« Vous savez que caricaturer le prophète est un droit en France ? Et si on n’accepte pas ça on n’a rien à faire dans le système de la République ! »

Mardi 13 octobre 2020. 22ème audience.

Hier l’audience s’est finie à 21h15, c’est trop tard. Au bout d’un moment les questions se mélangent, sont les mêmes, ça n’amène strictement rien. Hier Nezar-Michaël Pastor-Alwatik a tenté de se défendre, compliqué lorsque son récit est émaillé d’incohérences et d’oublis, compliqué lorsque son ex-femme vient le charger sur une idéologie et confirmer ce que la cour cherche à démontrer : oui, certains ici partagent une idéologie islamiste. Depuis plus d’un mois on nous explique à longueur de témoins qu’il n’y a rien concernant l’islam et sa pratique, que des musulmans modérés. Hier la pratique rigoriste et radicale est rentrée au tribunal à travers un accusé et un témoin. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik est double, double prénom, double nom, double culture, ce musulman qui met la kippa. Il n’est pas question de dire que cette dualité se confronte, il est question de dire que peut-être à se chercher une identité il s’est retrouvé sous la coupe idéologique de Coulibaly. Coulibaly apparaît vraiment comme faisant partie d’une secte, un mouvement qui prône l’ultra violence. Coulibaly et Belhoucine. Seule la Syrie est légitime, le reste n’est que mécréant. A la fois la sœur juive qui apparaît si aimante, qui raconte que son frère aide le rabbin de St-Cloud pour une fête religieuse, cette sœur qui parle d’une famille « arc en ciel » avec plusieurs religions en son sein, et de l’autre Coulibaly qui ordonne à Nezar-Michaël Pastor-Alwatik d’épouser telle femme, d’apprendre telle sourate, « un challenge ». Nezar-Michaël Pastor-Alwatik  petit trafiquant de shit qui se retrouve « disciple » de Coulibaly, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik qui aime tellement sa « maman, c’est fusionnel » mais qui à un moment précis n’écoute pas sa mère qui lui dit de ne pas se marier. Il écoute Coulibaly, le marieur. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik dit qu’il sait très bien au fond de lui que ce mariage est bidon, « au fond de mon cœur j’ai une petite voix qui dit » mais trop tard, Coulibaly a tout arrangé, tout préparé, on attend même son retour du Mali pour célébrer l’union. Il ne faut pas décevoir Coulibaly. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik joue sa peine aujourd’hui, il va prendre 20 ans si la journée est la même qu’hier. Hier, Nathalie la sœur de Nezar Pastor-Alwatik s’enfonçait dans le siège au fur et à mesure du témoignage de son ex-belle-sœur, réalisant peut-être la dualité de ce frère si « attentionné ».

Dans la file d’attente Jipé n’est pas là, il est parti assister « au procès Tapie à la cité ». En plus un des flics lui a dit de changer son masque, ce qu’il n’avait pas fait depuis le début du procès, comme ses fringues – sur son masque il y avait du sang. Ça ne lui a pas plu et puis, me disent ses ex copines, « il sent mauvais, il n’est pas propre ce monsieur ». Un des policiers nous dit aussi que les avocats parties civiles posent des questions « très connes ». On est tous d’accord.

L’audience commence. On devait entendre un témoin, Max F., la semaine dernière, qui n’est pas venu. Il ne sera pas là encore une fois, il est introuvable alors le Président lit sa déposition. Il a eu huit gardes à vue. C’était une connaissance de collège de Coulibaly ils se connaissaient depuis leurs 12 ans. Lui aussi c’est un escroc, il a acheté la moto qui a servi à aller à Montrouge. Il est un Haïtien converti à l’islam. Il dit : « Coulibaly il était cramé, le fréquenter c’était se tirer une balle dans le pied, je voulais rien à voir avec lui. La moto je la lui devais. En sortant de prison il avait pas la dalle il avait les crocs. » Il dit que Willy Prévost n’a rien à voir dans tout ça.

La mère de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik devait aussi témoigner mais elle est trop malade alors le Président lit sa déposition : « Dans la famille on est mélangé avec les juifs. Je ne savais pas que mon fils connaissait Coulibaly. Sur son mariage j’étais contre, je n’aime pas les religieuses, je suis mal à l’aise. Je suis croyante mais je fume et je ne porte pas le voile. Mon fils se prenait la tête avec sa femme à cause de la religion. » Une autre lecture de déposition celle de Lofti A. Il habite au Maroc, il connaît Nezar-Michaël Pastor-Alwatik depuis l’enfance. Il est religieux et n’écoute pas de musique. Il est prothésiste dentaire, il appelle Nezar-Michaël Pastor-Alwatik « Micky » : « Peu avant les attentats, il [Nezar Pastor-Alwatik] versait dans le takfirisme. Micky il suit les modes, il est influençable, je suis sûr qu’il regrette. J’ai tenté de le dissuader. J’ai fait un pèlerinage à la Mecque et on ne peut faire ça qu’avec une agence de voyages qui vous met dans un groupe avec d’autres Français. Là-bas par hasard il y avait Coulibaly que je ne connaissais pas. On s’est rendu compte qu’on avait Micky en commun. Coulibaly était très bizarre, c’était un takfiriste totalement. Au retour du pèlerinage, j’ai téléphoné à Micky pour lui dire de se méfier, que Coulibaly était bizarre. J’ai téléphoné aussi à Micky le 9 janvier lorsqu’on a su que c’était Coulibaly, je voulais m’assurer qu’il n’avait rien à voir avec tout ça. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik se lève, invité par le Président à réagir sur les témoignages : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? J’ai rien à dire moi, takfir je sais même pas ce que c’était, mais Lofti il a beaucoup de capacité en religion il voit direct. » L’assesseur : « Alors pourquoi vous ne l’écoutez pas quand il vous met en garde ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Je comprenais pas c’était quoi le takfirisme et hier, elle [son ex-femme] s’est lâchée, peut-être elle se venge ça l’a perturbée peut-être. Moi quand j’ai lu sa déposition j’ai demandé une confrontation, je l’ai virée comme une prostituée et en confrontation elle a rajouté des trucs, je me disais mais elle y croit vraiment à ce qu’elle raconte !! Bon je vais pas dire elle est folle, je pense que l’affaire l’a traumatisée, c’est une salafiste, peut-être elle a eu peur, je veux bien qu’elle veuille m’enterrer… » Il se rassoit et marmonne : « Hey truc de ouf ils me laissent pas… » Micro coupé.

Les témoins physiques arrivent. Pierre B. Il a connu Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et Amar Ramdani en prison, il n’avait pas d’affinité avec ce dernier mais sans animosité. Il dit de Nezar -Michaël Pastor-Alwatik que c’est un bon vivant. L’assesseur l’arrête : « Oui, d’ailleurs vous voyez nous ici on essaye de comprendre les différentes branches de l’islam, les sectes, et vous vous dites pratiquant marrant  et  musulman détente pour vous décrire. C’est un nouveau mouvement ? » Le témoin s’explique sur ça : au lieu d’aller au culte en prison il préfère aller au foot, avec Nezar-Michaël Pastor-Alwatik ils fumaient, écoutaient de la musique « tranquille, et puis Nezar il aime trop les femmes ». Il est rapporté un mariage que le témoin voulait faire avec une certaine Nourah mais on ne sait pas qui est Nourah. C’est normal, elle sera interrogée cet après-midi et dans le droit on ne peut pas parler d’un témoin qui va déposer un peu plus tard. L’avocate de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik demande ce que ça veut dire aimer trop les femmes, le témoin dit : « Même si y’avait une surveillante jolie Nezar il aimait charmer. » Le témoin s’en va en disant : « J’espère que ça vous a aidés. » Sofiane arrive pour déposer trois minutes. Il connaît Nezar-Michaël Pastor-Alwatik du milieu professionnel, il ne sait même pas son nom de famille, voilà merci au revoir.

Et voilà Taoufik, aussi en prison avec Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, Amar Ramdani et Coulibaly. Il est sorti en septembre 2015, après les attentats. Il est croyant mais pas du tout religieux et « Nezar non plus, c’était mon co-détenu. Coulibaly lui il était plus à fond, on se prenait la tête parfois. Un jour Nezar m’a téléphoné, il était avec Coulibaly qui m’a taquiné sur l’État islamique. » Il explique que : « Nezar était un clown qui me faisait tellement rire. » Il était en prison quand les attentats ont eu lieu. L’assesseur lui demande la réaction en prison et la sienne : « Charlie Hebdo ils l’ont cherché et rajouté une couche. » Ca jette un froid et il dit qu’en prison beaucoup pensent comme ça. Une avocate partie civile de Charlie Hebdo : « C’est toujours votre position aujourd’hui Monsieur ? » le témoin : « Oui je confirme. » l’avocate : « C’est très clair. » Riss, Simon Fieschi et Sigolène Vinson, tous braqués ou touchés par les Kouachi apprécieront, ils sont à cinq mètres à peine derrière le témoin. L’avocat général : « Pourquoi ils l’ont cherché ? » le témoin : « C’était une insulte à toute une communauté, les dessins. » l’avocat général : « Vous savez que caricaturer le prophète est un droit en France ? Et si on n’accepte pas ça on n’a rien à faire dans le système de la République ! » Le témoin ne dit rien. La défense demande comment était Nezar-Michaël Pastor-Alwatik en prison : « On pouvait entendre son rire sur trois étages, il faisait rire tout le monde. » Le témoin s’en va. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik est invité à réagir : «  C’était mon co-détenu, après ses opinions ça n’engage que lui. » L’assesseur l’arrête : « C’est quelque chose que vous dites souvent ça, ça n’engage que lui en parlant des autres. Vous voyez, à la place qui est la nôtre, nous entendons différents témoignages, différentes versions et là on nous dit qu’en détention beaucoup de gens parlent de l’EI, beaucoup parlent de Baghdadi [« Calife de l’État islamique »] comme le messie et là on est devant une difficulté Monsieur Pastor, car vous nous dites que jamais vous n’avez parlé de ça avec Coulibaly et là on a un témoin qui nous dit qu’un jour au téléphone pourtant vous en parlez. Vous êtes certain que jamais Coulibaly ne vous en parle ? Dans ses vidéos de revendication pourtant ça ne laisse aucun doute, aucune ambiguïté, et depuis hier avec vous on essaie d’approcher au plus juste de votre rôle, de cette idéologie en vous. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik va parler longuement : « Jamais je suis rentré dans des discours avec lui. Hey, cool, cool, c’est énervant de justifier les comportements des autres là, ce qu’il vient de dire à la fin… T’arrives à la barre, tu dis oui ils l’ont cherché, je suis pas d’accord ! L’autre folle là hier elle rajoute des trucs, comme moi quand je parle ma parole c’est de la merde. Moi jvous dis chuis en colère, je parle avec mes tripes, quand je parle c’est allez va t’asseoir et c’est comme ça depuis le 1er jour. Oui j’ai touché les armes c’est une évidence y’a mon ADN. Moi j’ai vécu dans une résidence à côté d’une cité mais jamais de la vie j’aurais tiré sur les gens. Vous croyez je vais traîner avec un mec antisémite avec ma sœur ? Ça sort d’où ça ?! L’audition de fou d’hier, elle dit [son ex-femme] que des conneries. Oui y’a eu un rappel religieux sur le mariage, tout est dieu dieu avec elle (il fait le signe des mains qui prient), elle vit avec sa cape de Batman là. Dans ce box y’a que les copains de Coulibaly, pas les gens qui ont aidé. Y’a les victimes et moi je suis une victime collatérale. J’ai plus de force, tout ça c’est trop. Oui y’a rappel religieux mais c’est tranquille. Tout à l’heure vous allez entendre Nourah bah je vous le dis tout de suite elle voulait être avec moi, elle a même deux petites jumelles, bon moi je suis allée chez elle c’était pas mon délire. Une chose est sûre moi je SAIS que j’ai rien à voir avec tout ça (il frappe son cœur). Coulibaly c’était mon ami, point barre, je lui ai demandé une femme il m’a ramené un problème !! Moi je dors tranquille, ma mère, ma famille ils croient pas que je suis mêlé à ça, sinon ils viendraient pas me voir. Ma famille c’est le vivre ensemble. Je parle avec les tripes (il frappe son ventre) chuis pas teubé non plus, j’ai fait des erreurs voilà, désolé de ma manière de parler… »  Nezar-Michaël Pastor-Alwatik conteste, s’emporte, se tape le ventre. Il est peut-être trop tard pour lui, le doute est là prêt à se transformer en intime conviction.

Et c’est la pause-déjeuner. Dans la file d’attente les deux vieilles fachos parlent d’un homme qui a été condamné à huit ans de prison et il n’a fait que trois semaines « c’est BFM qui le dit. » Elles voudraient, elles, que les accusés se fassent couper la tête, si possible sur la place de la Concorde ! Au premier rang ! Et elles seraient là ! Ah oui oui oui !

L’audience reprend on a eu seulement une heure de pause, nous sommes en retard. Le premier témoin est Iklas. Elle est belle comme tout et est très jeune, à peine 22/23 ans. Elle a connu  Nezar-Michaël Pastor-Alwatik trois semaines/un mois avant son interpellation, elle l’a connu via un copain qui a proposé une soirée film d’horreur, ils sont devenus copains. Elle était avec lui le soir où il s’est fait interpeller. Elle dit qu’il est très gentil « il fait très rire », elle dit : « sympatchique ». Je ne comprends pas trop ce qu’elle fait là, jusqu’à ce que l’assesseur lui parle de son portable, enfin, des SMS. Le matin du 3 janvier 2015 à 6h du matin elle et Nezar-Michaël Pastor-Alwatik ont échangé des messages. L’assesseur lit, le premier SMS vient de Iklas : « T’es un salaf, c’est ça ? Moi je suis juste le coran et la sunna. » Réponse de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Jsuis pas salaf, ça existe pas ça, je m’apparente pas à une secte, je suis comme toi. Et toi tu cherches pas à te marier ? » L’assesseur : « Qu’est-ce qui vous pousse à penser que ça peut être un salafiste ? » Le témoin ne « sait pas », elle dit qu’elle faisait connaissance, l’assesseur lui dit : « A l’époque vous étiez voilée, plus maintenant… », « Oui mais je suis toujours pratiquante. Pour la question, bah c’est que à l’heure actuelle vaut mieux se méfier des gens, d’ailleurs à l’heure d’aujourd’hui voyez où on est. » L’assesseur : « C’était un musulman détente Nezar Pastor-Alwatik ? » Le témoin dit que oui, il fumait et buvait. Et l’assesseur poursuit : « Alors je ne parviens pas à comprendre pourquoi vous demandez si c’est un salafiste, face à quelqu’un qui est assez cool. » Le témoin ne peut pas en dire plus. La défense lit d’autres SMS qui montrent qu’ils faisaient connaissance. MeMarie Dosé dit : « M D R R R R R R R R bon ça veut dire ils rigolent beaucoup », elle lui demande aussi comment elle a vécu ses 48 heures de garde à vue, vu qu’elle était avec Nezar-Michaël Pastor-Alwatik au moment de son interpellation. Le témoin dit qu’elle l’a très mal vécu, « un ascenseur émotionnel mais c’est comme ça. » Vient Margaux, nièce de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, elle a 8 ans de moins que lui, elle est la fille de Nathalie venue témoigner hier, elle appelle son oncle « mimi », elle dit qu’ils sont très proches. Elle raconte un oncle aimant, bienveillant et altruiste : « C’est plutôt un meilleur ami, un grand frère. Moi je suis de confession juive et y’a pas de souci on est la famille Benetton, un vrai échange de cultures. Je sais pas comment vous dire à quel point je le porte dans mon cœur, il est un pilier et essentiel. Je suis stressée, excusez-moi. » Le Président lui pose des questions et comme sa mère elle fait des réponses longues, très longues. Mais Margaux est aussi belle qu’humaine alors on l’écoute raconter les fêtes religieuses, shabbat avec « mimi toujours là qui faisait la prière juive avant de manger… comme nous. » Elle explique ne pas être allée au mariage de son oncle car elle attendait le civil. Avec la femme de  « Mimi » y’avait pas de souci, « même si son habillement m’impressionnait. Je la trouvais ouverte mais quelque chose me dérangeait je sais pas trop comment dire, en fait elle était trop ouverte d’esprit, elle en rajoutait. » Une avocate partie civile l’interroge sur « l’éventuelle duplicité » de son oncle. Margaux s’y reprend à deux ou trois reprises car la question n’est pas claire, et l’avocate n’est pas contente et dit : « Vous ne répondez pas à la question !! » Puis vient l’avocat qui a un gros gros problème avec les musulmans/l’islam/les arabes/le couscous. Il lui dit direct : « Vous n’êtes pas allée à ce mariage car vous êtes juive ? » Il veut appuyer l’idée de l’antisémitisme « intrinsèque aux banlieues, aux musulmans » depuis le début. Elle dit que non, pas du tout, juste elle sait qu’un mariage religieux les hommes et femmes sont séparés et elle ne voulait pas être parmi des femmes inconnues. L’avocat lui demande si elle a déjà parlé d’antisémitisme avec son oncle ? Elle répond que oui bien sûr, même « d’Ilan Halimi, bien sûr il était choqué comme tout le monde. » L’avocat lui demande « ce que c’est choqué, indigné » enfin c’est insupportable. Il lui dit : « Votre oncle vous a dit qu’il avait des amis antisémites ? » il dit ça en souriant. Elle dit que non mais qu’elle n’est pas « bête, je sais bien que chez les musulmans il peut y avoir un antisémitisme pour de mauvaises raisons… mais comme chez nous les juifs, on n’aime pas parfois les arabes pour ces mauvaises raisons, il faut le reconnaître. » Bon, ses réponses ne plaisent pas du tout à l’avocat. L’avocate de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, Me Dosé, lui demande s’il était plus religieux en sortant de prison. Margaux : « Non, j’ai retrouvé mon tonton Mimi le fou fou. » Elle dit que la barbe de son oncle existe aussi chez les juifs alors il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Elle raconte comment elle a appris que son oncle était impliqué et là sa voix change. Elle a vu l’immeuble de son oncle à la télé. « Ça a été très dur, on était en deuil la communauté juive, on me retirait mon oncle, ça a été très douloureux pour moi. » Elle a fini son témoignage et il va se passer cette chose incroyable : en partant elle passe devant le box des accusés, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik sort la main par la petite fente de la vitre du box, elle lui prend la main, la serre et l’embrasse et elle part. En vrai c’est poignant et hyper fort, surtout qu’après l’accusé baisse la tête, au plus mal. Moi j’ai la gorge tellement serrée par cette scène, aussi car peut-être il est déjà trop tard pour Nezar-Michaël Pastor-Alwatik.

Les expertises psychiatriques arrivent enfin, d’abord le psychiatre Roland Coutanceau en visioconférence : « Nezar Pastor-Alwatik a un QI supérieur à 110. Bonne capacité à apprécier les situations. Il est vivant, spontané, très direct, avec un côté ludique. Il a besoin d’être aimé, de séduire et quand on séduit on peut être manipulateur. Il n’a pas d’addiction, aucun élément qui aurait pu altérer ou abolir le discernement. Il dit  on me reproche  ou on a retrouvé mon ADN . Il dit que les terroristes sont des grosses merdes, des barbares. » Roland Coutanceau évoque aussi Saïd Makhlouf : « Il fumait beaucoup de joints par jour. Niveau intellectuel dans la moyenne. Sa mémoire fonctionne parfaitement [il avait dit avoir une « mémoire de merde » lors de son interrogatoire]. Il est sociable, à l’aise, joueur, dimension de manipulation, dimension sociopathique. Il dit être humilié d’être considéré comme un terroriste, il dit que c’est contraire à la vie, il croque la vie à pleines dents. Il dit que ce qu’a fait Coulibaly est dégueulasse, atroce. Pas de pathologie, c’est un bon vivant, peu anxieux, il est réadaptable socialement. On n’a rien trouvé sur la religion. »

L’audience est suspendue dix minutes et c’est le Docteur Ourdy qui parle d’Amar Ramdani : « Pas réticent, il coopère, il est présent et attentif pendant l’entretien. Il a un niveau intellectuel correct, discours et pensées fluides. Pas de pathologies psychotiques. Bon cursus scolaire, problème d’identification. Il est peu prolixe sur sa vie amoureuse et sexuelle. Il nie toute participation directe aux faits qui lui sont reprochés. »

Le docteur parle de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et dit plus ou moins la même chose que Roland Coutanceau, cependant il évoque l’aspect multiculturel familial. Le président veut savoir si c’est problématique, le docteur répond : « Ça lui pose problème pour se repérer, lui est musulman mais il en parle peu et il est peu engagé dans la pratique. » Me Axel Metzker pose la question qu’on attend tous. Il demande si on peut parler de trouble identitaire sur le plan religieux. « C’est quelqu’un d’influençable, il a un moi qui n’est pas assuré. » Me Metzker : « Ça peut aboutir à un nihilisme religieux ? Une destruction ou un attentat ? » Le docteur ne s’avance pas et c’en est fini de l’expertise psychiatrique des accusés. Je pars vite fait, c’est le seul moment de la semaine où je peux passer à mon travail et demander mon 14 novembre, le jour du verdict. Demain on passe à Mohamed Farès, il a été dénoncé anonymement.

M Écrit par :

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