entre les deux victimes…ce genre d’erreur que j’ai faite…les victimes couraient et tombaient les unes sur les autres avec les effets personnels je tiens à m’excuser »

Il continue et dit les noms, Marion et Anna deux sœurs, Sébastien, deux sœurs jumelles Charlotte et Emilie, Raphael, Asta, Alva, Justine et Stella il explique qu’il n’a pas voulu faire les constatations habituelles : ils n’ont pas déshabillé les morts comme ils font d’habitude donc « je ne peux pas vous dire toutes les plaies »

« Quand on arrive y’a pas un seul bruit, les policiers ont fermé les rues, y’a personne qui vient nous embêter il y a juste une chose qui stoppe le silence..les portables des victimes qui sonnent sans cesse c’est la seule chose qui nous sort de notre professionnalisme. »

Les photos continuent c’est du sang partout sur le sol, les murs, il dit qu’ils retrouveront 121 douilles « ça correspond à 4 chargeurs de Kalachnikov » 203 munitions, des corps sont perforées par 36 orifices, un autre 22, un autre encore 14…

L’avocat général demande combien de policiers ont été mobilisés pour cette scène : « Je suis arrivé avec sept personnes, plus huit autres policiers, plus des gens de la SDAT et cinq personnes de l’identification judiciaire, je suis le dernier à être parti à 8h30 du matin. »

Un avocat partie civile, Me Reinhart (son neveu Valentin est décédé au Bataclan, il était aussi avocat) « Moi j’ai des questions toutes bêtes, toutes simples » il demande si d’après le policier les terroristes ont fait des repérages avant ? L’enquêteur répond : « On sait que le véhicule est passé une première fois devant les terrasse bondées » ( grâce à la téléphonie) et puis après il y a discussion sur le nombre de véhicules présents, souvent le policier parle comme ça : « Vous dire c’qui s’passe dans la tête d’ces gars j’en sais rien » et souvent aussi « je suis incapable de vous dire » à une avocate qui lui demande s’il est sur qu’il n’y avait que trois terroristes il dit qu’il n’en sait rien il n’a aucun moyen de le savoir si ce n’est le témoignage des victimes vivantes qui sont choquées, il termine en disant que des gens des terrasses ont cherché à se réfugier jusque dans les toilettes, « on a retrouvé du sang » et derrière les comptoirs des restaurants mais « il n’y avait pas assez de place et puis les cuistots sont venus aider les gens » le dernier témoin arrive, aussi commissaire pour parler du restaurant Cosa Nostra, je pars je n’y arrive plus et demain c’est le Bataclan et ses quatre-vingt dix morts.

M Écrit par :

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