Lundi 19 octobre 2020. 26ème audience.
Metin Karasular né le 13 mars 1970. Ses avocats sont Me Michel Bouchat et Me Jean Chevais. Son casier judiciaire (Belge) porte trace de treize condamnations.
Vendredi, à la sortie d’audience, j’ai rallumé mon portable et eu la nouvelle : Samuel Paty, un enseignant, avait été décapité pour avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo dans sa classe. Avec la nouvelle, j’ai reçu une rafale de SMS d’amis : « J’ai pensé à toi, tu as vu l’attentat ? » Sur le retour, dans le métro, pendant que je lisais l’article du Monde résonnaient les mots de Riss qui a dit devant la barre regretter que l’on soit si peu à défendre la liberté, ceux de Coco qui crie que la société baisse son froc devant l’islamisme, et enfin le témoignage politique de Fabrice Nicolino, accusateur des complices du moins intellectuels d’après lui. Arnaud Beltrame, « victime de son héroïsme » d’après la Mairie de Paris, Samuel Paty victime de son enseignement ? Depuis le début du procès, c’est le deuxième attentat. Hier à la marche à République il y avait moins de monde que le 11 janvier 2015, les gens s’habituent, vivent avec ça, être assassiné pour des dessins en France devient quelque chose pour lequel on ne manifeste plus. Il y avait des gens assez âgés, des parents et enfants, souvent avec une pancarte qui disait « touche pas à mon prof » et très peu de jeunes… L’absence cruelle des jeunes, les millennials, génération qui ne s’offusque pas lorsque leurs concitoyens sont éborgnés, qui ne manifeste pas pour les retraites, et qui ne rend pas hommage quand un homme se fait décapiter dans la rue. Pas concernés a priori. Poster une photo sur Instagram est le summum de leur engagement. A quel moment cette génération se révolte-t-elle ? A quel moment cette génération pense que là, quand même, une limite a été franchie et que peut-être, je dis bien peut-être, faire acte de présence avec d’autres concitoyens a un sens, une portée. Rendre hommage à un concitoyen qui a fait ce que nous faisons tous en France, parler de caricatures, en rigoler. Peu importe les mots, seuls les actes comptent. Il n’est pas question de gauche ou de droite, il est question de République, d’unité. Hier, sous Marianne, il y avait des chapiteaux, sous les chapiteaux des merguez et des Français. La République est une et indivisible c’est du moins ce que pensaient ceux présents à République. On se voyait ensemble ; les jeunes absents hier nous ont fait comprendre que nous n’étions que côte à côte.
Aujourd’hui nous passons à Metin Karasular, né en 1970, Kurde résidant en Belgique. Avec son compère Michel Catino, ils forment le duo le plus insignifiant, voire ennuyeux de ce procès, ils feraient partie de la filière belge pour les armes. L’enquêtrice de la SDAT de vendredi a expliqué son rôle plus ou moins. Aujourd’hui il va être interrogé. Le Président tient à dire quelque chose avant toute question ou débat : « Au moment où la cour d’assises reprend ses débats, la cour exprime son émotion concernant Samuel Paty, assassiné juste par le fait d’avoir transmis à ses élèves l’éducation. La cour se joint aux nombreux hommages qui ont salué la mémoire de cet enseignant ». La défense, les parties civiles répondent la même chose et Me Malka explique les caricatures montrées par Samuel Paty.
Une avocate de la défense, Me Béryl Brown, demande à ce qu’un expert en armes soit entendu, expert dont on doit lire le rapport et qui explique qu’on ne peut pas définir d’où viennent les armes. L’avocat général rétorque : « Fallait y penser avant, ça fait partie de vos droits, ça fait un an et demi qu’on prépare le dossier ! » L’assesseur rappelle le chef d’accusation contre Metin Karasular : il est accusé d’avoir fourni des armes. Avant de l’interroger, l’assesseur veut lire un rapport belge qui explique le comportement de Metin Karasular : « Vous êtes ingérable, il est noté que vous pleurez, agressez, menacez, vous vous levez, gesticulez, jurez sur la tête de vos enfants, vous dites que vous allez vous tuer et que vous êtes une victime du monde judiciaire. Vous racontez que l’agent de la SDAT vous a appelé chien de kurde ». Metin Karasular : « Je suis pas parfait, je fais du business, j’ai toujours trompé ma femme, mais je mange pas de ce pain-là, je mérite pas d’être puni comme ça. Moi j’ai pas vu mes enfants depuis quatre ans, je ne mérite pas cette punition. » L’assesseur rappelle que spontanément Metin Karasular se présente à la police le 13 janvier 2015 après avoir vu ce que Coulibaly avait fait. Sa déposition est très compliquée et implique plusieurs choses. D’abord Metin Karasular a fait l’intermédiaire pour la vente de la Mini de Coulibaly, acheté par un Grec, qu’on appelle pendant l’audience « Le grec ». Il va s’expliquer. Puis il va aussi s’expliquer sur le fait que peut-être il a vendu des armes à Ali Polat. Enfin, il est soupçonné d’être dans un trafic d’armes avec Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez mais d’après ce que je crois avoir compris ça n’aurait pas de lien avec les attentats alors je ne comprends pas pourquoi on en parle.
Sur sa rencontre avec Ali Polat, il dit que ça s’est fait : « Par hasard, Polat avait une voiture en panne, il est Turc comme moi, je l’aide. » Le hasard de la vie. Puis Ali Polat aurait voulu importer des dattes en France pour ramadan, d’ailleurs dans la voiture de Polat il y avait plein de fruits secs, de chaussettes et de robes de mariées. Ils sympathisent et du coup Polat veut vendre la Mini de Coulibaly au « Grec » et Metin Karasular fait l’intermédiaire histoire de palper un petit billet. Metin Karasular explique : « Je donne 2000 à Coulibaly et lui il jette ça par terre, c’est irrespectueux, c’est pas bien on achète le pain avec ! Alors moi je l’engueule mais les autres qui connaissaient Coulibaly et qui savaient ce qu’il faisait et bah ils me regardaient avec des gros yeux ! Ali Polat au début il était très très gentil très respectueux, bon moi je fumais 5 grammes par jour, j’oublie, mais il était bien Polat mais le dernier jour c’était pas le même gentil garçon, il était vert comme une pomme verte, c’était pas le même garçon. » L’assesseur lui dit qu’on parlera de Polat la pomme verte après, il veut parler de Coulibaly : « Coulibaly il est très menaçant pour avoir son argent. Moi il me dit qu’il s’appelle Mourad, j’ai jamais vu un noir s’appeler Mourad et c’est même pas un nom de prophète. Je l’ai vu quatre ou cinq fois. En fait Coulibaly il s’est fait escroquer par le Grec qui est dans le top 3 de ma ville niveau intelligence. » L’assesseur lui dit que dans sa déposition, Metin Karasular a dit que Polat était comme un soldat face à son commandant : « Oui ! Y’avait un truc entre eux comme Didier Deschamps et Mbappé mais moi je vais pas poser des questions ! Je le prenais mal, Polat il est de mon pays il a pas à baisser la tête ! » Et Ali Polat, le 9 janvier 2015 après les attentats, va voir Metin Karasular pour récupérer de l’argent. C’est le moment où il est menaçant : « Il m’a dit que son copain avait fait une connerie. J’ai eu peur pour ma femme et mes enfants, je les ai envoyés chez mon frère. Il vient chez moi Polat, il connaissait pas l’adresse, j’ai eu super peur, il avait des armes ! Comment il avait eu mon adresse ??? » L’assesseur lui demande ce qu’il fume ? « 5 grammes d’amnésia par jour. Mes poumons ils sont finis j’oublie tout. » l’assesseur : « Moi je n’oublie rien et surtout pas que votre addiction qui cause des pertes de mémoire vous n’en parlez pas en déposition. » Metin Karasular dit que c’est gênant. L’assesseur poursuit : « Bien. Avec votre garage, je dis garage entre guillemets hein parce que bon… » « Je connais rien aux garages ! » « …Voilà, c’est ça. Donc, on trouve dans votre garage une liste d’armes avec des prix, vous reconnaissez avoir écrit ça et après vous expliquez que c’est un Albanais qui vous a proposé ça. Puis avec la juge d’instruction vous dites ne plus vous rappeler de cette liste, vous dites que c’est des papiers liés à la fermeture de votre café. Bon, donc vous mentez. » Metin Karasular : « Oui, je mens, c’est un dossier de terrorisme, je mens sur tout le monde et tout le monde ment sur moi mais moi je le jure sur la tombe de ma mère, on tue pas des gens avec une idéologie ! » L’assesseur qui s’est reposé et a retrouvé toute son ironie : « Peut-être que lorsqu’on a des problèmes de mémoire on fait des listes, non ? En plus, vous savez, on retrouve une liste écrite par Ali Polat. Vous avez quoi à nous dire dessus ? » Metin Karasular, César du meilleur vieil espoir : « J’ai jamais vu ça, je suis choqué, je sais pas ce que ça fait là ! Moi je me dis voilà au garage y’avait Denis le concierge il vivait dans une caravane et il avait pas l’eau alors je laissais le garage ouvert pour l’eau, c’est peut-être lui ! » Il s’embrouille beaucoup et part dans tous les sens. A côté de moi il y a six personnes qui dorment. On lui reparle du ticket du KFC qui date de 2012 mais lui dit que le mot date de 2006. Il explique que dans son café « il y avait de tout [des criminels], des vendeurs de femmes et de drogue » et le mot du KFC date de cette époque-là « mais le café a fermé en 2010. » Encore un mystère.
L’assesseur : « En juillet 2014 vous connaissez Ali Polat depuis peu et pourtant il vous vire 1434 euros. Vous pouvez nous expliquer le contexte ? » Metin Karasular explique qu’il avait besoin que Polat lui prête de l’argent et comme ils s’entendaient bien il n’a pas hésité. « C’est la vérité » il dit. C’est celle du jour en fait, car l’assesseur explique que Polat de son côté a dit que c’était un acompte pour une voiture. Metin Karasular dit que oui, puis non, puis si, puis « le ciel me tombe sur la tête ! Moi les gens là [les accusés dans le box], je les aime pas !! » L’assesseur va évoquer le rôle du « Grec ». En fait ce qu’on comprend, c’est que c’est le Grec qui a acheté la voiture à Coulibaly mais qu’il n’a jamais été payé ou si peu, et que du coup Coulibaly s’en est pris à Metin Karasular. L’assesseur : « Bon, pour évoquer votre milieu la police belge parle d’un milieu interlope carolo,…carolo, c’est parce que vous être de Charleroi, le Grec dit quand même que dans votre garage un jour y’a eu une discussion pour parler d’armes… » « Il dit n’importe quoi ! Il dit que j’ai dit que j’allais tirer à la mitraillette chez lui, je suis pas une pourriture, il a une fille de 6 ans, si j’avais voulu me venger j’avais qu’à montrer sa maison à Coulibaly qui voulait son argent ! » L’assesseur tout en précision : « Oui, vous dites bien, et c’est votre expression, je cite : le Grec il nous a tous enculés. Au moins c’est clair. Et puis en juin 2018 vous formulez quelque chose de nouveau, vous dites que c’est un agent du Mossad, son fils aussi. Il vous dit avoir tué Arafat… » « Oui, il me disait ça quand il prenait de la coke il était bizarre. » « Et bien on lui demandera cet après-midi. Passons à Michel Catino. Vous le connaissez bien ? » « Oui, c’est mon ami depuis trentne ans. » L’assesseur : « Lorsque vous parlez de la relation Abbad/Martinez, vous dites qu’Abbad est le toto de Martinez, est-ce que Michel Catino est votre toto ? » « C’est quoi ça toto ? Le joueur de foot ? Il est correct, Michel, il est vingt ans plus vieux que moi, j’ai cinquante neveux si j’ai besoin de quelque chose je demande aux neveux. » « En garde à vue vous dites que les deux gars de Charleville-Mézières, Abbad et Martinez, voulaient des armes et que vous les avez mis en contact avec Ali Polat… » « Non, j’ai dit ça pour les mettre dans la merde à eux, ils arrêtaient pas de me mettre sur moi, déjà j’avais Coulibaly sur le dos et après on me met les Kouachi. Moi j’étais dans la merde, prêt à me raccrocher à un serpent, chuis tombé dans la merde. Ces gus-là [les terroristes] ils méritent pas de vivre. Comme hier, c’est bien de l’avoir tué celui de vendredi. Je suis pas pratiquant, la vérité je m’intéresse pas trop à la religion. » L’assesseur essaie d’amener Metin Karasular sur le terrain de la drogue ou des armes, il veut savoir quel trafic il avait avec Abbad et Martinez. Metin Karasular explique qu’il avait réussi à choper des armes à 130 euros, qu’il voulait les vendre aux deux compères 500 euros « mais j’ai dit que les munitions je faisais pas car en fait ça se fait plus, mais ça j’ai pas dit hein ! » et donc il y a aussi une autre histoire, celle des armes qui sont arrivées « sur le toit de la maison ». Metin Karasular « n’en sait pas plus. Elles étaient là les armes sur le toit, sur Jésus et mes six enfants j’ai pas vendu les armes à Abbad et Martinez. » Il part dans tous les sens, se contredit, il parle même de Jacques Martin, peut-être quelqu’un sur qui on jure en Belgique et puis toutes les trois phrases il a des larmes de crocodiles qui montent, on dirait un vieux comédien. L’assesseur l’interroge sur la religion, l’idéologie : « En garde à vue vous avez déclaré qu’on devait parler d’état terroriste et pas islamique puis vous dites : Vous trouvez ça normal de pas voir de musulmans avec la pancarte Je suis Charlie ? » L’assesseur lui parle quand même d’une relation qu’il a, son ex-beau-frère qui est devenu radical il y a six ou sept ans. Il dit qu’il est fâché avec lui mais lui a quand même présenté Ali Polat… encore pour le trafic de dattes pourries entre la France et la Belgique. On a même des détails, ces dattes étaient tellement pourries que y’avait des fourmis « partout !! Alors il a mis un produit pour nettoyer et il a vendu les dattes pourries. La vérité il s’est fait arnaquer. Coulibaly a parlé religion quand je l’ai vu et il a dit n’importe quoi sur les Kurdes, il voulait rabaisser les Kurdes. A ce fils de pute j’ai expliqué l’histoire, on s’est rentrés dedans. » Puis il explique avoir des problèmes en prison car il n’est pas pratiquant : « Chuis avec des fous de Daesh ! Je veux pas en parler, l’administration pénitentiaire m’a même dit de pas dire que j’étais Kurde. En France, le pays des droits de l’homme, je peux pas dire qui je suis, comme les juifs ! » Et sur cette belle comparaison, c’est la pause déjeuner.
Au retour une avocate partie civile veut savoir si Metin Karasular a déjà eu une arme. Il dit que non, alors elle lui rappelle son casier judiciaire et il fait cette réponse dingue pour se justifier : « J’avais pas d’arme, j’ai enlevé et séquestré quelqu’un et c’est lui qui avait une arme. » Puis une autre avocate lui demande de revenir sur certains points « pas clairs pour moi… ni pour le reste de la salle je crois. » Et ça s’éternise, je ne sais pas s’il fait exprès mais ça prend trois plombes pour répondre à deux questions et en plus il répond toujours : « Je sais bien Madame, mais je ne sais pas. » Puis l’avocate évoque le fait que le 8 janvier 2015, lui et Michel Catino jettent leurs puces de téléphone. Metin Karasular dit qu’il a paniqué en voyant Coulibaly à la télé. « Oui, mais le 8 janvier 2015, Coulibaly, on ne sait pas qui c’est. Il va faire l’Hypercacher le lendemain. Mais le 8, par contre, on sait qui sont les Kouachi. » Une fois encore il ne sait pas quoi dire. L’avocate générale veut « résumer pour être au clair. Votre garage, y’a pas de bureau, pas de revenu, pas de structure administrative, pas de comptabilité, pas d’assurance… Quelle est la réalité de votre activité et qu’est ce qui se cache derrière le garage ? » Encore une fois il tente de noyer le poisson, s’emporte, parle du jeu avec des dés pas plombés, d’un bon mécano. Il ne répondra pas, alors l’avocate générale lui dit que c’est un peu bête de sa part d’avoir voulu mettre Abbad et Martinez dans la merde car il s’est aussi mis dedans : « Ils veulent brûler, on va brûler ensemble. » L’avocate générale lui lit une déclaration qu’il a faite en garde à vue : « Je n’aime pas les Arabes ni les convertis. Coulibaly il cherchait le putain de fils de pute de patron, c’était moi, je l’ai mal pris, on s’est tapés, il a saigné. » Metin Karasular explique qu’en fait « les Arabes, je parlais de Abbad et Martinez, et même si Coulibaly c’est une merde il avait raison de vouloir son argent ! » Puis il parle du PKK et dit qu’un de ses frères vient d’être condamné à 36 ans de prison.
Me Coutant-Peyre prend la parole et dit que ça part dans tous les sens. Elle dit : « Bon euh alors voilà bon y’a quoi, y’a trois bouts de papier chez vous BON ON VA DIRE bon vous êtes pas un trafiquant d’armes… Après, le marché parallèle, c’est autre chose. Bon est ce qu’en fait vous vouliez pas faire du trafic de voitures ? » Il dit que non, il y connait rien en voitures et après ça c’est un jeu de questions-réponses où Me Coutant-Peyre parle de son côté et du garage quand Metin Karasular parle du sien et du café. Et puis elle veut en savoir plus sur cette histoire de Grec agent du Mossad, elle trouve ça très intéressant alors Metin Karasular raconte qu’en fait il a entendu des policiers belges en parler, leur chien avait reniflé un passeport israélien. Me Coutant-Peyre a l’air déçue, elle sait qu’avoir un passeport israélien ne signifie pas être au service du Mossad. Metin Karasular termine en nous annonçant que l’on devrait tuer les terroristes « en les piquant ! Comme des chiens ! J’peux m’asseoir ? » Et c’est la fin de son interrogatoire et surtout c’est la première fois que je vois un accusé sans être interrogé par son propre avocat pour un peu « l’aider », c’est très surprenant.
Le premier témoin arrive, un frère de Metin Karasular. Au lieu de dire « Monsieur le Président » il dit « M’sieur l’juge ». Il est sympathique. « Mon frère il est un frère dévoué, un bon papa poule. On se fréquente pas trop M’sieur l’juge, moi je suis très métro boulot dodo. C’est plus un joueur qu’autre chose. Le 9 janvier 2015 il m’a demandé à prendre mes nièces et sa femme, il avait peur, je suis allé les chercher, j’ai pas demandé ce qui se passait. C’est la première fois que j’ai vu mon frère comme ça, j’ai cru que c’était une bagarre, dans le jeu y’en a beaucoup. Moi je n’ai jamais vu mon frère armé M’sieur l’juge. » Le Président lui demande si c’est vrai que la famille est membre du PKK. Il confirme. « Et Michel Catino alors ? » Le témoin va redescendre d’un cran la hiérarchie du Président, qui va passer de juge à avocat tout simple : « Michel Catino, bien sûr je le connais. En vrai désolé mais ce sont des pauvres types, ils sont là à courir après quelque chose qui n’arrivera pas, voilà Maître. » Le Président pas rancunier ne le reprend pas et lui demande le rapport à la religion. Le témoin explique qu’ils sont Kurdes et « on n’a rien à voir avec ça, M’sieur l’juge. » Il s’en va, fait coucou à son frère et tape fort sur sa poitrine.
Un deuxième témoin arrive. Il est physiquement impressionnant, baraque, il a plus de poitrine que moi et la queue de rat qu’il avait à 8 ans s’est transformée en très longue tresse jusqu’au milieu du dos, c’est le Bobby Six killer de Charleroi. C’est un ami de l’accusé et il n’a rien à dire. Parfois la vacuité de certains témoignages de gens appelés à la barre me laisse profondément étonnée. Lui aussi a mentionné les dattes pourries ; dans ce dossier il y a plus de PV sur les dattes pourries de Belgique que sur les Kouachi. Ppour parler de Coulibaly dont il n’arrive pas à dire le nom, il dit « l’afro-américain ». La défense pose une question intéressante : « Est-ce que le Grec il avait un surnom ? » « Oui, le Grec. » Voilà, il s’en va.
L’écran descend et c’est l’expertise psychiatrique de Michel Catino qui passera demain. L’expert prévient : « Michel Catino a des tournures de langage particulières en raison de sa nationalité, mais il reste compréhensible. » Catino est belge, a priori oui, on le comprend. « Catino il aime le poker, il a eu une grave agression en 1997 à la tête, il est invalide mais comme il joue au poker c’est qu’il a une bonne mémoire. Il a du diabète, pas de pathologie psychotique ou névrotique. Un personnage un peu frustre, il s’estime trop bon. » Un second expert vient à la barre pour parler cette fois-ci de Metin Karasular et le vieil expert doit avoir le Covid, vu qu’il ne peut pas respirer, ce qui rend la lecture du rapport agaçante et longue : « Metin Karasular a un contact facile, très à l’aise, un peu commercial. Il a un problème avec les détenus islamistes qui l’empêchent de fumer. Il ne comprend pas la raison de son incarcération. Il est fier d’être kurde et hostile à Erdogan. Il est marié, a 6 enfants dont il est très fier. Pas d’addiction, pas de psychose, hostile à tout fanatisme. » Une avocate : « Il a évoqué avec vous sa consommation d’amnésia ? » L’expert répond non pas du tout. Fin des expertises, retour aux témoins.
Voici Sofia, la maîtresse de Metin Karasular. De dos c’est Bonnie Tyler, de face c’est Linda de Suza. Elle a une french manucure avec des faux ongles carrés et un fort accent roumain, les cheveux cramés pour ressembler à Marylin. On comprend qu’elle a rencontré Metin Karasular dans un café, au travail : « C’est quelqu’un gentil, respectueux. » Elle ne comprend pas trop les questions, le Président essaie de reformuler mais ça n’est pas évident. Pour parler du jeu « le barbu » elle dit « le barboute » alors la cour lui fait répéter. On comprend qu’elle aime beaucoup Metin Karasular, que la relation était agréable, qu’elle va le voir en prison un peu. Elle dit qu’il fumait des joints mais ne vendait pas de drogue car elle ne l’aurait pas accepté. Elle ne comprend pas trop de quoi il est accusé. Elle dit qu’elle est catholique et roumaine et Metin musulman et kurde et « il parle pas de ça, même moi je comprends pas c’est quoi. » Une pause arrive puis le Grec, l’agent du Mossad qui aurait tué Arafat entre dans la salle. Tout de suite on lui demande si c’est vrai, il répond non mais « mon fils travaille au Mossad. » Il dit avoir payé 12 000 euros la Mini puis ne sait plus, peut-être que c’était 2000, puis non, 12 000 ou non 2000. C’est un peu stressant car l’accusation de la cour repose sur ça : la Mini a été payée 10 balles, un mars et des armes. Si lui dit avoir payé la Mini entièrement ben l’accusation se retrouve en PLS. On verra demain car il affirme avoir payé les 12 000 puis son téléphone sonne, une fois, deux fois, le Président le rappelle à l’ordre. Ce témoin est à l’ouest. Il s’en va et Metin Karasular le traite de « con ». L’avocat de Metin Karasular : « Ah, si tu continues comme ça moi je rentre hein ! » avec l’accent belge bien sûr. Demain ça reprend, une autre histoire encore, une histoire belge.
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