« C’est mon jour, ça fait 5 ans et demi que j’attends ça laissez-moi m’exprimer »

Lundi 5octobre 2020. 16ème audience.

Willy Prévost né le 27 juillet 1986, son avocat est Me Lévy, son casier judiciaire porte trace de six condamnations.

Samedi, une audience a eu lieu pour rattraper le retard. Impossible pour moi d’y aller, j’aurais pourtant adoré. C’est Farid Benyettou, condamné pour la filière des Buttes Chaumont qui était interrogé. Il est un repenti, il est Charlie, il aide dans la déradicalisation. Pour certains c’est une posture. Samedi des gens de chez Charlie Hebdo sont revenus pour l’écouter, celui qui est accusé d’être aussi responsable que les Kouachi et qui devrait être dans le box. Il a téléphoné de lui-même à la police le 8 janvier 2015 après avoir reconnu les Kouachi. Il s’est décrit comme étant le « référent religieux », il a abandonné l’idéologie en 2012 après Mohammed Merah. Bien sûr, les avocats l’ont interrogé longuement, à la sortie de son témoignage des caméras l’ont questionné, il a pleuré, une avocate partie civile arrête l’interview et dit que c’est du cinéma. Farid Benyettou a dit sa vérité.

L’audience aujourd’hui commence directement avec l’audition de Willy Prévost. Pendant deux semaines les accusés vont s’exprimer. C’est aussi le moment où vont entrer en scène réellement les avocats de la défense. Ils sont dix-huit, certains d’entre eux appartiennent à « La conférence », un concours où prime l’éloquence. Je pensais que les accusés allaient s’exprimer à la barre mais ils restent dans le box en fait. Willy Prévost se lève, le Président lui demande si spontanément il a un truc à dire, Willy Prévost répond que non, il attend les questions du Président. Le Président relit le chef d’accusation, « association de malfaiteurs dans le but d’un acte terroriste », Willy Prévost reconnaît l’association de malfaiteurs mais pas le terrorisme. Il est accusé d’avoir acheté des gilets tactiques, un taser, des couteaux, d’avoir retiré le traceur d’une moto et acheté une voiture Scénic. Il a eu dix auditions de garde à vue, neuf auditions d’instruction et une confrontation (avec Ali Polat). Willy Prévost dit qu’à « aucun moment de la vie j’ai eu des trucs religieux ». Il explique qu’il n’a pas eu le choix pour aider Coulibaly, « c’est la vie en cité ». La cité est la quinzième accusée, l’islam le seizième. Il continue, jamais il n’aurait impliqué sa famille s’il avait su ce que Coulibaly allait faire. Il connaît Coulibaly « depuis toujours, c’est un des grands de la cité, on s’est vraiment connus en prison il m’a pris sous son aile, on faisait des petits trafics, on avait une bonne relation. En 2008/2009 ça s’est dégradé, j’ai refusé de lui rendre service, aller chercher de la drogue, je ne pouvais pas, j’avais un bracelet, j’ai dit non. La personne qui est allée chercher la drogue s’est faite interpeller alors Coulibaly m’a réclamé l’argent qu’il avait perdu, 30 000 euros, il disait que c’était de ma faute. Après il a craqué il est venu chez mes parents armé pour me menacer et puis il m’a emmené dans la forêt pour me tabasser. » Il a eu une attestation de passage aux urgences avec multiples ecchymoses sur le corps et le visage. Coulibaly l’a tabassé avec une batte de base-ball, il n’a pas déposé plainte par peur des représailles. Même quand Coulibaly est incarcéré de 2010 à 2014, il réussit à envoyer des gens menacer Willy Prévost qui déménage en 2013 par peur. [ Il a souvent été évoqué le « charisme » de Coulibaly, ou son autorité et on le croit sans problème, Coulibaly faisait 1m67, Willy Prévost n’est pas loin des 1m95 et il avait très peur de Coulibaly, comme beaucoup]. Quand Coulibaly sort de prison, un jour il voit Willy Prévost au centre commercial et c’est comme ça qu’il reprend contact avec lui, il lui dit : « Où que tu ailles je te retrouve ». Alors, Willy Prévost explique que parfois il rend service à Coulibaly car il a peur que ses petits frères soient frappés. Il lui vidange sa Clio, « Autant que j’aille dans son sens comme ça il touchait pas à ma famille. » Le 16 janvier 2015 il est mis en garde à vue. Il dit que quand il a appris ce que Coulibaly avait fait il était « choqué, par terre, j’ai vu à la télé j’étais dans un sale état. » Il hésite à se présenter à la police mais en même temps ne voit pas trop le lien avec les achats qu’il a faits donc il ne dit rien et il est interpellé : « La seule erreur que je me reproche c’est ça, ne pas être allé voir la police au jour d’aujourd’hui mais ce qui est fait est fait. » Il explique qu’il a tardé à faire les achats, un mois presque : « Je sais que ça va finir en délit, je suis pas bête mais bon c’est ferme ta gueule pose pas de questions ». Il pense que ça va être un braquage ou un go-fast. « Amedy c’est un braqueur y’avait pas d’histoires de religion c’était la drogue et les braquages. » Le Président lui demande pourquoi Coulibaly n’a pas acheté lui-même les choses ? Willy Prévost répond : « Je peux pas lui demander ça. » Il est réservé mais parle bien au Président. Le Président explique que Willy Prévost a acheté un Scénic pour Coulibaly, Scénic qui va servir pour aller à l’Hypercacher. Dans le Scénic, on trouve des photocopies de papiers d’identité de la mère de Willy Prévost qui ont servi à l’achat d’une moto qui elle sert le matin du 8 janvier à Montrouge pour tuer la policière Clarissa Jean-Philippe. Coulibaly a aussi effectué des achats sur Internet et a envoyé chez la sœur de Willy Prévost. Le Président lui demande s’il ne trouve pas ça bizarre. « Non, c’est pas suspect, j’ai grandi dans une cité, c’est comme ça on se rend service, j’étais sous son emprise et voilà. » Il explique qu’il ne savait rien du radicalisme de Coulibaly, il ne savait pas non plus que celui-ci avait été condamné en 2010 pour terrorisme, il ne savait pas qu’il avait fait un pèlerinage à la Mecque. Le Président : « D’ailleurs quand vous l’apprenez, vous dites qu’il vous a pas ramené de cadeau. » Le Président évoque les achats faits avec Christophe Raumel (qui sera interrogé demain). « Oui, on était potes avec Raumel. Il connaît pas Coulibaly je sais même pas pourquoi il est là, je le vois ici il l’a jamais vu ni parlé. On va acheter ça ensemble bah je sais pas moi on est au quartier, on galère, vas-y on va aller faire des courses je fais rien d’illégal ; c’est dans les magasins ça nous fait une sortie, quand on revient on bouffe un truc et voilà la journée elle a passé. » Il raconte souvent l’ennui dans les cités. Jouer à la Playstation, fumer du shit, aller au centre commercial pour traîner.  On est dans « La haine ». Le Président lui demande : « Quand vous achetez le Scénic, Coulibaly vous dit que c’est pour sa femme et vous le croyez ? » Willy Prévost : « Bah un Scénic c’est pas un 3 litres de V6, c’est une voiture de ville on fait pas un go-fast avec un Scénic. Après le nom qui est pas vrai pour la carte grise bah dans la cité y’a 90% des voitures c’est pas le bon nom, c’est ptête choquant pour vous et le 16ème mais bon à la cité y’a rien de choquant. » En 2014 Coulibaly a besoin de Willy Prévost pour aller chercher des armes. Willy Prévost refuse, il a une excuse, il a un bracelet électronique. Le go-fast pour les armes est organisé et rate, c’est Ali Polat qui serait à l’origine de ce go-fast raté d’après Willy Prévost. Coulibaly avait acheté des armes « pour les revendre, Coulibaly il m’a dit que c’est un mec du Nord qui l’avait mis en contact avec Polat. Moi je vois à la télé que y’a un indic de Lille, je pense que c’est lui [Claude Hermant] et il a dû dire aux flics qu’un go-fast se préparait et c’est pour ça que Polat s’est fait serrer. » Willy Prévost a été confronté à Ali Polat qui a dit que c’était faux. Willy Prévost dit qu’Ali Polat aussi craignait Coulibaly, il ne faisait pas le malin comme ici au tribunal. Le Président demande si Ali Polat avait un côté radicalisé, Willy Prévost : « Bah il m’a dit le truc fils de pute là, un jour je le ramène en voiture je mets Jul… », le Président : « C’est quoi ? » Willy Prévost : « Un chanteur marseillais, du rap bah il a le droit de pas aimer mais il dit c’est quoi cette musique de fils de pute ? »  Après Willy Prévost explique qu’il ne sait pas trop ce que c’est qu’un terroriste : « Je comprends pas, j’ai de la compassion pour les victimes les trucs comme ça mais moi la religion j’ai pas grandi comme ça, on était tous pareil les rebeus, les noirs, les Chinois. Je veux même pas qu’on me parle d’antisémitisme, je sais qu’on va me poser des questions sur un papier chais pas quoi là pro-Palestine il était même pas ouvert. Chaque jour je me demande comment Coulibaly il a basculé. On dit il a un mentor, c’est lui Coulibaly le mentor, c’est lui qui donnait les ordres, c’était un personnage. » Le Président lui parle du traceur retiré sur la moto. Comment Coulibaly lui a demandé ça ? Willy Prévost : « Nique ta mère vas-y je demande pas je veux pas qu’il me prenne la tête. » L’assesseur lui pose des questions sur la violence de Coulibaly, il ne comprend pas pourquoi Willy Prévost a évoqué le tabassage dont il a été victime au bout de dix gardes à vue. Willy Prévost : « Bah je suis en panique moi on me parle de dix-sept personnes tuées je suis dans la peur » l’assesseur : « Oui les policiers le notent bien, vous pleurez à chaque audition », Willy Prévost : « Y’a dix-sept morts je vais pas dire  hey moi il m’a tapé  en plus. » L’assesseur lui demande pourquoi Willy Prévost n’évoque pas sa conversion à l’islam. Willy Prévost répond qu’il n’est pas converti. L’assesseur avec des pincettes explique que « pourtant votre ex-petite copine en parle, votre entourage aussi. Rassurez-vous, vous avez le droit, je ne vais pas vous demander si vous mangez du porc ou si vous faites des prières. » Willy Prévost : « Je suis pas converti, un de mes frères oui, pas moi. » L’assesseur enfonce le clou, il ne sera pas le seul. La cour vient de passer deux heures à interroger Willy Prévost. Les parties civiles arrivent, une avocate explique qu’en prison Willy Prévost a écrit une lettre à Christopher S. un ami, où il disait « avoir été au courant de tout ». Willy Prévost rigole : « Ok bon ce mec là il avait une nana, il la trompait, elle aussi elle le trompait, il m’a dit qu’il croyait que j’avais couché avec elle, c’est – excusez-moi – une histoire de cul c’est tout. » Elle lui dit qu’elle trouve ça bizarre que l’attestation de son passage aux urgences après le tabassage de Coulibaly soit dans le dossier depuis peu, elle lui demande des comptes. Lui il ne sait pas quoi dire, il a tenté de récupérer le dossier mais comme il n’avait pas de chèque c’était pas possible. Finalement c’est grâce à son avocat qu’il l’a eu. L’avocate lui parle de ses condamnations, il lui dit : « Vous avez grandi où Madame ? Allez voir les quartiers ! Vous avez déjà eu quelqu’un devant votre porte avec une arme ? Vous connaissez pas cette vie-là, allez ! » L’avocate demande des précisions sur une audition de Willy Prévost où celui-ci disait que tout ça « c’était un complot, l’état est derrière tout ça ». Willy Prévost ne se défausse pas : « Oui j’ai dit ça avec les copains. Déjà je parlais des Kouachi, on a vu 15 000 infos à la télé, moi déjà Charlie Hebdo je ne connais pas, même caricature je connaissais pas le mot. Oui au début on n’y croyait pas on a dit c’est un complot. » Willy Prévost continue il explique que « même dans le trou du cul de la France Coulibaly il m’aurait retrouvé. Que oui y’avait des photomatons de moi car on allait peut-être faire une escroquerie. » L’avocate poursuit elle lui parle des gilets tactiques, Willy Prévost en a acheté trois, elle veut savoir ce qu’on met dans des poches de gilets tactiques. Bien sûr elle veut lui faire dire « des chargeurs » et donc il ne pourrait pas dire qu’il ne savait pas, mais Willy Prévost ne se démonte pas : « Mais j’en sais rien moi, jvais pas vous dire il va aller pêcher au lac de Grigny. Moi je vais acheter une brosse à dents, on va s’en servir comme d’une arme et je vais être accusé de ça, c’est bon, c’est mon jour, ça fait 5 ans et demi que j’attends ça laissez-moi m’exprimer… » L’avocate continue mais même les autres parties civiles en ont marre, elle monopolise la parole, le Président est saoulé aussi : « Allez oui BON ON REPRENDRA APRES. » C’est la pause déjeuner.

 A la reprise, l’avocate recommence direct et ça fait des remous dans la salle, mais elle parle d’une photo et je sais très bien ce qu’elle veut démontrer. Lorsqu’on a vu l’album photo présenté à Romain D., le joggeur touché par balle, une photo m’avait sauté aux yeux c’était celle de Willy Prévost. Actuellement il est crâne rasé, pas de barbe ; sur la photo il a des cheveux et une barbe, une barbe apparentée à un islamiste. Je savais que ça allait sortir. La photo est présentée. L’avocate : « C’est vous ? » Willy Prévost : « C’est quoi le problème ? », l’avocate : « Non, rien, j’ai fini, pas d’autre question. » Willy Prévost : « C’est quoi là le problème ? J’ai une barbe et alors c’est interdit ? Allez MDR là arrêtez les conneries. » Un autre avocat lui reparle de sa conversion à l’islam, Willy Prévost redit qu’il n’a jamais été converti : « J’en ai rien à foutre, mon ex elle vient demain vous lui demanderez » l’avocat lui dit : « Très bien je lui demanderai. Lorsque vous achetez le Scénic, la propriétaire déclare que vous lui dites refuser de la voir en petite tenue à cause de votre religion ? » Et là… Willy Prévost : « J’ai pas dit ça déjà désolé j’ai pas envie de dire ça mais elle était DEGUEULASSE, c’est une campagnarde !! Éclatée de chez éclatée, même après 5 ans de taule je la touche pas ! », l’avocat : « Oui d’ailleurs vous dites que c’est une poufiasse. Mais pourquoi tous ces gens mentent alors ? » Willy Prévost : « J’en sais rien, juste si je me serais converti je l’aurais dit, elle c’te crasseuse elle raconte que des salades, ça veut dire que y’a 6/7 millions de musulmans de France là, c’est tous des sales enculés de leur race de terroristes c’est ça ? » Une autre avocate lui repose des questions sur la religion, Willy Prévost tourne le dos et répond : « Chais pas. » à chaque question (très bêtes) et voilà un des avocats de l’Hypercacher, qui a posé des questions sur la photo non diffusée de Coulibaly  par la police : « Moi je vous crois pour la religion. Je veux parler du tract pro-palestinien retrouvé chez vous. » Il lui décrit le tract, reconnaît lui-même que le tract était illisible et dans une enveloppe. On parle d’agression antisémite, de banlieue : « C’est pas le procès de l’islam » mais c’est sa journée visiblement. L’avocat l’interroge sur l’antisémitisme des banlieues, Willy Prévost dit qu’il a déjà répondu ce matin. Me Malka arrive et lui demande pourquoi Willy Prévost a donné son téléphone à Ali Polat le 7 janvier 2015. Willy Prévost répond que c’est Coulibaly qui l’a demandé. Me Malka explique que c’est bizarre de donner un téléphone. Willy Prévost explique que c’était un téléphone à 20 balles sans Internet, il se tourne vers le Président : « J’aurais aimé que mon téléphone il soye entre vos mains pour que vous auriez vu qu’est-ce qu’il y a dedans. » Me Malka : « Nous aussi ! » Puis il l’interroge sur la photo où il a une barbe « sans moustache, comme celle des salafistes en fait. » Par un geste de défi, Willy Prévost retire son masque qui lui cache la moitié du visage et en l’exposant à toute la salle explique : « J’ai une cicatrice là, sur la lèvre, vous voyez, ça pousse pas je vais pas avoir une moustache que d’un côté. » Effectivement il a une très grosse cicatrice au niveau de la moustache de la lèvre et de la joue. Le Président : « Bon on a l’explication ! » Un avocat lui demande pourquoi son surnom c’est « Bourou » ? Willy Prévost hilare : « PFFF quand j’étais petit je mangeais du pain et de la mayo, voilà y’a beaucoup de Maliens ou Sénégalais et pain ça se dit bourou bah voilà on m’appelait bourou mayo, bourou mayo ketchup ». On lui parle de Hayat Boumeddiene. Il dit : « Elle a niqué sa mère elle j’en ai rien à foutre. » On lui demande des comptes sur son café préféré, c’est insupportable, ça donne ça : « Vous allez souvent à ce café ? Tous les jours non ? » Willy Prévost : « Oui c’est ça. » l’avocate : « Et Coulibaly ? » Willy Prévost : « Je sais pas, trois fois par semaine peut être… » l’avocate : « Et vous ? Tous les jours ? » Willy Prévost s’énerve : « Ecoutez, moi je me lève, je vais au café Le Baulieu, je prends mon café 1,40 euros, un paquet de clope 7,40 euros, je fume une clope, après je vais à la boulangerie, j’achète mon pain au chocolat mon croissant, et je galère voilà vous savez tout. » Une avocate lui demande s’il aurait pu tout faire pour Coulibaly. Willy Prévost : « Pas envie de répondre. » L’avocate : « J’ai donc ma réponse. » Willy Prévost : « Non ! Pas du tout ! Mais vous avez déjà vos réponses. »

Et enfin la défense arrive, d’abord l’avocate de Christophe Raumel qui fait juste confirmer à Willy Prévost que son client n’a rien à voir dans cette histoire. Arrive Me Coutant-Peyre, bon assez dure à suivre : « Après un mois hein… je suis la défense, vous êtes influençable… Déjà bon là d’abord voilà moi jveux dire que… c’est INSUPPORTABLE que vous deviez vous justifier sur des tracts pro-palestiniens, enfin on a quand même le droit non ? ET ON VIENT VOUS DEMANDER DES COMPTES, y’a RIEN d’illégal… » Le Président la rappelle à l’ordre, Me Coutant-Peyre éructe : « Mais… eux là ! [Les parties civiles] ils ont parlé des heures ! Je compte bien moi aussi ! Je veux pas finir à 20h30 CA SUFFIT ! Bon vous avez dit que voilà…» Et c’est tout. Du coup Willy Prévost lui dit : « Mais je comprends pas votre question. » PERSONNE ne comprend. Elle continue : « Vous avez dit que bon mon client Ali Polat a participé à un go-fast raté. Enfin vous mentez non ? Vous dîtes ce que la police vous a dit de dire. En plus BON alors voilà Coulibaly bon ben il est reçu par Sarkozy à l’Élysée, il a changé de personnalité non ? Il était un bon employé de Coca voilà ça l’a renforcé comme caïd ? » Willy Prévost « Euh je crois pas que rencontrer Sarkozy renforce un caïd. » La salle est hilare comme jamais, même Me Coutant-Peyre rit fort, d’ailleurs elle dit : « On rit un peu ! » Elle reparle des bornages téléphoniques, Willy Prévost lui dit : « A quel endroit j’ai borné ? » Du coup elle répond : « Euh le magasin ferme à 18h30. » C’est ubuesque ! Ali Polat s’en mêle, Me Coutant-Peyre se tourne vers lui : « Arrêtez de parler comme ça OU JE VOUS LAISSE TOMBER ! BON EUH vous affirmez des choses, enfin mon client est en prison quand même !! » « Et moi ??? Moi aussi je suis en prison ! » Et enfin l’avocat de Willy Prévost arrive, Me Hugo Lévy, il est très bien, il démonte un à un : la conversion à l’islam qui est fausse, le témoignage de la  poufiasse campagnarde , il évoque un rapport de prison (le rapport QER-quartier d’évaluation de la radicalisation) où des experts ont étudié Willy Prévost pendant 15 semaines : il n’est ni radicalisé, ni incohérent, tant et si bien qu’à la sortie de cette étude il est placé en « détention classique » donc pas à l’isolement du tout. C’est un détenu modèle. Il lui dit : « Au début du procès, Al-Qaïda a de nouveau menacé Charlie Hebdo, et a dit aux accusés d’être patients. Vous vous souvenez de ce que vous m’avez dit ? » Willy Prévost spontanément : « Oui j’ai dit que normal qu’ils se fassent bombarder  leurs mères ces fils de pute. » Me Lévy : « Bon euh là vous le dites avec le cœur mais vous m’avez dit Qu’ils me laissent être jugé.» Il lui pose des questions sur la France. Est-ce qu’il aime son pays ? Willy Prévost ADORE la France plus que tout. Me Lévy démonte l’amitié de Willy Prévost et Coulibaly avec des écoutes téléphoniques ; sur un mois Coulibaly a envoyé plus de vingt SMS à Willy Prévost qui n’a jamais répondu. Et c’est la fin. Quasiment six heures d’interrogatoire.

La famille de Willy Prévost va venir témoigner, un an qu’il ne les a pas vus, ils vont se retrouver ici, masqués, dans un tribunal, un fils dans le box, un parent à la barre. C’est la maman qui arrive en premier, elle a l’air complètement shootée, je ne peux pas retranscrire ce qu’elle dit car elle répond à côté de la plaque tout le temps et dit qu’elle a oublié. Elle hausse les épaules quand le Président lui dit de parler de son fils, elle dit qu’il est gentil et doux. Elle ne le sait pas mais elle va charger son fils : elle explique qu’elle savait que Coulibaly avait été condamnée pour terrorisme, c’est Willy Prévost qui lui a dit, ce que Willy Prévost a toujours nié. Elle dit qu’elle ne sait pas trop pourquoi Willy Prévost est en prison, qu’ils ne parlent pas de ça. Dans mon monde ça me parait dingue, dans leur monde qui se dessine tout au long de la journée je le conçois parfaitement. A la fin Me Lévy évoque l’AVC qu’elle a eu comme pour nous signifier que celui-ci est à l’origine de la perte de mémoire de la maman. Du coup je ne comprends pas trop l’intérêt de faire venir une personne avec de telle séquelle. En partant elle fait un petit coucou à Willy Prévost puis le papa arrive, énergique. Direct il dit : « Mon fils, c’est un nounours », il n’y va pas par quatre chemins : « J’ai eu un problème, j’étais alcoolique à un moment, j’avais plus d’argent alors Coulibaly il m’a demandé de faire la cuisine de sa maman, j’avais besoin d’argent pour l’alcool j’ai dit ok. » Le Président lui demande s’il a été payé pour ça ? Le père de Willy Prévost : « Non il me devait 250 euros. » Le Président, assez lunaire : « Ah alors ça voyez euh en islam on ne meurt pas avant d’avoir payé ses dettes, c’est un manquement ça. » A deux doigts de nous demander si on pensait que du coup Coulibaly était bien avec 72 vierges. Le papa se fait interroger par les parties civiles et c’est n’importe quoi : on l’interroge sur sa virée à Ikea avec Coulibaly (pour la cuisine) : « Est-ce que Coulibaly a pris autre chose ? Regardé d’autres rayons ? » Le papa dit non, ils ont pris « des planches et basta ». Il aurait pris un paquet de Daims ça aurait changé ce procès. Le père s’en va, clin d’œil au fiston et coucou de la main. Il y avait quelque chose d’assez ahurissant à entendre ce père raconter une virée à Ikea 8 jours avant que Coulibaly assassine des gens… La sœur et le frère arrivent. La sœur est apeurée, on dirait Charlotte Gainsbourg quand elle reçoit le César en 1986, elle dit qu’il est doux, protecteur, gentil. Elle a 32 ans, au bord des larmes tout le temps, l’audition est aussi très compliquée, elle n’arrive à rien dire, je crois avoir compris qu’elle était malentendante. Elle s’en va, elle fait un sourire à Willy Prévost qui retire son masque pour le lui rendre. Le petit frère arrive, il est nonchalant, il doit dire « Balleck » à chaque phrase, il ne dit pas grand-chose de plus il est énervé d’avoir fait 500 km pour venir. Le Président lui dit juste qu’ici « c’est pas un plateau de télé ». Il s’en va, il fait aussi coucou à son frère et dit « wallah » en marmonnant. Demain c’est au tour de Christophe Raumel d’être interrogé. Moi aujourd’hui j’ai été convaincue par Willy Prévost, le premier.

M Écrit par :

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.