Trois personnes, trois femmes. Deux infirmières, une medecin, une des infirmières on l’a vu la semaine dernière elle avait bien compris le « projet » de maman, partir, vite, avant la déchéance. Il y a un mois les directives anticipées ont été faites. Refus de traitement des métastases, refus de scanner, irm, refus de tout acharnement thérapeutique, refus de réanimation, refus d’opération, refus de tout. On y est, elle va bien sûr de plus en plus mal, hier après midi ces trois femmes sont venues, maman leur a dit « lundi 12 j’arrête les médicaments et je veux les pompes à morphine » il y a les pompes à morphine ou vallium et il y la sédation profonde mais là il y a un « cahier des charges » très important à respecter. Pas sure que maman ait droit à cette sédation profonde…il faut « une vraie souffrance, une maladie incurable, une vraie détresse » autrement on la laisse juste avec la morphine à attendre, en gros. Elles doivent faire « une réunion » pour savoir si maman mérite la sédation.
Ces trois femmes entendent le choix de maman, ok lundi mais pour elles c’est trop tôt, mardi ça serait mieux ? Non non maman répète « lundi », les soins palliatifs nous proposent d’autres solutions, maman peut passer une IRM ( à bordeaux ) pour voir comment est l’œdème, on peut augmenter la dose de cortisone pour contrer un peu l’œdème, alors ? Maman leur explique non merci enfin avec son vocabulaire à elle : « cause toujours » elle leur dit, elle veut que ça s’arrête mais non les soins palliatifs lui disent: « vous savez madame ça va être long on va ajuster, vous mettre des pompes anti douleur ça peut prendre du temps, on ne va pas augmenter les doses pour que vous partiez plus vite, en plus vous voulez rester chez vous donc ça va prendre du temps et votre fille va assister à tout ça » . En vrai moi j’ai ressenti ça comme une culpabilité immense, immense. Peut-être que c’est faux mon ressenti peut-être que c’est vrai.
Trois fois elles ont proposé d’augmenter la dose de cortisone pour continuer cette vie qui n’en est plus une, maman a commencé à s’énerver un peu, moi non je pleurais, j’ai écouté et pas trop parlé, j’ai expliqué que je ne pouvais pas avoir des gestes de violence envers elle pour lui mettre de la cortisone, elles ont compris, mardi dernier on les avait trouvé très bien, là quand même moins, de mon côté je n’ ai plus confiance c’est perdu, j’ai peur qu’ils lui mettent un peu de morphine et que ça dure. Pendant l’entretien je voulais leur dire « écoutez vous savez quoi on va arrêter tout ce protocole de merde, tout ça, elle va arrêter d’elle même la cortisone et ça se passera très mal mais au moins ça sera fini rapidement » , voilà il y a un mois elle a fait son papier officiel avec toutes les questions, là elle elle redit encore une fois j’arrête tout et vu l’œdème ça va être violent et de la souffrance et elles, elles disent « bah oui mais vous savez on peut vous amener à bordeaux ( 200 km) et en plus votre fille va assister à tout ça faut en avoir conscience » des curés oui pas des soins palliatifs.
Le médecin du dernier hôpital, celui qui ne ment pas, celui qui est « tombé des nues » quand je lui ai dit qu’elle ne savait pas que c’était un cancer généralisé, ce médecin qui ne m’a pas crue soyons clair, qui lui a dit après qu’elle prenait « la bonne décision » vu son état, qu’il ferait la même chose qu’elle, il lui a dit « ça va très vite vous n’avez même pas 2 mois à vivre » le 11 août. Et on propose encore 3 fois une IRM.
Au bout de 2 h elles sont parties et maman a convoqué jeanine et Mumu pour leur dire qu’elle avait choisi la date. Jeanine s’est effondrée c’est la première fois que je la vois pleurer depuis mars, il y a 2 mois elle m’a dit « elle peut tenir 10 ans tu sais! » elle est très optimiste et joyeuse je lui avais dit « jeanine redescends elle ne verra pas 2023 » . Jeanine a dit des choses très belles à maman, puis jeanine a offert encore une de ses nombreuses qualités : la cuisine « je vais te la faire ta tarte à la mirabelle ma belle dont tu me rabâches les oreilles depuis 2 ans ! » jeanine est croyante, très fortement comme maman et après jeanine a dit « tu le sais bien, ça n’est pas une fin » que le corps s’arrête mais « tu viendras nous voir je le sais, tu pourras pas nous parler, mais tu seras assise à côté de nous, nous on te verra peut être si on est chanceux, c’est con que tu puisses pas envoyer des sms de là-haut pour nous dire comment c’est » je suis sortie fumer une clope.
Quand je suis revenue jeanine expliquait une histoire, une de ses amies ou belle sœur a pris en photo « la dame Blanche » Quand les photos ont été développées cette femme en robe était assise à côté de « Nathalie » l’amie ou la belle sœur jeanine a été horrifiée et « en même temps » très heureuse de voir qu’on ne partait pas, je suis ressortie à ce moment là, entre Mémé Andréa qui nous sauve d’un accident et tous ces morts qui ont tellement fait partie de la vie de maman j’avais l’impression d’être dans un sketch.
Mumu est arrivée, comme moi athée et anticléricale, Mumu a dit « ça me fait chier pour moi! Mais ça me soulage pour toi! » Mumu m’a dit « demain je vais à tel endroit tu veux du shit pour elle? » car j’ai acheté du CBD, à fumer à mettre en goutte à prendre en tisane on va tester ça aujourd’hui « je vais me mettre à me droguer à 68 ans ». J’ai dit non merci à Mumu c’est bon j’ai ce qu’il faut.
Hier soir seules on s’est dit qu’on s’aimait très fort pour toujours, elle ne pleurait pas moi si, elle répétait « j’ai pas peur, ça me fait chier juste pour toi ne plus voir ta goule mais je vais l’emmener avec moi » elle m’a dit « je n’ai plus de force je le sens, la vie me quitte »
4 h du matin je me réveille, en théorie j’ai 2 h pour moi, maman est réveillée et très très confuse elle me dit que c’est elle qui doit mourir pas moi, il faut pas que les soins palliatifs se trompent de personne, elle me demande d’allumer la lumière de la lampe de chevet, puis celle de la chambre très forte elle ne la voit plus pendant 2 h elle est restée aveugle à me dire « pourquoi tu n’allumes pas je suis dans le noir je ne vois rien » je me suis dit ça y est elle a perdu la vue. J’ai donné la cortisone elle fermait la bouche elle m’a dit « non, aujourd’hui, hier elles ont pas compris je pense » j’ai négocié, dix très longues minutes, c’est long dix minutes à essayer de mettre 7 cachets dans la bouche de quelqu’un j’ai dit : « lundi, promis maman, laisse moi encore quelques jours s’il te plaît » elle a pleuré elle a ouvert la bouche, moi je n’en peux plus.
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