Lundi 28 septembre 2020. 13ème audience.
En attendant que l’audience commence, Jipé fait le résumé de vendredi avec des gens du public. Il parle de la « taqîya », la dissimulation, de la femme de Chérif Kouachi et celle de Saïd Kouachi qui sont venues témoigner vendredi : « Ah mais ! Ce sont des spécialistes de ça ah oui ! Des PROFESSIONNELLES Madame, croyez-moi, elles, on peut pas les croire, quand ils vont sortir les gars-là ils vont TOUS tout recommencer hé oui ! » On se demande bien pourquoi on fait un procès.
L’audience commence et c’est direct Me Coutant-Peyre qui a un truc à dire et comme d’habitude c’est incompréhensible : « Bon alors Monsieur le Président je SAIS, je SAIS… les fortes pressions que vous avez … vous avez eu de fortes pressions pour que ce jour-ci soit férié, dans un pays LAIQUE alors bon euh voilà moi je sais pas hein mais bon on nous dit y’a le Covid, y’a la contagion, tout ça ça a commencé avec on nous dit… une réunion religieuse à Mulhouse, alors bon on respecte les religions et c’est NORMAL mais moi je demande… à ce que les gens qui ont participé à des réunions religieuses ce week-end soient testés ! DEUXIEMEMENT j’entends bien on a eu Madame Hidalgo bon elle est venue pffff au nom de la République laïque bof … pff dans ce cas-là on aurait dû avoir Monsieur Hollande ou bien Monsieur Cazeneuve ! TROISIEMEMENT, et là c’est grave, c’est grave Monsieur le Président, il se trouve que j’ai PERDU mon cahier de notes du 2 septembre au 22, le chef de l’escorte, qui vient de sortir bon on se demande pourquoi, il l’a trouvé, il le dit, il l’a mis sur ma table, le cahier n’y était plus, je DEMANDE à ce qu’on le retrouve, le matériel de la défense doit être protégé ! » Le Président : « Je crois que des démarches ont été effectuées en ce sens, effectivement vous avez raison cela doit être retrouvé, je peux vous fournir les résultats d’équipe… » Me Coutant-Peyre l’arrête : « NON JE VEUX MON CAHIER PAS DES RESULTATS ! » Le Président : « Bon euh on va commencer on verra ça plus tard. »
Arrive à la barre une femme, on ne saura pas son nom, juste son matricule, elle est de la brigade criminelle équipe téléphonie, elle a fait une enquête téléphonique sur Amedy Coulibaly de septembre 2014 à janvier 2015, ses correspondants habituels et surtout la première semaine de janvier juste avant les attentats. Elle analyse les factures détaillées, ce qu’on appelle les « fadettes ». Elle explique que Coulibaly et les Kouachi ont des lignes « officielles » et des lignes officieuses. Coulibaly avait dix-sept lignes de téléphone. Elle explique le bornage. Le téléphone de Coulibaly par exemple borne au point relais de chez Chérif Kouachi le 11 décembre 2014 « ce qui correspond à la visite de Coulibaly pour apporter les cadeaux après le pèlerinage à la Mecque ». Elle explique que par exemple le 6 janvier 2015 Chérif Kouachi envoie six SMS à Amedy Coulibaly qui en envoie à Ali Polat, et enfin les accusés vont réellement rentrer dans le procès. En fait ces deux numéros de téléphone se suivent, donc ils ont été achetés en même temps (par Coulibaly qui les donne, donc un à Kouachi l’autre à Polat, on appelle ça « une flotte »). Elle explique qu’Amedy Coulibaly utilise cinq lignes de téléphone du 1er au 7 janvier 2015. Elle explique qu’avant cette semaine-là Coulibaly a ses correspondants « habituels » parmi lesquels figurent Amar Ramdani (700 communications), Ali Polat (650), Nezar-Michaël Pastor-Alwatik (500) et Willy Prévost (265). La semaine du 1er au 7 janvier Coulibaly sera en contact uniquement avec ces gens-là. Elle nous explique avec des tableaux les appels, les bornages. Le 1er janvier il y a contact avec Willy Prévost qui doit acheter une voiture pour Coulibaly, le 2 janvier il va en Espagne pour amener sa femme Hayat Boumeddiene, le 3 janvier il retourne en France et il va contacter les mêmes personnes, on voit le nombre d’appels ou SMS émis par Coulibaly. Il rencontre notamment Ali Polat, qui veut s’exprimer. Le Président lui dit : « Non plus tard ! » Grâce aux différentes activations des points relais de téléphone on voit le trajet de Coulibaly entre la banlieue et Paris, chaque fois entrecoupé de SMS, les noms des accusés (de certains) sont donc affichés sur l’écran, à côté l’enquêtrice les énonce : « Coulibaly rencontre Monsieur Polat, ils bornent au même endroit au même moment. » Le 6 janvier Coulibaly échange onze SMS avec Ali Polat, sept avec Amar Ramdani et avec Willy Prévost. Il va aussi contacter Chérif Kouachi. Il tente d’aller chez Saïd Makhlouf qui n’est pas chez lui. Il voit Amar Ramdani et contacte Nezar-Michaël Pastor-Alwatik. Le 7 janvier à 00h01 Coulibaly est sur le point relais de l’adresse de Chérif Kouachi, ils se donnent rendez-vous à la station-service, il y a des vidéos, Coulibaly borne jusqu’à 00h59. Le 7 janvier au matin des SMS sont échangés entre les Kouachi et Coulibaly : « Amedy Coulibaly a vu tout le monde, un à un ce jour-là. » Des questions sont posées si par exemple les petits téléphones à l’ancienne le bornage marche de la même façon ? Non. Est-ce que par exemple l’enquêtrice a accès aux échanges via WhatsApp ou Messenger ? Non, ça ne fait pas partie des factures détaillées. Me Hugo Lévy, avocat de Willy Prévost, demande : « Lorsque vous dites Willy Prévost borne chez Amedy Coulibaly on est d’accord que ce n’est pas chez lui ? ». L’enquêtrice : « Oui c’est ça, il borne au même point relais qui est le point relais lié au domicile de Coulibaly. On peut supposer donc une rencontre entre les deux. » Me Coutant-Peyre : « Alors moi je comprends rien à tout ça, déjà c’est quoi ça, les relais, les bornages, les points, les zones, milieu rural milieu urbain c’est pareil ? ». L’enquêtrice explique les différences et que bien sûr en milieu urbain on a plus de bornes qu’en milieu rural et que la banlieue est aussi bien desservie que Paris à ce niveau-là. Et là Me Coutant-Peyre va être d’une mauvaise foi dingue : « Bon, vous dites Madame on peut supposer que … vous n’êtes pas technicienne… on le regrette d’ailleurs, enfin comment vous pouvez supposer des choses alors qu’un relais couvre 30 km2 ? » L’enquêtrice : « On est plus sur du 500 mètres de distance que 30 km2… » Coutant-Peyre, qui fait semblant de pas écouter : « Oui bon donc une distance de 50 km2 et vous vous supposez ?? » L’enquêtrice ne relève même pas, elle lui dit qu’elle a des constatations, du factuel, et les transmet à la cour. Ali Polat se lève, il veut parler. « Non c’est bon à la fin vous aurez la parole, votre avocate a posé des questions ! » Suspension pour quinze minutes.
Les accusés restent dans la salle bien sûr mais quasi tous les avocats sortent. Willy Prévost dans son box et Christophe Raumel qui comparaît libre s’invectivent, je n’entends que ce que dit Christophe Raumel, c’est tendu : « Faut assumer, frère, c’est pas à moi que faut dire ça. Moi je fais le malin ? La vie de ma mère wallah, la tête de ma mère, bah tu vas faire quoi quand tu vas sortir hein ? Tu parles à qui toi ? » Raumel se déplace comme un lion en cage et autour de lui se mettent ses avocates et des flics pour le retenir. L’avocat de Willy Prévost revient de la pause et est mis au courant de l’incident, il va voir son client qui parle avec de grands gestes. Pour rappel : Raumel et Prévost étaient amis avant et se connaissent très bien mais surtout l’ex de Raumel est devenue la nana de Prévost et Raumel a appris ça en garde à vue.
L’audience reprend et c’est Nicolas G. de la SDAT qui revient, celui qui mémorise tout, il vient pour détailler les téléphones des Kouachi mais avant ça il a une requête à faire : « Lorsque je suis venu le 15 septembre évoquer les Kouachi, j’ai raconté les GAV des membres de la famille Kouachi, j’ai oublié de parler d’un demi-frère et une demi-sœur qui n’ont pas fait de GAV et se sont présentés spontanément. » C’est accepté. Il explique que les Kouachi avaient une demi-sœur de 10 ans plus jeune. Eux ils étaient en foyer, elle en famille d’accueil, elle vit ailleurs. Elle raconte qu’elle n’est pas proche d’eux car ils étaient trop religieux, qu’ils lui demandaient de se convertir lorsqu’elle avait 9 ans ou sinon ils mettaient le feu à sa famille d’accueil. Elle explique qu’elle n’a pas été surprise de ce qu’ils ont fait et qu’elle a coupé les ponts « avec sa famille de sang. Elle n’est pas du tout religieuse c’est incompatible avec sa vie. » Le demi-frère c’est sensiblement la même chose, il ne veut pas que son nom soit dit dans la presse. Il a dit qu’en 2009 Saïd était « pratiquant mais très cool » mais « qu’il est devenu obtus et très con ». Ils n’ont pas eu de garde à vue car aucun soupçon ne pesait sur eux. Maintenant Nicolas G. peut nous montrer son incroyable mémoire encore une fois, il va être capable de réciter « comme ça, de mémoire, si je me souviens bien » le numéro de Coulibaly, qui avait donc dix-sept numéros… Lui il a pas besoin du Powerpojnt de la collègue. Il explique que les frères Kouachi se téléphonaient tout le temps, au moins une fois par jour. Des contacts ont été retrouvés dans le portable de Chérif Kouachi, des gens qui ont été entendus. Il y a : Joachim F. lui il considère que tout ça c’est un complot contre l’islam, il a échangé 350 communications avec Chérif Kouachi, ils se connaissent du 19ème arrondissement, il est converti depuis ses 16 ans, il a tenté de rejoindre la Syrie et a été arrêté. Steve B. moins religieux, il était dans le trafic de stup. A chaque fois ces gens sont entendus et on prend leur ADN pour essayer de trouver l’ADN toujours inconnu à ce jour et qui était sur les voitures des Kouachi. Un autre qui s’appelle Rochdy, il a acheté des vêtements à Chérif Kouachi qui avait monté un petit trafic, il est dans le monde du rap et du hip hop, il a noté un changement chez Chérif Kouachi vers avril 2014 : Chérif Kouachi lui avait dit « J’ai qu’un seul Cheick c’est Ben Laden. » Plus des contacts avec Farid Benyettou ; entre avril et juin 2014 il y aura seulement neuf contacts. Le téléphone de Saïd Kouachi est encore plus pauvre car il n’avait presque pas de vie sociale, il avait des contacts avec son frère, sa famille. Nicolas G. : « C’est quand même une enquête qui a eu trente-sept millions de données au niveau des occurrences téléphoniques, je peux pas me souvenir de tout… » En vrai moi je suis sûre qu’il se souvient de tout, c’est une machine. Me Coutant-Peyre arrive et dit « Trente-sept millions de donnés ??? Donc en gros les auteurs sont pas parmi nous vu qu’ils sont morts. C’est quoi les conditions pour être accusé ? » Nicolas G. explique que bien sûr il y a des recoupements d’indices, d’achats, de rencontres. Et c’est la pause-déjeuner.
Au retour les avocats de la défense ne sont pas contents, des documents ont été versés au dossier mais via une « clef RPVA », pas sur le mail car les pièces jointes étaient trop lourdes : « Nous on va pas au cabinet et la clef elle est au cabinet. » Me Coutant-Peyre : « ON VA QUAND MÊME PAS ALLER LA NUIT AU BUREAU POUR RECUPERER UNE CLEF ! » « On va essayer de régler ça. » dit l’avocat général.
Arrive Monsieur M. commissaire de la brigade criminelle, qui va raconter une partie de l’enquête et ça va être très long car le mec est ultra chiant et soporifique, je crois que j’ai baillé cinquante fois. Il a fait les perquisitions de la voiture de Coulibaly et son logement aussi. Dedans le Scénic utilisé pour aller à l’Hypercacher les policiers ont trouvé : un gilet tactique, deux gilets pare-balles, un GPS, un gyrophare de police, un téléphone portable, de l’ADN de Willy Prévost et Christophe Raumel (c’est eux qui ont acheté la voiture). Le logement a été loué du 3 janvier au 10 janvier, ils appellent ça le « logement conspiratif ». Il y a : quatre détonateurs, des munitions, un gyrophare de police, quatre armes de poing, un revolver, des chargeurs, des gilets tactiques, couteaux, jumelles, des livres en arabe dont « La citadelle du musulman » qu’on trouve chez beaucoup de terroristes, des autocollants de Daesh, un coran, du matériel informatique où on trouvera la vidéo de revendication de Coulibaly, on la verra plus tard. Il y a aussi des couvertures de survie et 3056 euros en liquide, un serment d’allégeance en français et arabe, un texte sur l’interprétation des rêves, un texte religieux, deux boîtes à pizzas, un ticket de caisse pour les pizzas, sur les armes dans le logement de Coulibaly son ADN n’est nulle part, par contre il y a l’ADN de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik. En fait le mec de la brigade criminelle s’interroge : « Amedy Coulibaly ne devait pas être le seul à devoir passer à l’action, il avait ses armes à lui à l’Hypercacher. » Le commissaire explique que Coulibaly va chercher la moto qui va lui servir pour l’attaque à Montrouge en Séat, les enquêteurs ne savent pas qui a rendu la voiture Séat alors que Coulibaly est en moto : « Quelqu’un l’a aidé, on ne sait pas qui et c’est important de le savoir. Y avait-il d’autres personnes qui devaient commettre des attentats ? » Sous-entendu : est-ce que ces personnes sont là dans le box des accusés ?
Le commissaire explique que Coulibaly et sa femme avaient monté une arnaque, ils achetaient des voitures avec des crédits à la consommation et les revendaient quasi aussitôt. Il est démontré que pour deux voitures, Ali Polat et Amar Ramdani étaient avec Coulibaly. Le commissaire poursuit : « On a de forts soupçons que Coulibaly ne devait pas être seul, il avait des gilets tactiques dans la voiture, mais il avait le sien sur lui au moment de sa mort ; il va à l’Hypercacher avec deux fusils d’assaut mais ne se sert que d’un seul. » Le Président lui pose des questions et c’est insupportable. Le commissaire a donc livré sa déposition et le Président rebondit : « Alors vous dites on trouve de l’ADN sur un autocollant… » Le commissaire : « Oui alors en fait c’est un ADN en fait c’est une empreinte digitale pour l’autocollant donc voilà on a fait des recherches. » Le commissaire a déjà raconté ça y’a quarante-cinq minutes mais le Président poursuit : « Donc c’est bien l’ADN sur l’autocollant. », « Oui voilà c’est ça tout à fait. » C’est long ! Trop long ! On passe à la vidéo de Coulibaly, elle dure sept minutes, il l’a tournée dans l’appartement loué. Il y a quatre séquences différentes avec Coulibaly habillé de quatre manières différentes. Est-ce que quelqu’un le filme ? Ils ne savent pas. La vidéo s’intitule : Coulibaly se venge des ennemis de l’islam. Dans la vidéo il fait son allégeance au califat, il tente de parler arabe et il est ridicule tellement il bute sur chaque mot. La salle pouffe de rire. Derrière lui il a un drapeau de Daesh, un drapeau noir, en fait c’est une feuille A4 on dirait que c’est lui qui l’a colorié, ça déborde. Il explique qu’il a des liens avec les Kouachi « Les frères de notre équipe, divisée en deux, ont fait Charlie-Hebdo hamdoullah, moi je suis sorti un petit peu aussi, contre la police et heu… donc voilà, on a fait les choses un petit peu ensemble, un petit peu séparés. C’était plus pour euh…que c’ait un peu plus d’impact quoi. J’ai aidé dans son… j’l’ai aidé dans son projet en lui donnant quelques milliers d’euros pour qu’il finisse à boucler ce qu’il avait à acheter et voilà hamdoullah. On arrive à synchroniser pour sortir en même temps, pour pas se mettre de problèmes parce qu’on était reproché dans la même affaire ». Puis, il lui est demandé pourquoi il a attaqué la France, Charlie Hebdo et une épicerie juive et Amedy Coulibaly répond avec un fusil d ‘assaut, il explique la légitimité des attentats qui sont des vengeances du prophète : « Vous attaquez le califat, vous attaquez l’Etat islamique, on vous attaque », parlant des bombardements, de la mort de civils et de combattants parce qu’ils veulent seulement appliquer la charia. Il lui est demandé son conseil pour les jeunes musulmans de France, il : « incite les musulmans au combat » il s’adresse aux musulmans des pays occidentaux et leur demande ce qu’ils font quand le prophète est insulté, quand leurs sœurs sont agressées, il dit : « Depuis que je suis sorti de prison, j’ai beaucoup bougé, j’ai sillonné les mosquées, de France un petit peu, beaucoup de la région parisienne. Elles sont pleines ! machallah ! Elles sont pleines d’hommes pleins de vigueur ! Elles sont pleines de jeunes sportifs, elles sont pleines d’hommes en bonne santé. Comment avec tous ces milliers… millions de personnes, y en a pas autant pour défendre l’islam ? ». Là encore, la question d’un complice est évidente mais surtout il y a une réponse : la vidéo a été montée après la mort de Coulibaly car il est fait référence à l’Hypercacher. Quelqu’un savait. Qui ?
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