Vendredi l’audience a fini à minuit et la lecture du rapport n’était pas terminée, ce sont les deux assesseures qui le terminent, elles lisent les chefs d’accusations et ça dure un peu moins de deux heures mais c’est une répétition à chaque fois, « Visant à troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, composée d’individus formés en Syrie » au bout d’une heure trente on apprend qu’on est au dixième chef d’inculpation, de cette lecture il ressort un nom surtout, celui d’Oussama Atar, d’après ce que je comprends il est (était) responsable des OPEX (opérations extérieures ) c’est lui qui aurait commandité les attentats, il est accusé dans ce procès mais n’est pas présent, par contre Yassine Atar son frère est bien dans le box, il est beaucoup question de fratrie dans le terrorisme j’ai l’impression, d’abord les frères Kouachi, puis là nous avons les frères Atar, les frères Clain (présumés morts) et les frères Abdeslam (Brahim est décédé), on apprend aussi qu’on a échappé à d’autres attentats qui étaient en préparation : un pour le métro à Paris, un à l’aéroport à Amsterdam, des explosifs déclenchés à distance et des enlèvements. Beaucoup de noms de pays aussi ; France, Belgique, Irak, Syrie, Pays-Bas, Grèce, Autriche, Slovénie, Hongrie, les chefs d’accusations sont beaucoup plus étayés qu’au précédent procès où parfois seule la présence lors d’un achat de taser et sac à Décathlon était évoquée et enfin c’est la fin du rapport d’accusation.
Le président veut aborder le tour des questions, il est expliqué qu’il n’y a pas « de règle, ni de loi mais une tradition » en l’occurrence lorsqu’un témoin vient déposer il est interrogé par le président, puis par les parties civiles, puis l’avocat général et enfin par la défense, la seule règle est que la défense ferme les questions en dernier mais lors de la préparation de ce procès les avocats défense n’ont pas voulu de cet ordre traditionnel et donc c’est un tour de questions envers les différentes parties, l’avocat général rappelle que pour ce procès il y a 330 avocats partie civiles, 131 témoins, 15 experts et 35 avocats défense, l’avocat général évoque le procès des attentats de janvier 2015 où, et je peux en témoigner, les avocats défense estimaient que parfois les avocats partie civile se comportaient en procureur. Me Xavier Nogueras avocat défense explique que même entre eux ils ne sont pas d’accord, certains avocats défense voudraient que la défense ait deux tours de parole, l’autre veut que ce soit « à l’ancienne », le principal soucis de tout ça c’est la place accordée aux victimes et à leurs conseils, Me Nogueras le dit bien : « Personne ne va imaginer que dans ce contexte de ce procès que les victimes ou leurs conseils parlent trop, personne ! » or ce procès est surtout un procès où la défense doit répondre à l’accusation. Moi de mon point de vue ça me parait assez incroyable que ce point-là n’ait pas été réglé pendant la préparation, le président tranche il explique ce qui va être à mon avis un beau bordel : lorsque les témoins seront ceux cités par l’accusation le tour de parole sera « à l’ancienne », lorsque les témoins seront ceux de la défense, la défense posera des questions, puis les parties civiles puis les avocats généraux et encore la défense « tout ceci n’est pas immuable » prévient quand même le président et c’est une suspension de 45 minutes après avoir déjà parlé du tour de parole pendant 45 minutes ça fait plus de trois heures que l’audience a commencé et enfin le premier témoin de ce procès arrive à la barre, un enquêteur du SDAT, anonyme son nom est ici SDAT99, de 2015 à 2019 il était commissaire à la répression du terrorisme, il explique (il a apporté des diapos) qu’il va parler d’abord du contexte en 2015 puis de l’enquête qui a duré 4 ans : « Très concrètement le 12 novembre 2015 on a déjà des menaces de l’Etat islamique qui demande de cibler la France, en décembre 2014 nous avons un couple de policiers tués chez eux, janvier 2015 ce sont les attentats contre Charlie, Montrouge et l’hypercacher, le 3 février 2015 des militaires tués à nice, le 16 mars c’est à bamako et tunis contre des ressortissants français, le 19 avril c’est contre la policière Aurélie Chatelain, le 26 juillet 2015 une décapitation, et le 21 aout 2015 c’est l’attaque du thalys, on sait donc que des individus formés par l’Etat islamique sont projetés en France, 2000 français sont partis en Syrie depuis la création de l’Etat islamique (2014) donc en novembre 2015 on a une grosse charge de travail, chaque français qui part en Syrie fait l’objet d’une enquête. Très concrètement le 13 novembre 2015 nous on recherche les complices des frères Kouachi et de Coulibaly, entre décembre 2014 et septembre 2015 52 enquêtes sont ouvertes pour des attentats, il y a aussi l’omniprésence des médias et des réseaux sociaux ça a une influence sur les enquêtes et on doit tout vérifier, par exemple le 18 novembre 2015 lorsque le RAID est à St Denis il est annoncé par une chaine d’info à 7h12 qu’un passant est décédé, bon y’a une fusillade à ce moment -là on ne sait RIEN on enquête alors qu’on doit gérer autre chose, l’info était fausse »
L’enquêteur SDAT99 poursuit mais Salah Abdeslam se lève et crie (inaudible, micro éteint) le président lui répond très fortement de se taire mais Abdeslam continue, alors le président crie plus fort : « BAH VOUS AVEZ PAS FINI MONSIEUR ABDESLAM D’ENTENDRE CA PENDANT DES SEMAINES VOUS ALLEZ ENTENDRE LES ENQUETES » le président le menace d’expulsion, l’enquêteur de la SDAT continue, il explique les « 130 morts et 835 blessés » lors du 13 novembre « Ce sont des attaques sophistiquées, les terroristes sont arrivés la veille, en 37 minutes c’est fait, c’est un caractère international, des attaques organisées en Belgique, planifiées en Syrie, réalisées en France, à ce jour c’est l’action la plus importante de l’etat islamique » il explique qu’il faut consolider les informations, au moment des attaques il y a eu des rumeurs d’attaques au forum des halles, à Bastille, tout doit être vérifié, il faut aussi identifier les victimes, recouper les témoignages, et il y a 8 lieux de constatations, il faut relever les indices, l’enquêteur SDAT dit : « Il faut graver dans le marbre les scènes de crime », à ça s’ajoute l’identification des terroristes, et commanditaires, les complices et savoir s’il y a des gens en fuite « un défi sans délai, une ampleur sans précédent, chacun sait ce qu’il a à faire, il y a 1000 enquêteurs »
Il montre les diapos, explique que y’a un pôle renseignement, un pôle relation internationale, un pôle enquête, des ateliers victimes, terroristes, auteur, téléphonie, constatations, scellés il y a 4000 scellés pour les attentats du 13 novembre, 542 tomes de procédure, 5338 PV sur 11 jours d’enquêtes flagrante, 2259 auditions de témoins, « 17897 appels ont été passé en 20 jours sur la ligne dédiée aux attentats, elle nous donnera deux renseignements fondamentaux, d’abord la présence d’Abaaoud à Aubervilliers, puis le propriétaire de l’appartement de Brahim Abdeslam, rien que pour ces deux infos ce dispositif vaut la peine ».
Il continue et évoque le déroulé de l’enquête, il dit que les scènes des attaques sont « indicibles » alors il va parler de « factuel », il explique que différents services de police se partagent les différents lieux des attaques, les policiers sont « dans une course contre la montre, on a peur d’un truc : un surattentat, c’est largement envisageable », il évoque les différentes scènes d’attaque ; au stade de France : « Les corps sont en 10 morceaux, on trouve des passeport syriens, des numéros de téléphone pout la turquie et les USA, un autre corps est défragmenté en 6 morceaux » les terroristes du stade de France seront identifiés dès le 14 novembre grâce aux autorités grecques, ce sont deux faux réfugies Syriens (mais 2 vrais Irakiens et un Français). Pour les attaques des terrasses il évoque le nombre de munitions retrouvés à terre, 130, 108, 164,161, 155, 81. Les constatations pour le Bataclan commencent à 5h du matin le 14 novembre « les gens ont agonisé, c’est dur, on retrouve 250 étuis de munitions, le corps du terroriste sur scène est totalement démembré, on retrouve 15 chargeurs de kalachnikov de 30 cartouche, grâce à l’exploitation des vidéos du Bataclan et celles des victimes on sait que les terroristes ont téléphoné à leur mère ou leur femme, à 00H18 l’assaut est donné par le RAID et la BRI, à 2h du matin on a fait des constatations extérieures au Bataclan, on retrouve un téléphone portable dans une poubelle , celui qui envoie comme message On commence c’est parti , deux terroristes du Bataclan sont identifiés dès le 14 novembre, le troisième ce sera le 2 décembre 2015 car nous n’avions que des bouts de corps, au Bataclan nous avons noté 122, 76 et 52 impacts de balles »
L’enquêteur continue il explique que très rapidement il y a une revendication de l’etat islamique mais « il y a des erreurs, dedans ils parlent d’attaques dans le 18eme, y’en a pas eu, de deux cents morts alors que nous en avons cent trente et de huit terroristes, on en a sept il nous en manque un qui s’est donc enfuit, en fait plus tard on réalisera qu’il nous en manque trois » Très vite Salah Abdeslam est dentifié grâce à une voiture présente et les autorités belges qui coopèrent, ils savent qu’il est contrôlé le 14 novembre à 9H10 à ce moment-là on ne sait pas encore officiellement que c’est lui » Le policier explique qu’après les attentats Salah Abdeslam a demandé à des amis belges de venir le chercher à Paris, Hamza Attou et Mohamed Amri tous deux accusés ici, ces deux derniers sont interpellés dès le 14 novembre ils reconnaissant être allés chercher Abdeslam à Paris et que celui-ci leur a dit qu’il était impliqué dans les attentats et « qu’ils étaient 10 », arrivés en Belgique Abdeslam va acheter des fringues et se fait couper les cheveux, il est remis à Ail Oukaldi (aussi accusé ) qui se charge de le cacher, le 14 novembre à 14h « Salah Abdeslam quitte nos radars, on lance un mandat d’arrêt le 15 et des moyens importants entre la France et la Belgique » les enquêteurs sont inquiets, ils ont peur d’un passage à l’acte, d’autant plus qu’ils ont trouvé trace d’une réservation d’hôtel à Lilles pour le 17 novembre 2015 pour Brahim Abdeslam décédé 4 jours plus tôt.
L’enquêteur SDAT évoque la location des véhicules « la providence a voulu que y’ait un trackeur GPS » dedans ils trouveront des armes, 3 couteaux de boucher aiguisés, des chargeurs et « un drapeau français à mettre sur le tableau de bord. »
L’enquêteur va faire un long chapitre sur Abaaoud et très bien expliquer comment sa piste est remontée: « Abaaoud est LA menace concrète de l’Etat islamique en France, on le connait bien ,en 2014 on le voit conduire un pick up et derrière il traine des cadavres, et le 16 novembre on reçoit un appel de Sonia [Sonia n’est pas son vrai nom, je mets un nom choisi par un journaliste, l’enquêter SDAT a dit tout le long un « vrai » nom et prénom] Sonia est une jeune femme qui nous dit héberger Hasna Ait Boulahcen, et cette dernière a reçu en promesse 5000 euros pour trouver une planque pour Abaaoud, Sonia nous explique qu’elle est allée avec Hasna à [je cache] là-bas elles ont retrouvé Abaaoud qui est aussi le cousin de Hasna, il avait besoin d’une plaque pour 48h, il a expliqué que des attentats allaient arriver au moment de Noel, Sonia pour décrire Abaaoud dit je cite Il ressemble à un roumain , elle évoque aussi les futures attaques : les transports, des quartiers juifs tout est déjà prêt, Abaaoud est rentrée en France via les réfugiés, il se moque de la France et de ses frontières poreuses, Hasna prend sa mission à cœur, même si elle semblait suspicieuse envers Sonia pour nous c’est un cataclysme Abaaoud est sur le territoire, on se demande si Sonia nous dit la vérité ça peut aussi être un piège qu’elle tend envers des policiers, on met tout le monde sur écoute, 14 personnes sont contactées pour trouver un logement pour Abaaoud, on doit se dépêcher nous sommes le 16 novembre, le 19 un attentat est prévu contre la défense sûrement le centre commercial des quatre temps. Le 17 novembre Hasna est mise en relation avec Jawad qui lui trouve un logement en échange de 150 euros, Sonia nous recontacte elle nous donne l’adresse de la planque, le code mais elle nous dit de faire attention d’après elle 90 personnes, arrivées de Syrie, des djihadistes sont dans cet immeuble pour venir faire des attaques, on est très très inquiets » il est décidé de faire intervenir le RAID mais « Bon à Saint Denis en centre-ville c’est pas super accueillant pour des policiers on nous dit que c’est un immeuble de squat, on ne sait rien, à 4h20 le 18 novembre ça commence le RAID fait feu, la fusillade et les explosions durent jusqu’à midi on ne sait pas si les terroristes sont morts ou pas, on doit aussi interpellé Jawad et sa compagne…et sa maitresse, les murs de l’immeuble sont tombés, les canalisations cassées et le plancher s’effondre, à un moment on voit une partie de visage humain puis un scalp, on voit un corps humain enfin un peu y’a pas de visage, celui d’Hasna est intact, Sonia nous expliquera après avoir entendu parler d’attaques futures contre les commissariats ou des crèches, depuis le 20 novembre 2015 Sonia bénéficie d’une protection de témoin » MERCI SONIA (et moi je vous conseille vivement de lire ca sur Sonia, sa vie maintenant, une honte : https://www.franceinter.fr/emissions/la-revue-de-presse/la-revue-de-presse-du-jeudi-02-septembre-2021 )
L’enquêteur SDAT passe maintenant à la cartographie des modes opératoires je laisse tomber il parle de bornage de téléphone, de voitures, de faux noms il explique que les accusés ici présents sont rentrés par les flux de migrants, à ce moment-là y’en a 8000 par jour qui tentent de rentrer illégalement en Grèce, il explique l’aide d’Europol, que le 28 octobre 2015 Adel Haddadi et Muhammad Usman qui se font passer pour des faux syriens sont condamnés par la justice Grecque à 3 mois de prison avec sursis puis ils sont interpelés le 10 décembre 2015 , sur l’un d’eux on retrouve le même numéro de téléphone turque que sur le corps d’un des terroristes le 13 novembre, ils expliquent qu’ils sont de l’état islamique et qu’ils devaient venir frapper la France. On apprend aussi que des bidons de produits de piscine ont été achetés par Abdeslam ça sert à fabriquer du TATP, et l’enquêteur commence à fatiguer (et moi aussi) il explique quasiment sans note mais il est crevé ça se ressent, ça fait plus de 3h qu’il parle sans interruption il dit par exemple « il quitte la Syrie pour se rendre en Belgique, euh non non il quitte la Belgique pour se rendre en Syrie oui c’est ça » bon ça plus quelques mélange de nom, de dates, de type de voiture je m’y perds et je pars c’est bientôt la fin, je sors du palais d justice Emmanuel Carrère qui écrit le procès est en train de siroter un spritz je vais le voir je lui demande si ça va, il me dit que pour l’instant oui, je lui parle du procès des attentats de janvier 2015 il me dit que ça a dû être intéressant, qu’il comprend que j’aie du mal à en sortir, il me dit que lui il n’a pas signé pour la vie, salut manu à dans quelques jours.
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