« Les gens en face ce sont des grosses merdes » « ALI POLAT TAISEZ VOUS ! »

Mardi 15 septembre 2020. 7ème audience.

Vendredi, à l’issue des témoignages des victimes et des familles de victimes, les accusés ont pris la parole pour dire leur ressenti. Tous ont exprimé des condoléances avec leurs propres mots, même Ali Polat. Willy Prévost a dit que c’était dur à voir les photos de chez Charlie. Ali Polat s’est excusé de son comportement : « Je vais essayer de dire la vérité, je vais dire la vérité. » Amar Ramdani a parlé de « l’intelligence du témoignage de Sigolène Vinson », il s’est excusé de citer son nom. Il cite même le poème de Boris Vian « Ils cassent le monde ». Hier l’audience était consacrée à la mort du policier Ahmed Merabet, je n’ai pas voulu y aller, j’ai le planning officiel et je voulais me consacrer sur d’autres audiences et entendre encore des témoignages de famille était devenu trop douloureux je ne peux plus entendre l’amour, le manque, la peine, les pleurs, la mort.

Ce matin était consacré à la fuite des frères Kouachi avec l’audition de Monsieur Nicolas G., commissaire et membre du SDAT (sous-direction anti-terroriste). C’est aussi le jour où Ali Polat est censé « tout nous révéler », il tease ça depuis le début. Le commissaire G. arrive et va commencer son audition qui va durer presque sept heures. Au début c’est un peu rébarbatif. Il explique comme le commissaire D. (qui avait expliqué la chronologie des faits) comment s’est formé son travail. Il reviendra plus tard pour parler de l’enquête. Le commissaire G. est concis et explique bien les faits et du coup très peu interrompu. Il explique que le 7 janvier 2015 peu avant midi la section anti-terroriste est saisie. Tout comme la DRPJ (Direction régionale de la police judiciaire et de la préfecture de Paris), la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) et la DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire) la SDAT appartient à la DCPJ. La SDAT a trois missions : trouver l’organisation des moyens, rechercher les assaillants, et l’investigation entre les faits. Il rappelle le contexte : « L’enquête a été très médiatisée, sur Internet aussi, ces attentats sont le point de départ d’une période très éprouvante pour nous. Entre 2015 et 2019, 52 attentats seront commis contre les Français, 33 en France, 19 à l’étranger. A chaque fois ce sont les mêmes enquêteurs. » Il explique que le plan attentat déclenché a été créé en 2005 suite aux attentats de Londres : « Chaque capitale européenne s’est préparée, il fallait faire face à une crise terroriste majeure, des attaques multiples, un impact massif. »  A deux reprises ce plan est déclenché, le 7 janvier donc et pour les attentats du 13 novembre 2015. « C’est un plan qui sert de socle pour l’organisation de l’enquête. » Le 7 janvier 2015 lors du déclenchement du plan attentat, tous les enquêteurs doivent venir peu importe où ils sont ou s’ils sont en vacances. Il y a la coopération internationale et la police technique, et la police scientifique, tout le monde est mobilisé. Il explique : « Il y a trois pôles : le pôle enquête, le pôle renseignement et le pôle coopération internationale. Le pôle enquête par exemple c’est cinq axes : auteurs/complices, victimes, témoins, police scientifique, police technique. Nous avons fait 2400 PV, on a eu 2182 scellés, 20 000 feuillets, il faut savoir prioriser le traitement des infos et c’est très long. 61 interceptions, 40 géolocalisations, 400 témoins, c’est une enquête hors norme. Le deuxième pôle avec les renseignements, on a deux outils spécifiques pour un attentat : d’abord la ligne verte avec 35 postes de téléphone, derrière chaque poste un enquêteur, nous avons eu 5122 appels, il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Puis il y a le site Internet dédié, nous avons eu 244 signalements car le jour même nous avons été piratés. Le pôle renseignement par exemple a reçu comme info que les frères Kouachi avaient été aperçus : dans le TGV Bordeaux/Strasbourg, dans les Pyrénées, à Reims, dans le bus. A chaque fois on doit vérifier, ça peut être vrai, mais par exemple le 10 janvier la logeuse de Coulibaly nous a indiqué où il vivait grâce à ce service-là. Le pôle coopération international quant à lui nous a permis d’avoir 400 messages pour entre autres la traçabilité des armes. C’est une course contre la montre qui commence. La cybercriminalité bascule en fonction 24/24, il y a eu 23 000 signalements, notamment la vidéo de l’assassinat de Ahmed Merabet, il faut retirer la vidéo. »

Voilà les bases des différents services. Le commissaire G. dit tout ça sans aucune note, il se souvient de tous les noms, les heures, les dates, les noms des villes, des gens, il a une mémoire et une précision assez incroyable. Il explique deux axes : le premier est l’« axe Mourad ». En fait « Mourad » est un prénom que les frères Kouachi ont prononcé, Coco à Charlie Hebdo l’a dit, donc ils doivent chercher si un troisième homme était présent. Très vite ils identifient Mourad H., le beau-frère de Chérif Kouachi. Le deuxième axe est d’exploiter les différents renseignements qui sont remontés. Ils ont comme axe de géographie, Reims et Charleville-Mézières, une équipe est dépêchée là-bas. Huit gardes à vue sont effectuées sur la famille de Chérif Kouachi. En fait « Mourad » se présente spontanément à 23h le 7 janvier au commissariat de Charleville-Mézières. Mourad est lycéen, en S., on fait une perquisition chez lui, il parle de son rapport à la religion, il est « modéré », il admet avoir regardé des vidéos de propagande mais « ne reconnait pas le califat ». Il n’a pas été choqué des caricatures de Charlie. Les enquêteurs doivent comprendre pourquoi son prénom a été prononcé par les Kouachi pendant l’attaque à Charlie. Était-il à Paris ? Non, il était au lycée, les profs de maths et de philo sont interrogés. Après il est allé faire les soldes, puis une leçon de conduite. Il a appris que son nom circulait, il se rend à la police. Sa garde à vue se termine le 9 janvier, il est innocent mais son comportement « intrigue » les enquêteurs. Ils se rendent compte qu’il a effacé son ordinateur juste avant de se présenter chez les flics, qu’il utilise Skype, jamais son téléphone, qu’il administre une page Facebook sur l’islam radical et le djihad. Il est décidé de le surveiller pendant de longs mois pour « voir son évolution ». Sa sœur fin 2016 le déclare disparu : Mourad est parti pour l’État islamique, il est en Turquie. Interpelé par des Bulgares avec le matos pour aller en camp d’entraînement, il est condamné en 2019 à 9 ans de prison. En fait on apprendra que « Mourad » est un surnom donné à Coulibaly qui se fait aussi appeler « Dolly ». Autre garde à vue : Tarek B., aussi beau-frère de Saïd Kouachi. Il a des propos mesurés sur l’islam, il a été choqué des caricatures. Le 7 janvier il est allé faire les soldes en Belgique. La dernière fois qu’il a vu Saïd Kouachi c’est le 2 janvier 2015. Le 11 janvier un repas de famille était prévu. Il a éteint son téléphone du 30 décembre 2014 au 7 janvier 2015. Il a été surveillé après sa garde à vue et a été replacé en garde à vue en Juillet 2018 car il avait des liens avec deux accusés : Miguel Martinez et Abdelaziz Abbad. Tarek en fait a présenté à Saïd Kouachi Abbad et Martinez. Aicha, la sœur, est aussi placée en garde à vue. Elle voulait vivre au Qatar car en France elle ne peut pas pratiquer sa religion. Aicha raconte que quelques jours avant le 7 janvier, elle et Saïd ont regardé une émission sur D8 consacrée à Dorothée, dedans était évoqué « Cabu » dessinateur du Club Do’, ils ont fait quelques recherches « à titre informatif sur Youtube ». Elle explique que Saïd a un gros problème aux yeux [ndlr: depuis le début on parle de ça, Saïd Kouachi ne voyait pas à un mètre, il est le suiveur, incapable de mener comme son frère] il a un keratocone. Elle explique que Saïd et Chérif étaient fusionnels comme un couple. Et enfin Farid Benyettou est évoqué mais comme si tout le monde savait qui c’est, vite fait : Farid Benyettou était un prédicateur islamiste, il a été dans l’affaire des filières irakiennes des Buttes Chaumont. Depuis il a renié son islamisme et a été parfois invité à la télé ou il disait « je suis Charlie ». On évoque juste son nom à ce moment-là, on y reviendra. La femme de Saïd Kouachi est aussi placée en garde à vue. Elle se montre pas du tout coopérative et explique que son mari a une gastro. Elle dit que son mari a 1/10 à un œil, et 1,5 à l’autre. Le commissaire : « Voilà la première séquence sur laquelle nous avons travaillé. »

Le Président pose des questions sur l’environnement familial des frères Kouachi et sur la santé de Saïd Kouachi. En fait « on n’a rien. Pour Coulibaly on le verra par la suite on a un nombre très important d’informations, pour les Kouachi on n’a rien. Ils ont eu ce projet clandestin, en fusion entre eux deux. » Le Président évoque le lance-roquette des Kouachi, qu’ils n’ont pas utilisé chez Charlie. Le commissaire continue : « L’enquêteur viendra vous expliquer mieux que moi mais oui c’est ça, il y a un lance-roquette qui n’est jamais utilisé. » On perd la trace des frères Kouachi le 7 après qu’ils abandonnent leur véhicule C3 dans le 19ème. On les retrouve le 8 janvier, entre temps il s’est passé quoi ? « C’est le problème, Monsieur le Président, une fois qu’ils prennent la porte de Pantin, ils quittent Paris et donc la vidéosurveillance, il faut attendre le 8 au matin avec le braquage de la station essence pour savoir où ils sont. » Quinze minutes de pause.

Au retour Me Coutant-Peyre demande quelque chose : « Écoutez, le commissaire a une mémoire extraordinaire, il dépose sans note mais il parle beaucoup trop vite ! » Le Président rit un peu : « Oui bon c’est entendu. » On continue la fuite des Kouachi.  Le 8 janvier au matin la SDAT apprend qu’un braquage a lieu à Vauciennes, une équipe de gendarmes se rend sur place « la brigade de gendarmerie de Soisson ». Les frères Kouachi ont laissé leur voiture dans le 19ème à Paris, là ils ont volé une voiture une Clio grise le 7, puis le 8 janvier ils braquent une femme et lui volent sa voiture, une 206, elle les trouve « courtois » elle n’a « pas eu peur » mais a été « choquée », elle croyait qu’ils étaient des gendarmes au début. Ils arrivent à la station-service, il y a l’employé et un touriste allemand venu faire le plein du camping-car qui ne parle pas français. Ils sont visage nu, ils demandent à l’employé : « Tu nous reconnais ? T’inquiète on va rien te faire on veut des sacs poubelles. ». Ils volent aussi de la nourriture, le braquage dure moins de deux minutes, ils demandent à l’employé d’appeler les flics cinq minutes après leur départ. L’employé contactera la police « immédiatement après ». Les enquêteurs font des hypothèses : si les frères Kouachi volent de la nourriture, c’est qu’ils n’en ont pas ailleurs donc potentiellement pas de lieu de repli, ni de complice. Les enquêteurs écoutent les témoins qui disent que d’après eux, les Kouachi avaient l’air de « sortir du bois ». Le 9 janvier la Clio sera retrouvée embourbée, dedans on retrouvera des cagoules, des armes et « trois ADN ». Le commissaire dit : « Cet ADN inconnu est déjà sur la plaque d’immatriculation de la C3 abandonnée dans le 19ème. » Cet ADN, Me Coutant-Peyre va même nous donner son nom en fin de journée.

Le Président évoque la façon dont les frères Kouachi se montrent aux gens qu’ils braquent. Le commissaire : « Qu’est ce qui était prévu après ? On s’est posé la question. Pourquoi ils ne sont pas restés à Charlie Hebdo, avec le lance-roquette en plein Paris, avec une fusillade, eux qui voulaient mourir en martyrs ça aurait été plus fort que dans une imprimerie. Là ils s’évadent, dans la voiture on retrouve des menottes, des couvertures de survie, donc ils pouvaient tenir. Qu’est ce qui devait arriver après ? Qu’est ce qui n’a pas marché ? Peut-être le plan attentat a réduit leur champ d’action. Pourquoi aller ensuite à l’imprimerie ? On ne sait pas, on peut faire juste des hypothèses, à ce moment-là c’est la seule entreprise ouverte, il y a de la lumière. » L’avocate générale veut savoir combien de kilomètres les frères Kouachi ont parcouru en tout ? A peu près 160 km. Les parties civiles posent des questions plutôt bêtes. Un avocat demande : « Et Mourad ? Vous voulez pas savoir qui c’est ? » Le commissaire : « Mourad est un surnom donné à Coulibaly, je l’ai dit lors de mon récit. » L’avocat continue, il a déjà posé des questions à d’autres, il est l’avocat de gens de l’Hypercacher alors il ne parle que de ça, il ne comprend pas pourquoi on n’a pas « mis le paquet sur Coulibaly » avant l’attentat de l’ Hypercacher. Le commissaire répond que pour ça il faut trouver un point d’accroche et qu’au début d’autres gens sont soupçonnés. L’avocat continue : « Mais excusez-moi mais enfin, dans la filière des Buttes Chaumont il y a DEJA Kouachi. Kouachi dit même qu’ il veut faire exploser des synagogues et des commerces juifs du 19ème arrondissement. » Le commissaire lui répond qu’il ne peut pas lui répondre, son service ne s’occupait pas de la filière des Buttes Chaumont, ça n’était pas de « l’anti-terrorisme ». La partie civile revient sur Farid Benyettou : « Est-ce qu’il bénéficie d’une impunité ? Et pourquoi ? » Le commissaire explique que « non, pas du tout, nous avons enquêté et rien obtenu de probant sur lui ». On y reviendra. L’avocat : « En Octobre 2014 Farid Benyettou effectue un appel aux frères Kouachi dont il dit s’être éloigné, Kouachi voulait incinérer des synagogues, il n’avait besoin que de l’aval de son mentor… Il considérait Benyettou comme son mentor et quelques semaines après cet appel il y a les attentats et vous nous dites que rien ne justifie son implication ». Ils évoquent aussi  Djamel B., un djihadiste très connu. « Ma position d’enquêteur ne me permet pas de vous répondre, le renseignement c’est à la DGSI. » [Djamel B est le père spirituel de Coulibaly, il n’est pas accusé dans cette affaire.] C’est la pause, mais avant ça une avocate de la défense explique que cet après midi elle ne sera pas là et elle a des questions et donc : « C’est possible de basculer le protocole pour que je pose des questions maintenant ? » « Euh, non. » dit le Président qui a la dalle.

Retour d’audience et heureusement car Jipé faisait des imitations de Nabilla et évoquait ses chocolats préférés : le gâteau au chocolat, la mousse au chocolat, le biscuit au chocolat. Puis il évoque son non remboursement d’Intermarché (6 euros). Retour à l’audience et qui arrive ? Me Coutant-Peyre qui commence très bien l’après-midi : déjà elle n’est pas contente les micros sont trop hauts « enfin au moins on a plus à se prosterner », elle reprend le commissaire sur son débit de parole et commence « par une question que tout le monde se pose Monsieur… Quel est le budget de tout ça ? » Consternation dans la salle, le commissaire lui répond : « Ça ne m’intéresse pas et ne me concerne pas. » « Enfin, c’est soi-disant un procès historique avec un grand H, on peut savoir les choses non ? Comment ça a pu arriver ces évènements ? La surveillance des frères Kouachi s’arrête en juin 2014, vous étiez au courant ? » « Non, chère Madame, c’est à la DGSI qu’il faudra demander ça. » Me Coutant-Peyre totalement larguée : « Alors euh bon ça aussi je suppose que vous le savez pas : en 2012 Chérif Kouachi se rend euh euh en entrainement euh avec Al-Qaïda enfin toutes ces organisations je sais pas quoi là bon c’était en 2012 » Le commissaire, même à travers le masque on sent qu’il se force à sourire de ouf : « C’était en 2011 en fait Madame, du 25 juillet au 15 août, ça a été versé par la DGSI dans le dossier. » Me Coutant-Peyre : « Au-delà des dégâts y a une utilisation du fond public, enfin bon… Coulibaly lui il est pas surveillé car c’est un braqueur c’est ça ? » « Oui c’est ça, mais je n’ai jamais appartenu au service renseignement vous savez. » Me Coutant-Peyre à deux doigts de péter un boulard : « Donc vous me dites que c’est pas à vous de me répondre ? » Ma salle d’une seule voix : « BAH NON OHLALA CELLE LA HEIN » Elle évoque l’ADN inconnu, elle dit « La ADN, alors la ADN euh donc la ADN M14 voilà ! » et dit que son client Ali Polat souhaite s’exprimer et là… je suis désolée mais Ali Polat parle avec la frénésie de celui qui n’a pas le droit de parler et il commence à raconter une histoire qui n’a rien à voir. En gros : pourquoi il est là ? Car quelqu’un l’a balancé car Ali Polat s’apprêtait lui-même à le balancer. Le Président lui dit : « Monsieur Polat, vous vous adressez à la cour et la cour pose la question à Monsieur le commissaire. » Ali Polat : « Ouais scusez m’sieur le président alors moi CQUE JVOULAIS SAVOIR LA c’est qu’est-ce qu’il a dit sur Tarek hein ? » Le Président : « Monsieur Polat, dans la déposition du commissaire à aucun moment nous n’avons évoqué votre nom. » Le commissaire confirme. Ali Polat : « DEMANDEZ LUI CA, est ce que je fréquente des islamistes hein ? » Le commissaire : « Suite aux enquêtes le nom de Monsieur Polat sort à l’issue de la GAV de Monsieur Prévost. Le nom de Monsieur Polat n’était pas connu au départ.» Le Président : « Oui, au début y’a même un surnom pas très beau, je dirais, votre nom est sorti assez tard, oui… un surnom un peu particulier » [ndlr : le surnom c’est « Baloche ».] Ali Polat, en roue libre : « HEY ! Moi ça fait 5 ans chuis là en taule un jour jvais vous dire m’sieur le Président vous inquiétez pas voilà comment que ça se passe cette affaire un jour y’a un gars c’est [je ne retranscris pas le nom] c’est un PAKISTANAIS CE MEC NOTEZ CA, je le connais, un jour il a tué un petit dans la cité comme ça je vais tout balancer » Le Président : « Écoutez Monsieur Polat vous nous parlez d’une autre instruction qui est en cours. D’ailleurs on peut procéder à des versements au dossier mais sur une enquête en cours c’est compliqué. Mais Monsieur le commissaire de la SDAT ne sait rien sur ça inutile de l’interroger, là nous parlons de la fuite des frères Kouachi. » Me Coutant-Peyre, en mode yolo : « EUUUUH avec votre truc rouge là d’attentat [ndlr : elle veut dire le plan attentat] la SDAT vous savez pas, quoi, vous savez rien. » Le commissaire : « Je vous explique que le nom de Monsieur Polat est sorti avec l’audition de Monsieur Prévost, que l’histoire dont il parle actuellement je ne la connais pas. » Ali Polat : « Moi je veux ça, je veux que ce soit déclassifié c’est la cote D8486, parce que ce mec-là [le Pakistanais] et BEN C’EST UN INDIC DU SDAT VOILA, il m’a volé beaucoup d’argent mais quand il a tué le petit là j’ai dit c’est fini, et c’est simple voilà les noms de toutes les personnes… » Il balance cinq, six noms que bien sûr je ne retranscris pas. Ali Polat continue : « C’est comme l’ADN là sur la bagnole… Je vais vous dire moi, les accusés en face de moi sont des GROSSES MERDES BANDE DE MYTHO BALANCES » « ALI POLAT TAISEZ-VOUS ET CALMEZ-VOUS » hurle enfin le Président qui se fait couper la parole par un accusé depuis vingt-cinq minutes. « Il n’y a aucun lien ! Vous parlez d’une autre affaire, et l’ADN inconnu c’est pas le vôtre, maintenant CA SUFFIT. D’ailleurs répondez : est-ce que vous connaissez les frères Kouachi ? » « Non  moi jvous dis la vérité, la vérité c’est vrai j’avais prévu de braquer un fourgon blindé, je le pistais, j’avais les armes pour ça, pas pour tuer des gens, les armes que ces gens-là ont utilisées, si je les aurais je serais parti faire des braquages, MOI JE VEUX FAIRE DES BRAQUAGES je faisais des escroqueries et je me suis fait attraper bande de branquignols là » La salle est hilare vraiment. Le Président : « Ali Polat il y a encore deux mois de procès ! » Ali Polat continue : « Est-ce que cette personne [le commissaire de la SDAT] va revenir le jour où on parle de MOI ? C’est ça ouais, ils couvrent leurs indics. » Me Coutant-Peyre : « En fait il y a des gens qui ont été entendus et ça a disparu du dossier. » Ali Polat : « Pour deux enculés je suis là moi ! » Fin de cet épisode assez incroyable ou un accusé a pris le contrôle du procès devant un Président passif, et une salle hilare. Ali Polat se rassoit tranquille.

On continue la fuite des frères Kouachi vers l’imprimerie où travaillent Michel Catalano et Lilian L. Ce jour-là, les frères Kouachi rentrent dans l’imprimerie, le patron Michel Catalano les voit quelques secondes avant et ordonne à Lilian L. son employé d’aller se cacher. Il ira se cacher sous l’évier dans un placard de 1m10 sur 40 cm pendant huit heures. Michel Catalano offre un café aux frères Kouachi qui lui demandent s’il les a reconnus. Il appelle le 17 sur ordre des Kouachi, des gendarmes arrivent [ils sont… deux !], les Kouachi croient que seul Michel Catalano est présent. Une fusillade éclate entre les deux gendarmes et les Kouachi, Chérif  Kouachi est blessé, Catalano lui fait un pansement. Catalano est autorisé à quitter les lieux, il est resté avec les Kouachi une heure et demie, il reste Lilian L. dans son placard. D’autres gendarmes arrivent ainsi que le GIGN. Au même moment Coulibaly est à l’Hypercacher, deux actions vont être coordonnées en même temps. Chérif Kouachi téléphone à BFMTV, un journaliste recevra deux appels, il enregistre le second. On l’entend.

Chérif Kouachi : « Allo tu es BFM ? Tu veux savoir quoi ? Nous on a vengé le prophète et moi je suis l’envoyé d’Al-Qaïda au Yémen. »

Le journaliste : « Depuis quand ? »

Chérif Kouachi : « Euh depuis longtemps. »

Le journaliste : « Là vous n’êtes que deux ? »

Chérif Kouachi : « C’est pas ton problème. »

Le journaliste : « Vous comptez tuer d’autres gens ? »

Chérif Kouachi : « Tuer qui ? On a tué personne, pas de civil, pas de femme. »

Le journaliste : « Vous avez tué des journalistes. »

Chérif Kouachi : « On est pas des tueurs, on s’est défendus, on est pas comme vous, c’est vous qui tuez les enfants musulmans, nous on a un code d’honneur. »    

 Le journaliste : « Vous vous êtes vengés. »

Chérif Kouachi : « Tu vois c’est toi qui le dis c’est pas moi c’est toi. »

Le journaliste : « Vous allez vous venger encore ? »

Chérif Kouachi : « Allez salut. »

16h50 : les frères Kouachi sortent de l’imprimerie, 16h56 : les frères Kouachi sont « neutralisés », morts, 17h12 : Amedy Coulibaly est neutralisé aussi. Le commissaire explique l’enquête sur les armes et les gilets pare-balles, un « travail de fourmi ». Les questions, la défense en a… Me Coutant-Peyre en a : « Bon euh y’avait combien de gens, là ? Jsais pas vous parlez du GIGN,  le RAID aussi non ? Je sais pas, ça fait combien ? » Le commissaire : « Je ne suis pas le GIGN je peux vous apporter les différents éléments sur les armes utilisées mais pas le nombre, je sais que par terre on a retrouvé 80 étuis » Me Coutant Peyre : « Un truc euh… m’interpelle. Vous avez fait un très beau récit littéraire Monsieur, vous nous dites que les Kouachi sortent les armes à la main prêts à en découdre, vous dites aussi qu’ils voulaient mourir en martyr, et donc vous… vous, vous leur faites ce plaisir-là… Vous les tuez, et comme ça ils meurent en martyr c’est un peu… étrange, non ? Il n’était pas possible de les attraper vivants ? » Le commissaire, très patient : « Ils sont sortis les armes à la main. Je n’ai pas à me prononcer sur les méthodes du GIGN. » Elle lui cherche encore quelques noises et c’est la fin.

Le Président demande à chaque accusé de se lever et de répondre à cette question : « Connaissiez-vous les frères Kouachi ? » C’est la première fois que je les vois tous parler, je suis super curieuse : Miguel Martinez ne les connait pas « et ce que Polat il a dit t’a l’heure pfff moi je suis droit dans mes bottes, que la lumière soit faite, c’est petit et minable ce que tu as fait c’était inutile », Willy Prévost ne les connait pas non plus, Abdelaziz Abbad : « Je les connais pas, peut-être je les ai aperçus 10 minutes. », Metin Karasular : «  Je les connais pas, j’ai connu Coulibaly qui est venu dans mon garage. », Michel  Catino : « Non je les connais pas. » La salle rit, ils ont tous des têtes de pied nickelés en vrai. Ali Polat : « DECLASSIFIEZ LES DOCUMENTS.» La salle se gondole, même moi, le mec derrière moi tape même dans ses mains.  Amar Ramdani : « Je ne les connais pas. » Saïd Maklhouf : « Je ne les connais pas. » Mohamed Farès : « Je les connais pas et je voulais dire aussi que le témoignage du Monsieur de la SDAT était très clair. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Connais pas. » Christophe Raumel : « Je les connais pas. » Donc personne ne les connait. « Bien. » dit le Président. « Une pause et après je lis les dépositions des témoins de la fuite des Kouachi. » Moi je pars, demain j’y retourne avec les témoignages des gens de la station-service et l’imprimerie et un scoop sur Ramdani. 

M Écrit par :

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