Vendredi 9 octobre 2020. 20ème audience
Saïd Makhlouf est né le 15 décembre 1989. Ses avocats sont Me Zoé Royaux et Me Laurent Simeray. Son casier judiciaire porte trace de quatre condamnations.
Dans la file d’attente les gens parlent souvent, donnent leur avis sur les accusés. Il y a un fort désir de vengeance parmi ces gens et je me retrouve bien souvent seule à « défendre » la présomption d’innocence des accusés. Les gens du public le savent : les accusés sont coupables. Tous. Même Christophe Raumel, sinon il ne serait pas là. Les magistrats, les enquêteurs ne le savent pas mais eux si, ils sont l’opinion publique et quiconque ne les suit pas est pour le terrorisme. En tout cas c’est ce qu’ils me reprochent. Certains ont même demandé mon nom pour se renseigner sur moi. Ce sont sûrement les mêmes gens qui dans les années 70 criaient « à mort ! » à un accusé, cette foule qui a un tel désir de vengeance et qui ne comprend même pas lorsque je rétorque que passer cinq ans et demi en prison avant d’être jugé n’est pas normal dans une démocratie digne de ce nom. Pour eux ce sont des délinquants. Entre le trafic de voitures ou de shit et des attentats terroristes il n’y a pas de différence. La foule crie vengeance alors qu’il n’est question que de justice. Chacun est là pour une raison personnelle, la mienne est d’écrire ce procès, de laisser à mon échelle en tant que citoyenne une petite trace, quelques audiences. Je pense aussi souvent depuis le début des auditions des accusés aux victimes des frères Kouachi : Frédéric Boisseau, les gens de Charlie et Ahmed Merabet. Ces victimes-là, les familles n’auront aucune réponse. Les enquêtes des policiers n’ont pas permis de remonter qui a aidé les Kouachi, fraternité fusionnelle jusque dans la réalisation d’attentats et la mort. Pourtant, beaucoup de victimes de Charlie assistent encore au procès comme s’ils attendaient malgré tout une réponse, comme si Coulibaly pouvait prendre la place des Kouachi.
Aujourd’hui s’ouvre à Paris une exposition sur Cabu en plein procès, c’est ce qui doit triompher. Cabu n’est pas qu’une victime assassinée, il était avant tout un dessinateur. Pendant que son nom est rappelé souvent au tribunal, son art est célébré à quelques rues.
Nous passons à Saïd Makhlouf, il est le cousin d’Amar Ramdani. Il vit mal l’incarcération, sa première. Depuis qu’il a découvert la cuisine en prison et qu’il organise des concours à la Top Chef entre détenus ça va un peu mieux, le fraisier est sa spécialité. Sa mère lui rend visite le mardi et jeudi. Saïd Makhlouf n’est pas très bavard, jusque-là je l’ai très peu entendu. L’ami qui m’accompagnait hier trouve qu’il a « une bonne tête ». Le matin, lorsque son avocat arrive, il lui fait un signe de la main, pouce levé comme pour dire « Ça va? », Saïd Makhlouf répond de la même manière, il lève le pouce : « Ça va. » Saïd Makhlouf risque 20 ans de prison.
Le Président rappelle le chef d’accusation, Saïd Makhlouf est accusé d’association de malfaiteurs ayant pour but un attentat terroriste, d’avoir apporté un soutien logistique à Coulibaly, d’achat d’armes. C’est l’assesseur qui mène les débats : « Vous pouvez nous dire quoi ? » Saïd Makhlouf : « Je voulais vous dire que je comprends pas du tout la notion terroriste. J’ai honte d’être là. Je vais vous répondre et être transparent avec vous, même si ma mémoire c’est pas trop ça. » « Oui, d’ailleurs en interrogatoire vous parlez de votre mémoire de merde, ce sont vos mots, je ne me serais pas permis. Au-delà de votre mémoire, vous vous êtes muré dans le silence à partir du sixième interrogatoire. Lors de l’instruction des questions vous sont posées et vous ne répondez pas et à la fin de l’instruction vous décidez d’adresser un courrier pour répondre aux questions du huitième interrogatoire. C’est une particularité, pourquoi décider d’arrêter de parler ? » Saïd Makhlouf : « Psychologiquement ça n’allait plus, c’était une spirale infernale, je voulais plus parler. C’est une accumulation, j’en avais marre. Une expertise est arrivée et je comprenais pas, l’expertise de mon ADN sur le taser. Ça me ronge le cerveau encore aujourd’hui, le taser je l’ai jamais vu et on dit y’a mon ADN dessus. Y’a deux expertises qui se font, une qui dit que c’est de l’ADN mélangé, une qui dit que non. Je vais pas vous mentir mais j’ai cru qu’on avait mis l’ADN, que c’était créé. En deux secondes je suis redescendu quand la juge d’instruction m’a expliqué comment c’était possible et j’ai compris. Après ils ont dit que j’étais l’ami de Coulibaly alors que je l’ai vu une fois et demie. » Saïd Makhlouf parle très très vite. « Direct je vous le dis y’a pas d’arme c’est du stup, je suis innocent en prison depuis cinq ans et demi, je me suis envahi de paranoïa, je me suis fait des films. Je lis le dossier Lillois je vois que y’a des trucs classés secret défense, je me dis on nous cache des choses. » L’assesseur : « Je le dis tout de suite, il n’y a aucune trace de radicalisation chez vous. » Saïd Makhlouf : « J’ai été vacciné contre ça. » L’assesseur lui demande ses liens avec Amar Ramdani : ils sont cousins. Le 9 janvier 2015, Amar Ramdani est déjà surveillé par la police et comme il voit Saïd Makhlouf, Saïd Makhlouf est visible dans le fil de l’enquête. Il y a entre septembre 2014 et janvier 2015 770 contacts téléphoniques entre les deux. Saïd Makhlouf fait aussi des escroqueries de voiture avec Amar Ramdani et il deale un peu. Il avait aussi un vrai travail, ambulancier. Il vivait seul mais passait souvent chez sa « maman, je sortais du taff, j’allais lui acheter des croissants et je rentrais dormir chez elle. » L’assesseur lui demande ce qu’il faisait de l’argent gagné grâce aux escroqueries. Saïd Makhlouf : « Je flambe, je kiffe à fond, les vacances je suis pas du genre à prendre une tente Quechua et 1000 euros. » « Et Amar Ramdani, il en fait quoi de cet argent ? » « Ah bah ça fallait lui demander hier. » Effectivement personne n’a pensé à demander à Ramdani ce qu’il faisait de l’argent de ses escroqueries alors que la cour accuse Amar Ramdani d’avoir donné de l’argent à Coulibaly.
On lui parle de ses liens avec Coulibaly. Il a vu Coulibaly deux fois mais au début en garde à vue il ment, il dit qu’il a rencontré Coulibaly « par hasard, parce que je voulais pas parler du chinois car sinon faut que je parle des escroqueries. Je m’en veux car ça me porte préjudice. Je peux rien dire d’autre à part désolé. » En fait, « le chinois » c’est le restaurant chinois. Un jour il est avec Amar Ramdani au restaurant chinois, ils vont payer et Coulibaly arrive, Ramdani lui dit que c’est un « pote de placard », ça dure moins de deux minutes, Saïd Makhlouf sort fumer une cigarette. C’était deux ou trois semaines avant les attentats. Deux fois, Saïd Makhlouf et Coulibaly bornent dans la même ville mais c’est normal ils habitent cette ville-là. Aucun lien téléphonique n’a pu être établi entre Saïd Makhlouf et Coulibaly. Il est questionné sur ses déplacements dans le Nord, l’endroit d’où viennent les armes. Amar Ramdani et Saïd Makhlouf disent qu’ils y faisaient des escroqueries comme ailleurs en France, que Saïd Makhlouf voulait monter un trafic de stup et qu’il allait voir les putes. Au début de ses gardes à vue, Saïd Makhlouf n’évoque que les prostituées car il ne veut pas révéler ses escroqueries. Il croyait sortir alors il ne dit rien. « Le 9 janvier vous voyez Amar Ramdani dans une zone industrielle, vous êtes surveillé par la police qui dit que la discussion vous absorbe. » Saïd Makhlouf : « D’habitude quand on se voit avec Amar on se fait un sourire, là y’a zéro sourire, il est dépité et il me dit que Coulibaly est le mec du chinois. Moi j’ai cru que j’allais m’évanouir. Pendant cinq minutes on parle pas, j’étais choqué, sur le cul. Je vais pas vous mentir j’ai pensé à moi en premier, aux escroqueries. Je me dis les flics vont se mettre sur Amar et après sur moi. Automatiquement on pète nos puces, c’est logique, je viens d’apprendre que le gars du chinois c’est celui qui vient de commettre un truc horrible que je cautionne pas du tout. Même si je suis pas un contact de Coulibaly on va arriver sur moi la police Française est super forte. » L’assesseur : « Ça c’est vous qui le dites, et effectivement rapidement les ennuis arrivent… » On revient sur l’ADN de Saïd Makhlouf retrouvé sur la lanière du taser qui, lui, a été retrouvé à l’Hypercacher. Saïd Makhlouf : « C’était impossible ! J’ai jamais touché un taser, je l’aurais dit, c’est légal, j’en ai rien à foutre. Ça m’a rendu fou de savoir que y’avait mon ADN, c’est même pas que je l’ai touché je l’ai même pas vu ! » L’assesseur : « Alors effectivement vous n’avez pas d’explication pour ça. C’est Amar Ramdani qui a un moment se refait le film et qui évoque la venue de Coulibaly chez vous le 6 janvier, en votre absence. Il a vos clefs, Amar Ramdani ? » Saïd Makhlouf : « Oui il a mes clefs, je les lui ai données au moment du décès de mon père, j’ai dû aller l’enterrer en Algérie et j’ai demandé à Amar Ramdani de s’occuper du courrier, tout ça. Je sais bien qu’on n’a pas retrouvé mes clefs chez lui. » Hier nous avons entendu Yohan, ami de Saïd, qui ne peut pas confirmer la venue de Ramdani le 6 janvier 2015 mais c’était possible. Saïd Makhlouf : « Vous voyez bien que ça montre bien que y’a pas entente avec mes amis. » L’assesseur : « Bon, l’ADN aurait fait un transfert sur le canapé, Ramdani dit de vous Saïd Makhlouf quand il dort sur son canapé il transpire, il bave, c’est un gros bonhomme bon je vais pas vous demander si vous bavez beaucoup… » Saïd Makhlouf : « Ah si je bave beaucoup. » On le croit sans problème vu qu’il a son tee-shirt vert d’eau qui est complètement mouillé sous les aisselles tellement il est stressé. L’assesseur lui demande s’il dort sur son canapé, Saïd Makhlouf dit que oui et il a aussi un « matelas pour les amis ». « Le 9 janvier 2015 Amar Ramdani ne vous dit pas qu’il est venu chez vous ? Et que Coulibaly s’est vautré dans le canapé ? » Saïd Makhlouf : « Non, fallait voir dans quel état on était. » L’assesseur a fini l’interrogatoire Saïd Makhlouf : « Ah c’est tout ? » C’est tout pour l’audition, maintenant ce sont les questions.
Une assesseure lui demande pourquoi il a menti en garde à vue ? Saïd Makhlouf : « Je sais pas mentir, je mens et je dis direct après à la juge d’instruction que j’ai menti, je lui dis le jour-même, je suis pas un menteur. » Une avocate partie civile lui demande s’il sait à peu près combien ses escroqueries ont rapporté ? Il dit que non, l’avocate lui dit : « A peu près 65 000 euros, donc comme vous faites 50/50 avec Amar Ramdani, ça fait à peu près 30 000 euros. Vous n’avez pas un train de vie énorme, vous avez un studio, un canapé… Ça sert à quoi ? » Saïd Makhlouf : « Je claque, les vacances tout ça. » L’avocate de la famille de Clarissa Jean-Philippe : « Vous êtes à l’aise quand vous allez dans les banques ouvrir des comptes avec une fausse identité ? » Saïd Makhlouf : « Ah non pas du tout à l’aise. » l’avocate : « Donc vous savez mentir. » Saïd Makhlouf : « Hein ? » l’avocate : « Merci. » Pour l’instant, je trouve qu’il se défend plutôt bien, il ne cherche pas à cacher les choses. Je m’attendais à un accusé quasi muet, il est jovial, très sympathique et je le crois.
L’avocate générale lui demande des précisions sur les rues où il va voir les prostituées à Lille. Il dit qu’il en a aucune idée, l’avocate générale : « Le tact du gentleman. » Saïd Makhlouf : « C’est pas je fais 200 km pour ça, c’est plus je vais sur Lille pour voir Mohamed Farès et j’en profite pour faire une gâterie, je suis pas un pervers. » Il explique avoir voulu acheter de l’herbe qui venait des Pays-Bas et pas d’Espagne pour la qualité. Pour éviter la peine de terrorisme il déballe tout sur ses trafics, il cherche à sauver sa peau. L’avocate générale lui fait des reproches sur sa mémoire au niveau des dates et lui dit : « Vous avez dû préparer ça en amont quand même ! » Saïd Makhlouf : « Comme vous ! » l’avocate générale : « J’ai du mal à comprendre, vous risquez 20 ans de prison et vous refusez de donner un nom de quelqu’un dans le trafic de drogue alors que ça peut vous aider. », Saïd Makhlouf a l’air un peu ému en vrai : « Madame, on m’a aussi demandé les noms des femmes qui sont venues chez moi pour l’ADN sur mon canapé. Je ne les donnerai jamais, je ne veux pas mettre ces femmes-là dans une affaire de terrorisme. » l’avocate générale : « On reconnaît là le tact du gentleman. », Saïd Makhlouf : « Tout est à charge ! On me dit que je borne pas loin de Coulibaly bah oui mais on habite tous les deux à Gentilly ! » l’avocate générale : « J’aimerais qu’on parle de l’argent et Amar Ramdani. Vous effectuez un retrait de 1000 euros le 4 décembre à 13h20 à Drancy. Juste après vous contactez Ramdani à 13h25, qui contacte Coulibaly à 14h04. Vous voyez Ramdani à 14h27, et Ramdani voit Coulibaly à 15h13… » « Je téléphone à Amar et je le vois, oui, ça arrive, parfois on fait des escroqueries ensemble. » L’avocate lui demande comment il a claqué 30 000 euros, il évoque des voyages en Thaïlande, Martinique, Canada, Algérie et les soirées. En clair l’avocate générale veut savoir si l’argent a pu servir à Coulibaly pour acheter des armes. Vient enfin la défense et c’est Me Pugliesi, avocate d’Amar Ramdani, qui ouvre le bal :
« Amar Ramdani il avait un travail ? »
« Non. »
« Donc cet argent ça fait du 2500 euros par mois à peu près. Il paye les courses de toute sa famille ? »
« Oui. »
« Amar Ramdani, il s’habille au marché ? »
« Non il est toujours bien habillé, beau gosse quoi »
« OUAIS ! BEAU GOSSE AMAR ! Il vous paye le resto parfois ? »
« C’est toujours lui qui régale. »
« Plus l’essence je suppose, donc 30 000 euros sur 10 mois c’est pas si énorme que ça. »
« Non. »
« Pas d’autres questions. »
Elle est excellente et le reste de la salle le sait tellement que la cour s’en prend à elle, ils l’ont dans le baba. L’avocat général précise que ces 30 000 euros ne sont qu’une estimation, la partie civile cherche aussi à chouiner. Me Pugliesi : « Mais le procès n’est pas fini, vous vous expliquerez avec mon client. Vous me voyez même très étonnée par le fait qu’hier vous n’ayez posé aucune question sur l’argent à mon client. » Elle coupe son micro, elle a eu le dernier mot. Rock star.
L’avocat de Saïd Makhlouf lui pose quelques questions sur son silence lors de certaines auditions. L’avocat lit : « Vous dites même à une enquêtrice : Ça fait deux ans et demi que je suis là, je me renferme, je ne veux plus parler, je n’ai rien à voir dans cette histoire. » La deuxième avocate de Saïd Makhlouf, Me Zoé Royaux : « Vous confirmez qu’en garde à vue à aucun moment on ne vous évoque la religion et l’idéologie de Coulibaly sur sa radicalité… alors que vous êtes ici pour la radicalisation et des attentats en rapport avec ça ? » Saïd Makhlouf : « Je confirme. » l’avocate : « Pour les juristes : c’est un élément intentionnel, je précise ! » elle continue : « Avez-vous des liens avec Coulibaly ? Un numéro de téléphone ? Avez-vous acheté des armes pour lui ? » C’est non à tout. « Concernant Claude Hermant, vous savez Monsieur Makhlouf c’est ce Monsieur du Nord qui a vendu les armes et qui vient ici en homme libre au tribunal raconter tout ça, qu’on l’appelle l’armurier , et c’est aussi celui qui ressort libre de ce même tribunal, vous voyez qui c’est ? Il a une friterie aussi… vous le connaissez ? » « Non pas du tout. » Me Zoé Royaux excellente : « Bien ! Donc c’est une hypothèse, comme l’a dit la policière à la barre ? Les accusés ici ne sont qu’une hypothèse ? » « Oui. » Et c’est la pause déjeuner, quand même les femmes largement représentées parmi les avocats de la défense sont excellentes, pugnaces et offensives elles sont mes idoles.
Les trois copines de Jipé (Blanche, Chantal et Reine) se rapprochent dangereusement de moi. Elles ne supportent plus Jipé et lui il me déteste ça se voit. Elles en profitent pour me demander la différence entre shit, beuh, herbe, haschich. Chantal raconte que dans les années 70 elle est allée au Pakistan et qu’elle a reçu en cadeau une « boulette noire », du shit à priori, elle a eu très peur de se faire arrêter alors elle l’a jetée dans la montagne. Midnight Express avec Chantal en guest mais qui ne veut « que des maires de droite. »
L’audience reprend avec Me Coutant-Peyre qui avait déposé une conclusion et une demande d’informations : « Monsieur le Président, je plaide à nouveau, je suspecte un nouveau coup tordu… Rien ne se passe et on est tous fatigués, j’ai DEMANDE des informations sur le… bon, appelons-le comme ça, le volet Lillois, je rappelle qu’à la demande de la défense d’autres témoins sont demandés au débat, c’est le vrai sujet… vrai sujet ETABLI, il y a d’autres personnes à entendre [elle énonce les noms] il y en a… 5 au moins, d’ailleurs j’ai toujours pas récupéré mon cahier c’est aussi un sujet embarrassant pour le parquet ! J’ai obtenu des informations embarrassantes, j’en parlerai mais bref, que personne ne se méprenne, c’est pas une question de diversion c’est une question qui concerne tout le monde, de poursuivre les responsables et non pas ceux qu’on a mis là. On le sait, tous les gens du Nord sont des indicateurs, pourquoi on fait ce rideau de fumée ? A cause de l’extrême droite ? Des indics ?… C’est ce qu’on appelle une affaire d’état ! C’est LA une affaire d’état ! On a les preuves ! Quel est le but de ce procès ? Les accusés ici ça relève plus de la correctionnelle, la juge d’instruction dit à Claude Hermant vous avez fourni les armes, des armes DE GUERRE et non pas un pauvre taser qui n’est pas une arme de guerre. Moi je parle de complicité c’est SIMPLE. Il y a quelqu’un, bon, c’est Jean-Charles B. son nom, bon, je vous lis vite fait c’est visible sur Wikipedia. BON, en Janvier 2014, après sept ans de procédure, le juge Marc T. rend un non-lieu dans une affaire concernant Guillaume D., qui était poursuivi pour divulgation d’informations classifiées, à la suite d’un reportage paru en avril 2007 dans le journal Le Mondeconsacré aux données détenues par la DGSE sur Al-Qaïda avant le 11 Septembre. Dans son ordonnance, le magistrat mentionne que Jean-Charles B. est un indicateur des services de renseignement français, et précise que, dans ce dossier, il était chargé d’identifier les sources de son ancien co-auteur…B. est à un organisme… comment c’est POSSIBLE qu’un magistrat Marc T. soit un membre OFFICIEL d’un organisme lié à des gens qui bossent pour les services secrets et QUI CAUTIONNE la thèse qu’il ne faut pas impliquer Claude Hermant pour les attentats de 2015 ainsi que tous les services secrets français ? Claude Hermant vient témoigner et vous ne l’avez pas laissé parler spontanément. Tout le monde sait que le vrai sujet est LA. Samedi l’expert en armes, excellent, est venu nous expliquer que C’EST CLAUDE HERMANT QUI REMILITARISE LES ARMES et qui donne les munitions, c’est LA que ça se passe. On nous dit ceci est un procès historique, non c’est un procès rideau de fumée, y’a quelque chose qui ne va pas et c’est l’intérêt de tout le monde de savoir y compris les victimes, mon client du moins je parle pour lui sert de bouc émissaire dans une affaire d’état… Et puis aussi et l’ADN non identifié ? On ne sait pas ! Et la DGSI n’a toujours pas communiqué les documents que j’ai demandés, j’ai demandé au monsieur, là, qui était au hammam [ndlr : en fait derrière un paravent pour un témoignage anonyme ; Me Coutant-Peyre considérait que ça ressemblait à une ambiance de hammam-voir audiences 11 et 12] et ça fait plus de deux semaines ! » L’avocate générale : « Monsieur le Président je vous demande de rejeter cette demande. Le trafic d’armes de Claude Hermant a déjà été jugé et il n’a pas été montré de lien entre lui et les accusés. C’est un fonctionnement classique de juger donc en l’état je vous demande de refuser une mise en examen de Claude Hermant. » Le Président prend note. Me Coutant-Peyre a parlé plus de trente minutes.
Les témoins arrivent, le premier est Pierre C., ami de Saïd Makhlouf. Il décrit un ami « impressionnant physiquement mais chaleureux. Le savoir ici me peine beaucoup. Il a un grand cœur et très généreux et respectueux, il ne juge pas les gens sur leur apparence, il n’y avait pas de tabou entre nous. Je ne suis pas allé le voir en prison car un ami policier, un ami commun, me l’a déconseillé. » Une avocate partie civile lui demande s’il est allé voir les prostituées avec Saïd Makhlouf… la réponse est non. L’avocate générale veut en savoir plus sur les voyages. Pierre a voyagé en Turquie avec Saïd Makhlouf, quand ? « Mmm, en 2016 je pense… » La salle rit. L’avocate générale : « Ça m’étonnerait ! » Saïd Makhlouf est en prison depuis 2015. Elle lui demande si Saïd Makhlouf est un flambeur ? « Je l’ai jamais connu flambeur. »
Le deuxième témoin est Mohamed, qui arrive mort de rire. Il fait une assez mauvaise impression, il a l’air de prendre ça à la légère : « Saïd Makhlouf c’est un vrai vrai ami à moi. » Il était avec lui lorsque Saïd Makhlouf a été interpellé par la police, ils passaient une soirée/nuit à « manger des pizzas, on allait dormir. » L’assesseur s’engouffre : « Vous dormez où quand vous allez chez Saïd Makhlouf ? », Mohamed : « Sur le canapé, Saïd Makhlouf a un lit. », Saïd Makhlouf a dit qu’il n’avait qu’un matelas « pour les amis », lui dort sur son canapé, où son ADN aurait fait un transfert sur la lanière du taser de Coulibaly. Mohamed continue, il ne sait pas qu’il vient de mettre à mal son ami sur un point assez important : « C’est son lit quand même ! Moi je dors sur le canapé. Bon, non, y’a pas de règle, je peux dormir sur le lit. » Il poursuit : « A ma connaissance Saïd ne faisait pas de trafic », l’assesseur : « Et bien à notre connaissance y’a quand même des choses de ce côté. » Et puis un mariage est évoqué, je ne comprends pas pourquoi l’assesseur parle de ça ; il parle d’un mariage, celui de la sœur de Mohamed Farès accusé ici. Saïd Makhlouf était au mariage, Mohamed le témoin : « Moi je vais y manger un poulet, j’ai honte y’a la famille tout ça, j’avais honte de ouf j’ai parlé à personne. », l’assesseur : « Honte de ouf ? Mais par timidité ? C’est bizarre non ? », « Ouais ouais jsuis timide, j’aime pas les gens tout ça, parler, je mange le poulet et je pars. » L’assesseur veut savoir si au mariage il y avait Amar Ramdani. Mohamed le témoin regarde Amar Ramdani : « Oui il était là ! Non en fait non… c’est ptête possible hein mais non je pense pas. » Compliqué tout ça.
Le troisième témoin est Alphady, ami de Saïd Makhlouf. Il le décrit comme fêtard, qui aime voyager et les motos, mais il dit aussi « il est économe, après je sais pas tout, jsuis pas sa femme. » Ses réponses font rire la salle et les accusés, ce qui agace profondément l’assesseur qui engueule littéralement Amar Ramdani, qui rétorque : « La salle rit aussi ! », l’assesseur : « Ça m’étonne plus dans le box disons. » L’assesseur rappelle qu’Alphady le témoin a fait un an de prison pour achat d’herbe : « Vous êtes auto-entrepreneur dans la beuh donc. » Il lui demande pour combien de « beuh » il s’est fait arrêter.
« Pas beaucoup. »
« C’est-à-dire ? »
« Pas beaucoup. »
« Oui mais combien ? »
« Pas beaucoup. »
« Mais dites-nous, on ne vous juge pas c’est déjà fait. »
« Un kilo. »
Il était très sympathique ce témoin. Julien P. est le quatrième témoin, un ami d’enfance encore. Son surnom c’est « Mowgli », alors le Président l’appelle comme ça. Il est interrogé pour savoir s’il a vu Ramdani le 6 janvier 2015 chez Saïd Makhlouf mais il ne se souvient plus. Il ne sait même pas ce qu’il s’est passé le 7 janvier 2015. Il est plus bête que menteur, ça se voit sur son visage qu’il ne cache rien, même pas son inculture. Cinqiuème témoin c’est Myriam. Elle est belle, elle est une amie d’enfance de Saïd Makhlouf aussi. Elle décrit aussi un mec bien : « C’est quelqu’un de très bien, je suis très étonnée qu’il soit là, son cœur est aussi grand que sa taille, énorme. » Et c’est là où le Président commence à poser des questions d’une débilité dingue. Il est dit que Saïd Makhlouf et Myriam sont très amis, et le Président : « Est-ce que par exemple s’il est à Lille, il vous envoie un petit message coucou de Lille j’y suis. » Bien sûr Myriam dit « Non », juste les gens de 60 ans font ça. La défense de Metin Karasular lui demande : « Est-ce que Saïd Makhlouf est intéressé par la religion ? » « Non. »
Et voilà le dernier témoin Steven aussi appelé « Shame » que le président prononce « shimeuh ». Lui il est plus vieux que Saïd Makhlouf. Le témoin est très renfermé mais il a fait une super déposition lorsqu’il a été à la police. C’est lui qui a poussé Saïd Makhlouf à devenir ambulancier comme lui, il voulait « mettre le petit sur les rails, qu’il fasse pas de conneries, je suis dégoûté qu’il trempe dans ça. » Lui non plus ne sait pas ce qu’il s’est passé le 7 janvier 2015. Il y a quelque chose de frappant à écouter ces jeunes adultes et qui ne savent rien, ils vivent à 3 km de Paris mais à des années lumières du reste de la France. Ils ne mentent pas, ça se voit, ils ne savent tout simplement pas ce qu’il s’est passé le 7 janvier 2015, tout comme ils ne savaient pas ce qu’était Charlie Hebdo. La France s’apprête à défiler le 11 janvier 2015 pour dire qu’on ne tue pas pour un dessin mais eux ils ne s’en souviennent pas. Le Président continue et ça va dégénérer. Il rappelle qu’à l’âge de 18 ans, Steven le témoin est chauffeur livreur, il doit livrer une armurerie, il ouvre le carton, sort l’arme pour montrer aux copains, hop la BAC passe à ce moment-là, il est embarqué. Le Président, en roue libre : « Voyez c’est CA les jeunes de cités hein… ça veut faire les malins hein, voyez, nous ici on a un accusé qui s’est pris une balle perdue à 9 ans et là, voilà … vous faites ça, ça montre l’arme aux copains, c’est ça c’est ça la cité. » Le témoin l’interrompt : « En fait je vois pas où vous voulez en venir. » Et nous non plus. Moi je me dis que le Président va terminer sa phrase par un YOLO et un dab mais le Président continue : « Oui, ça veut faire les malins et voilà on sait pas, c’est une arme, j’ouvre le carton, je montre aux copains et c’est ça ! » Le témoin : « Mais Monsieur l’arme elle était pour une armurerie, elle était pas chargée, ça a plus de 20 ans comme histoire, je comprends pas… » « Ah vous voyez pas ?! Très bien bah on va parler religion ! » Le Président est hors de contrôle, je pense qu’il est très fatigué mais il est odieux avec le témoin sans aucune raison et plus que limite dans ses propos : « Bon ! Vous êtes catholique puis vous devenez bouddhiste comme votre père puis athée puis musulman… » Le témoin acquiesce et c’était juste pour dire ça. Puis le Président s’emmêle les pinceaux, ça va être compliqué : Steven le témoin est marié à Samia qui est la sœur de Mohamed Farès accusé dans le box. Mohamed Farès, son père a une boîte d’ambulances, il avait embauché Steven et donc Saïd Makhlouf. Mais Mohamed Farès vivait à Lille, il n’a rencontré Saïd Makhlouf qu’au mariage de Steven et Samia. Mohamed Farès était aussi marié, depuis divorcé et le président demande : « Et la famille de la femme de votre beau-frère, vous la connaissez ? » C’en est trop pour moi, je pars, le président répète trois fois la même phrase. L’audience se termine quinze minutes après et reprendra lundi. On a vu qui était Saïd Makhlouf, personnage assez énigmatique jusque-là pour moi. Pour l’instant il n’y a rien. Soit ils sont complètement innocents des faits reprochés sur le terrorisme, soit ils sont totalement coupables mais alors très très bons dissimulateurs. J’ai mon avis sur la question.
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