« Famille, je vous hais »

Mercredi 14 octobre 2020. 23ème audience.

Mohamed Farès né le 30 mai 1989. Son avocate est Me Safya Akorri Son casier judiciaire porte trace de huit condamnations.

Hier j’ai raté le témoignage sans importance d’une copine de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, puis l’assesseur l’a invité à réagir à un rapport pénitentiaire qui a dit qu’il n’adhère pas à l’idéologie djihadiste mais pourrait être dans la dissimulation. Alors Nezar-Michaël Pastor-Alwatik a raconté sa détention un peu, rasage de barbe, arrêt des prières, il a même dit qu’on l’appelait « la Castafiore » car il aime chanter du Céline Dion ou Aznavour. Puis l’audience s’est finie et moi pendant ce temps-là j’ai eu un accord de ma hiérarchie pour assister au verdict le 14 novembre.

Aujourd’hui nous passons à l’interrogatoire de Mohamed Farès, encore un personnage que je ne situe pas trop. En fait c’est compliqué pour moi de « comprendre » l’affaire, pourquoi les accusés sont là, leurs liens entre eux s’il y en a, j’arrive un peu à discerner qui est qui mais il y a plusieurs histoires (des accusés) dans une grande histoire (les attentats).

Mohamed Farès vivait dans le nord, trafic de drogue. Son père a une entreprise d’ambulances où il a embauché Saïd Makhlouf. Lui et Mohamed Farès se sont connus au mariage de la sœur de Farès je crois. Il a été dénoncé anonymement dans cette affaire. Il a l’air d’avoir une excellente avocate, Me Safya Akorri. Autant son client est assez insignifiant depuis le début du procès, autant elle, elle est là. Bien sûr elle fait aussi partie de « la conférence », ces avocats qui gagnent un concours d’éloquence. Dans la file d’attente, Blanche parle des yeux de serpent de l’assesseur, beaucoup moins humain que le Président et elle évoque « ses chouchous » parmi les accusés. Elle voudrait aller voir le « procès de Jonathan Daval à Vesoul ça dure quatre jours mais ça commence le 16 novembre là ». L’audience commence et le Président évoque un point : des témoins prévus aujourd’hui refusent de venir témoigner. Il s’agit de l’ex-femme de Mohamed Farès et son ex-belle-sœur. La cour délivre un mandat d’amener. L’ex beau-frère Souliman refuse aussi mais lui c’est pire : il doit être jugé dans cette affaire et est en fuite ! On y reviendra. On va vivre une matinée très compliquée niveau liens familiaux. Heureusement les différents reportages sur la famille Villemin du petit Grégory sont une aide précieuse pour moi, je suis rôdée pour comprendre les arbres généalogiques famille emberlificotés. Mais avant ça Me Safya Akorri, avocate de Mohamed Farès, prend la parole : « Je tiens à faire part de la gravité de la situation. Souliman est censé être jugé sur cette affaire, c’est le principal témoin qui met en cause mon client, il a donné six ou sept versions différentes et le jour du procès, le jour de la huitième version, il n’est pas là, il a pris la fuite. »

Le Président lit le chef d’accusation : association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, fourniture d’armes, acquisition d’armes. Mohamed Farès a eu sept gardes à vue, trois auditions chez le juge d’instruction et une confrontation. Le Président : « Beaucoup de mensonges, des évolutions, des contradictions, mais une certitude sur l’arme Tokarev. Au domicile de Coulibaly il y a l’ADN de Amel B., et une lettre anonyme le 27 décembre 2017 qui dit  Hypercacher : Mohamed Farès  et bon… Farès et Amel B. on va le voir y’a des liens. Vous, vous dites porter le chapeau. La lettre anonyme vient de quelqu’un qui connaît le dossier, vous avez une idée ? » Mohamed Farès : « J’ai réfléchi sur ça et je sais pas quoi dire. » Le Président : « Bon, vous étiez dans les stup, vous contestez pas, donc on peut vous balancer sur ça, alors que là on vous met dans une affaire très grave, le terrorisme. Vous pensez à votre famille ? Vos proches ? » Mohamed Farès : « Ma belle-famille, mais pas de certitude. » Le Président : « Bon, vous allez nous expliquer la généalogie de chacun. » et ça va être très compliqué et confus.

Mohamed Farès s’est marié religieusement à Chinaze B. en 2012, dont il s’est séparé en 2014. Ils ont une fille. Chinaze a une sœur, Amel, dont on retrouve l’ADN sur l’arme, et un frère, Souliman, qui est donc en fuite. Amel a dit en garde à vue qu’elle avait touché l’arme car son frère Souliman avait amené l’arme. Souliman en garde à vue dit qu’il travaille pour Mohamed Farès, son beau-frère trafiquant de drogue. Souliman est mineur au moment des faits, il est renvoyé dans le cadre de l’affaire et il doit être jugé plus tard. Donc « ça c’est votre belle-famille. Passons à votre famille. »

Mohamed Farès a un père qui a une entreprise d’ambulances. Parmi ses employés, il y a Saïd Makhlouf que Mohamed Farès rencontre au mariage de sa sœur Samia en 2014. Il rencontrera aussi Amar Ramdani. L’arbre généalogique est fini, pour l’instant. Le Président : « Bon vous dites que votre ex belle-sœur Amel est pas respectable, vous la portez pas dans votre cœur. Vous pensez qu’elle a envoyé la lettre anonyme ? » Mohamed Farès : « Quand j’ai connu mon ex-femme Chinaze, j’ai appris qu’Amel avait plein de relations pas fréquentables, elle était pas respectable, j’avais pas envie de la connaître. La plupart de sa famille lui parle pas. Et pour la lettre je pense que c’est plutôt Souliman, enfin c’est une hypothèse. » Le Président : « Bon le mot qui revient c’est effarant, le nombre de versions et vous-même vous y participerez par exemple vous dites ne pas connaitre Saïd Makhlouf, puis on vous montre une photo et là vous acceptez de dire. Bon on se pose des questions, y’a peut-être anguille sous roche. » Mohamed Farès : « Oui je comprends, mais vu l’ampleur du dossier, moi si je peux dire que je connais pas untel je le dis pas, c’est ma ligne de défense. Je faisais du trafic avec lui, faut qu’on me montre les preuves. Au début on me parle de terrorisme, moi je donne pas de nom. » Le Président : « Oui et à la troisième garde à vue vous dites savoir des choses… » « Oui et j’invente. » « Oui vous ne voulez pas parler de Saïd Makhlouf mais d’arme et vous inventez alors que bon si on ne veut pas être mêlé on a plutôt tendance à dire qu’on ne sait rien. Vous, vous dites des détails sur Christophe [« Monstro », qui est venu témoigner le même jour que Claude Hermant et qui fait du trafic d’armes dans le Nord- voir audience 14] vous dites Christophe m’a vendu l’arme et vous avez mis en relation Christophe et un homme du 91. Mais vous vous mouillez totalement ! Bon après vous dites que c’est pas vrai. Donc y’a trois choses, y’a la réalité, y’a des bouts de réalité et des mensonges. Bon on saura par l’enquête que Christophe et l’arme c’est un bout de réalité. » Mohamed Farès : « J’ai inventé ça car je sais qu’Amel a touché l’arme et qu’elle implique aussi son frère Souliman. Moi Souliman je le portais dans mon cœur, vous pouvez rire mais je me suis auto- incriminé pour le protéger. Concernant Christophe et Claude Hermant je connais leur réputation depuis dix ans donc je pouvais les mouiller. Et puis au début je parle d’une kalash alors que c’est un tokarev. Si j’avais su j’aurais dit la vérité ça m’aurait fait une arme en moins. »

En fait, Amel la belle-sœur a touché une arme, un tokarev qui a été retrouvé chez Coulibaly, elle a mouillé son frère Souliman en disant qu’il avait ramené l’arme et Mohamed Farès a voulu protéger Souliman mineur en mentant. Mais Farès ne sait pas que l’arme est un tokarev, il dit que c’est une kalachnikov en garde à vue. Son idée c’était que les enquêteurs allaient lâcher Souliman et quand ils allaient voir que Mohamed Farès n’avait rien fait et bien tout le monde sortirait de ça sans problème, mais ça ne s’est pas passé comme ça.

« Je voulais éloigner les policier de Souliman et j’ai pensé que les preuves sur moi n’étaient pas suffisantes car j’ai rien fait. Après pendant ma GAV j’étais déstabilisé, j’ai fait l’idiot, j’ai tout inventé. Je m’en veux. » Prêt à encaisser la responsabilité de complicité d’assassinat pour protéger le petit beau-frère. Il explique combien il aimait Souliman : « Souliman je l’ai pas mis à un poste de guetteur fixe, il pouvait faire ce qu’il voulait avec la drogue. » Le Président : « Mais Souliman dit qu’il vend pour vous. Vous, vous niez. Enfin c’est du détail, on est dans une affaire de terrorisme ! On comprend pas pourquoi vous mentez sur ça ! Votre position est difficile, Monsieur Farès. » Et effectivement c’est une audience amphigourique. Mohamed Farès divague, se noie dans les liens familiaux. Le Président lui dit : « Est ce que vous ne cachez pas tout ça, la drogue, pour cacher l’essentiel à savoir les armes ? Enfin, vous parlez de Christophe, il est venu témoigner ici, il a d’ailleurs été condamné pour trafic d’armes mais il est aussi dans les stup. » Mohamed Farès : « Oui chaque semaine il m’achète de la cocaïne. » « Oui et vous dites que là où il y a de la drogue, il y a des armes. On peut aussi se dire que vous achetez une arme à Christophe en payant avec de la drogue. » Mohamed Farès : « Chuis pas là pour mentir. Moi j’ai jamais fait les armes, Christophe il est connu pour vendre des armes partout dans le Nord. Les armes, c’est une peine à 2 chiffres. Moi je gagnais bien ma vie avec la drogue. » Le Président : « Dans un PV d’audition, Souliman dit qu’il a eu l’arme Tokarev. Il avait besoin d’un pistolet. Il dit qu’après avoir eu le pistolet vous lui avez demandé de le rendre car il y avait des clients pour ce pistolet. C’est quoi pour vous la vérité ? Il y a votre sœur ? Euh, votre nièce ? Euh ! Votre belle-sœur ? » Même le Président s’y perd. Et si on a l’impression d’avoir tous les acteurs de cette journée il n’en est rien. Mohamed Farès : « Moi je pense qu’Amel a vu l’arme chez un trafiquant vu qu’elle a pas de bonnes fréquentations et qu’elle veut pas donner son nom. Elle implique son petit frère avec qui elle a de mauvaises relations. Vous avez qu’à lire les PV, Souliman il l’a bien frappée. » Le Président : « Bon ça balance tous azimuts en famille et en plus on envoie une lettre anonyme. » Le corbeau, les Villemin, la Vologne, Murielle Bolle, Marguerite Duras qui aurait écrit dans Libé : « Sublime forcément sublime Mohamed F. » 

Le Président ne comprend pas l’intérêt de sa belle-famille à le faire plonger dans ça. A un moment Souliman le beau-frère évoque « des Parisiens » qui auraient acheté une arme. Le Président : « Votre ex-beau-frère dit :  Pour moi, Mohamed Farès s’est servi de Christophe pour avoir des armes gratuites et il s’est servi de moi et Guizmo. Bon, Guizmo on le retrouvera par la suite. Après bon, il dit ça mais il se rétracte. » Mohamed Farès : « En fait Souliman m’en veut car à un moment j’ai été violent avec ma femme, sa sœur Chinaze. Il a jamais accepté que je la laisse avec un enfant. Ensuite pour les  Parisiens  évoqués par Souliman, en fait je faisais le Johnny. » Le Président lui dit : « Ça veut dire quoi ? » Mohamed Farès : « Se vanter. Je voulais que les gens croient que je voyais du monde, faire le kéké. » Le Président : « Souliman dit que même si vous avez acheté des armes vous ne connaissez pas Coulibaly. » Ça s’embrouille tellement, le Président lit des PV qui changent sans cesse. Dans le box, Mohamed Farès est assis à côté de Saïd Makhlouf et Amar Ramdani. Je me dis que si c’est vrai, si Farès a vraiment vendu des armes à Ramdani et Makhlouf, ils se tiennent tous, mais l’un d’eux peut craquer en interrogatoire, tout envoyer valser et condamner les autres. Le Président parle des liens avec Saïd Makhlouf. Avec Mohamed Farès ils comptaient monter un trafic de drogue, ils se sont vus pour ça. La cour pense que Makhlouf et Ramdani ont acheté les armes à Mohamed Farès, qui est invité par le Président à évoquer les visites de Makhlouf. Mohamed Farès explique qu’il a été arrêté en 2018 pour des faits de 2014 et donc n’est pas super précis. Il dit être allé deux fois à Paris à cette époque-là (verbalisé) pour « traîner » (une partie de sa famille vit à Paris). Le Président lui dit que pourtant il n’aime pas Paris du tout, ce que Mohamed Farès reconnaît : « J’aime pas être incarcéré ici à Fleury, j’aime pas Paris, mais à ce moment-là j’allais parfois en Belgique, parfois en Hollande, parfois Paris. »

Le Président évoque une nouvelle personne, Roxane. Elle était la petite amie d’Abderrahmane, frère de Mohamed Farès (qui a onze ou douze frères et sœurs, ce qui rajoute des branches sur l’arbre généalogique). Un contact téléphonique est établi entre Roxane et Saïd Makhlouf. Mohamed Farès explique que la seule possibilité c’est qu’il ait emprunté le téléphone de Roxane pour téléphoner à Saïd Makhlouf. Ça paraît peu important mais Roxane va venir témoigner cet après-midi et c’est important. Ça fait deux heures que Mohamed Farès parle et le Président dit que c’était « une introduction », moi je suis : au bout de mon cerveau, de mon stylo et de mon cahier. Mohamed Farès fait une mini conclusion : « Chuis timide. Mais j’ai jamais été dans les armes. Certes je me suis auto-incriminé mais j’ai rien fait. » Le Président, finalement, continue : « Mais si la vérité est aussi simple, pourquoi ne pas la dire ? Est-ce l’arbre qui cache la forêt ? » Mohamed Farès : « Je connais pas cette expression mais je comprends. J’ai voulu jouer au héros, protéger… La fuite de Souliman je comprends pas. » Le Président : « Bah oui, en plus il est poursuivi. Cette fuite je dirais, elle… je dirais, vous voyez ça comment vous ? Et de même ! Amel et votre ex-femme qui disent ne pas avoir envie de témoigner, et pour lesquelles la cour doit envoyer la police ! » Mohamed Farès : « C’est ma pensée, ils se sont rendu compte que ça allait loin. » Fin de l’interrogatoire par le président, les questions arrivent.

L’assesseur « aux yeux de serpent » l’interroge sur les voyages de Makhlouf dans le Nord. Mohamed Farès dit avoir vu Makhlouf  deux ou trois fois (confirmé par Makhlouf) mais Makhlouf est allé à six reprises dans le Nord : « Bon, vous, vous dites sur votre travail de trafiquant de drogue : J’ouvre le bloc [son point de deal] tous les jours de 10H à 22H, je me mets dans la voiture et les petits vendent pour moi. Vous voyez Makhlouf  trois fois et c’est tout ? » Mohamed Farès : « Non c’est pas ça. Je sais que je l’ai vu mais je sais pas quand. Pour moi, si je l’ai vu après le 20 décembre 2014 c’est parce que la transaction de cannabis est dispo. Jvais vous dire la vérité, moi je fais de la coke et héro. Je sais que Saïd veut de la beuh. Je peux lui en avoir. Il veut 3 kilos. Je sais que y’a un arrivage dans le quartier. On se voit, il prend la beuh et voilà. » L’assesseur, particulièrement piquant aujourd’hui : « Dans votre cinquième audition vous dites avoir vu Makhlouf et Ramdani dans un centre commercial puis chez vous car Ramdani se sentait surveillé. » Mohamed Farès : « Bah j’ai encore menti, je sais pas pourquoi j’ai dit ça. Ramdani je lui ai à peine serré la main. » Et l’assesseur va continuer l’arbre généalogique : « Alors moi je voudrais qu’on parle de… la mère d’Amel, Chinaze et Souliman, donc votre ex-belle-mère, Johanne, dont le nom de famille de jeune fille est… L***. En fait c’est la sœur de Samir L.. » [ndlr : Samir L. a été accusé d’être un trafiquant d’armes et d’avoir acheté les armes à Claude Hermant. Samir L. a été jugé et a eu un non-lieu. Il devait témoigner, il est introuvable, il serait « protégé » d’après Claude Hermant. Je ne mets pas son nom même si la presse l’a sorti] Bon ce lien-là complique encore les choses. Mohamed Farès explique qui parle à qui : « En fait Johanne mon ex-belle-mère elle s’entend pas avec Samir, son frère. Moi j’ai jamais parlé à ce mec-là non plus, Samir parle pas non plus à Amel sa nièce, elle avait des histoires et personne ne lui parle. » « Très bien, Monsieur Farès. Le problème c’est que votre ex-femme Chinaze, qui ne parle pas à son oncle Samir L, elle appelle parfois la femme de Samir son oncle… On a déjà vu ça ailleurs, ça peut être vous qui appelez Samir et vous passez par les téléphones des épouses. » Mohamed Farès dit que non. Une avocate partie civile s’embrouille sur une chronologie : démontée en live par l’avocate de Mohamed Farès, Me Elie Korchia s’amuse du fait qu’hier, l’ex-femme de Pastor-Alwatik était une menteuse et là on a aussi une épouse qui ment. Une autre avocate demande pourquoi le mariage était religieux. Farès dit que c’était pour faire plaisir à la famille de son ex-femme. Me Cechman, pour une fois courtoise : « On a retrouvé chez Karasular [autre accusé, le belge] un ticket de KFC où il y a écrit : Salam c’est Mohammed (France) je t’appelle demain inschallah. Bon, Monsieur Farès, vous me voyez venir avec mes gros sabots… » Mohamed Farès rigole et dit que des Mohamed qui vont au KFC y’en a beaucoup. Me Cechman : « Je reste avec mon interrogation sur ce point alors. » Mohamed Farès : « Je vous l’offre, Maître. » Me Cechman : « Merci Monsieur. » L’avocate de Mohamed Farès monte au créneau et dit que le ticket de caisse date de… 2012. Et c’est la pause-déjeuner sans KFC.

Au retour d’audience l’avocat général pose des questions sur la chronologie : « Vous dites avoir rencontré Saïd Makhlouf au mariage de votre sœur Samia, en 2014. Pourtant en garde à vue vous situez la rencontre vers 2011… » Mohamed Farès : « En fait quand je suis sorti de prison pour la drogue j’avais interdiction de retourner dans le Nord, alors j’ai été hébergé par ma sœur à Paris, et moi je fumais du shit et un jour j’étais en rad de beuh. J’ai demandé à Steven mon beau-frère de me trouver de la beuh et c’est Makhlouf qui m’a livré car il connaissait mon beau-frère mais c’est tout. » L’avocat général : « Vous dites être déstabilisé en garde à vue. Vous êtes rodé pourtant. » Mohamed Farès : « Pour les gardes à vue de stup, oui. Pas pour le terrorisme. » Mohamed Farès raconte après plus en détail le trafic avec Makhlouf et qu’il n’en a pas parlé car « j’étais dans un dossier de térro j’allais pas parler de ça. »

Vient Me Safya Akorri, son avocate, et elle va être super virulente : « Bon moi je voudrais qu’on parle de la lettre anonyme, alors je verse au dossier un rapport de 360 pages. Je vous lis uniquement ce qui nous intéresse. On nous dit la lettre anonyme y’a pas d’ADN, pas d’empreinte, très bien mais moi je ne comprends pas pourquoi on ne regarde pas d’où elle vient cette lettre ? Elle a été postée à Lille près de la zone industrielle. Vous aviez des hypothèses sur Souliman mais au moment de l’envoi de la lettre, vous n’êtes pas en conflit avec lui alors… Est-ce que… Bon, on met les pieds dans le plat car de toute façon elle va le dire, alors JE SAIS, vous en avez honte mais bon… Comment ça se passait avec Chinaze, votre femme ? » Mohamed Farès esquive : « Bah je l’ai trompée. » Me Akorri : « ALLEZ ! » Mohamed Farès : « J’étais violent avec elle. » Me Akorri : « VOILA ! On va le dire, Souliman vous a vu la frapper. Est-ce qu’on peut imaginer, bon je suis pas à l’aise hein en disant ça et j’espère, J’ESPERE qu’elle viendra témoigner demain, est-ce que votre ex-femme ne mentirait pas en garde à vue pour se venger ? Est-ce qu’elle aurait des raisons de se venger ? » Un très très long silence et puis Mohamed Farès : « Oui par rapport à ce que j’ai fait mais… c’est dur d’en parler. » Me Akorri, lapidaire : « Dur pour elle surtout, c’est bon ! » Elle continue : « Vous dites que lorsque vous mentez pour protéger Souliman, vous pensez que vous allez sortir et à la limite être jugé en correctionnelle à Lille. Pourquoi ? » Mohamed Farès : « Je m’y connais pas, les attentats tout ça, mais bon j’avais appris que Hermant, Samir L et Christophe avaient été jugés en correctionnelle à Lille pour des armes, j’ai cru que ça serait pareil. » Et c’est la fin. Mohamed Farès se rassoit.

On voit en visioconférence un expert psychologue DE LIMOGES, il y a des travaux dans la salle où il parle, on dirait un sketch, du coup il CRIE son expertise. En vrai j’ai un fou rire tellement c’est drôle de l’entendre dire très fort : « OUI MONSIEUR LE PRESIDENT » Il crie : « Mohamed Farès est coopératif lors de l’expertise en 2018, poli, respectueux. Perte de poids en détention mais c’est tout. Instabilité familiale et personnelle, n’est pas fortement attaché à sa fille. Il ne prie pas, n’aime pas la religion musulmane lorsqu’elle est agressive. Pas d’angoisse, d’envie de suicide. Il fume du cannabis mais c’est tout. Pas d’abolition du discernement, appât du gain, capacité de dissimulation. Il admet avoir détenu des armes mais nie toute idée de terrorisme. VOILA DESOLE MONSIEUR LE PRESIDENT ! »

Un témoin doit arriver mais il n’y a personne ! Le Président est désemparé alors il lit la déposition de Naser, un des frères de Mohamed Farès mais aussi un collègue dans les ambulances de Saïd Makhlouf : « Saïd Makhlouf est un employé exemplaire, drôle, un fêtard, toujours à l’heure j’avais jamais vu ça. Il est pas du tout dans la religion, il est dans la fête, les femmes et la vie. » et on arrête la lecture car un témoin vient d’arriver, c’est Samia la sœur de Mohamed Farès (et aussi la femme de Steven, témoin malmené par le Président vendredi dernier). Elle dit : « Mohamed c’est mon bébé, mon amour, il est tout pour moi. » Elle est fermée. L’assesseur lui pose des questions, elle est évasive et quand il lui demande des choses elle lui dit : « Développez. » et lui comme un gamin il répond : « Je développe si je veux ! » Du coup elle se braque et répond : « Et alors/ Je sais pas/ Peut-être » On avance bien. L’assesseur : « Vous n’avez rien à dire non plus sur, je cite ce sont vos mots la putain de lettre anonyme qu’a tout niqué ? » Elle raconte qu’au début elle n’y croit pas, elle croit que c’est un complot, croit même que c’est la juge d’instruction qui a rédigé cette lettre (l’assesseur apprécie grandement). Elle dit ne pas comprendre pourquoi son frère est là et pas Amel l’ex-belle-sœur vu que c’est son ADN à elle qui est retrouvé sur l’arme. Me Akorri, la défense, lui dit : « Vous êtes fermée Madame, comme votre mari la semaine dernière et moi je comprends car je sais. J’aimerais que vous nous racontiez votre interpellation pour qu’on comprenne votre rapport à cette affaire. » Alors elle raconte que le 20 mars 2018 à 6 heures du matin huit policiers défoncent sa porte : « Moi j’ai mes jumelles de 18 mois qui hurlent, ils plaquent mon mari au sol, on balance les jumelles dans leur chambre, j’ai interdiction de les nourrir, les voir, leur parler, pas le droit de donner le biberon, des policiers s’enferment avec elles dans la chambre, elles ont 18 mois. » L’avocate continue : « On s’est déjà vues deux ou trois fois, vous pouvez répéter ce que je vous ai dit ? » Samia ne comprend pas où l’avocate veut en venir. En fait elle veut parler de l’aspect « térro » du dossier et l’avocate de dire : « Voilà, moi je vous rassure sur la qualification de terrorisme car y’a RIEN. Je pensais que c’était assez clair et je vous dis, ma plaidoirie, ma stratégie de défense c’est ça, c’est que y’a RIEN POUR LE TERRO ! » Samia s’en va, pousse les gens et s’approche vite du box où est son frère. Il sort la main, elle l’embrasse avec un grand sourire, elle tape sur la vitre du box comme pour dire « Courage, allez ! »

Le frère de Mohamed Farès arrive, Abderrahmane. Il deale avec son frère. Il est aussi très très fermé, il dit juste : « Mon frère a rien à faire dedans. » Il répond par monosyllabes et est très réfractaire. A un moment l’assesseur l’interroge sur des questions du dossier qu’il ne peut pas connaître et je soupçonne l’assesseur d’user et d’abuser de phrases alambiquées pour humilier le témoin qui ne comprend pas vraiment les mots de plus de deux syllabes.  L’assesseur lui parle de son oncle Samir L et dit une phrase malheureuse : « Il a acheté les armes à Claude Hermant. » Il n’aurait pas dû dire ça, il va le comprendre très vite. Un avocat partie civile pose une question au témoin : « On va entendre Roxane, votre ex-compagne. Elle dit dans son audition que Mohamed Farès ne lui parlait pas à cause de la religion ? » Le témoin dit que c’est faux, qu’ils sont « musulmans avant tout, on essaie de faire de notre mieux mais sans plus. » L’assesseur rebondit sur cette phrase-là : « Musulmans avant tout, ça veut dire que de 10h à 22h vous mettez ça de côté ? Avec la drogue ? » Le témoin : « Non, c’est dans la tête surtout. » L’assesseur : « Justement j’essaie de savoir ce qu’il y a dans la vôtre. » La défense prend la parole et d’abord Me Saint-Palais : « Monsieur l’assesseur, je vous ai entendu dire que Samir L a acheté les armes à Hermant… ça n’est qu’une hypothèse ! Ou alors c’est abouti et vous avez une cote à me montrer ? » L’assesseur pris en flag : « C’est Hermant lui-même qui l’a dit ici. » « NON MONSIEUR L’ASSESSEUR ! Ici Claude Hermant A CETTE BARRE a dit avoir vendu les armes AUSSI A SEBASTIEN L. [douanier corrompu] et vous le savez, c’est de l’acquis pour vous cette hypothèse ! » Un léger moment de flottement envahit la salle comme si le verdict était déjà connu. Le frère s’en va, fait un check à Mohamed Farès qui le regarde en souriant. Roxane arrive, 26 ans, secrétaire médicale, elle a la même montre que moi, une Casio rose. Elle dit : « Je m’aurais pas permis », elle parle comme ça. L’assesseur lui lit sa déposition et y’a des choses qu’elle conteste, elle dit ça avec les yeux rieurs : « Oh ben non j’ai jamais dit ça moi. » Un peu plus et elle pouffe, elle ne doit pas trop capter où elle est. Le problème c’est qu’en audition elle a dit que Mohamed Farès ne la calculait pas à cause de la religion, qu’il était religieux. Quand l’assesseur lui lit son PV elle met même la main devant son masque, elle n’a pas relu son PV avant de le signer, elle n’a pas réalisé que ses déclarations pouvaient être graves, sérieuses et envoyer quelqu’un 20 ans en prison. Une gamine à la fête foraine qui a mangé trop de barbe à papa. Mais les avocats parties civiles ne la croient pas, ils pensent qu’elle ment, là, maintenant, car elle a peur, elle a subi des pressions, elle a peur pour sa sécurité ? A tout ça Roxanne dit que non et moi je la crois car elle rigole trop pour avoir peur et a surtout l’air d’une gamine inconséquente et frivole. Une avocate partie civile l’agresse : « Madame, je lis votre déposition. Vous dites que Mohamed Farès et son frère ne vous ont jamais TAPEE, MADAME mais vous dites qu’ils vont vous en vouloir MADAME. Sur quoi on peut vous en vouloir ? » A ce moment-là l’avocate de Mohamed Farès se met à crier mais micro fermé, on entend juste l’avocate partie civile qui hurle plus fort : « VOUS N’ETES PAS LA TEMOIN FAITES AU MOINS LES CHOSES DISCRETEMENT QUAND VOUS SOUFFLEZ QUELQUE CHOSE !!  MADAME, REPONDEZ, CE POINT EST CRUCIAL » Dans le box il y a même des applaudissements pour encourager Me Akorri qui crie aussi. Le Président est encore passif et crie moins fort que les deux femmes. Roxane est dans ses petits souliers, elle dit qu’elle pensait que les frères allaient lui en vouloir car elle parle de leur famille et voilà « c’est tout ». L’avocat général lui dit : « Vous comprenez bien que c’est compliqué pour nous. Ces phrases sont signées par vous… Savez-vous que vous avez été filmée ? Enregistrée ? Si là on sort la vidéo on va voir quoi à votre avis ? » Roxane ne savait pas qu’elle était enregistrée mais elle persiste :  « les mots que vous disez, les phrases, moi je les ai jamais dits. » La défense vient à la rescousse de Roxane : « Moi j’ai une profonde et viscérale difficulté quand on vous lit des PV biaisés, pas en entier. Car lorsque vous dites que Mohamed Farès et votre compagnon vont vous en vouloir, c’est parce que deux lignes plus tôt vous racontez le trafic de drogue. » Roxane est sauvée. Elle s’en va, moi aussi. Demain à la cour on va aussi évoquer le couvre-feu parisien.

M Écrit par :

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