« J’ai perdu 7 centimètres en hauteur à cause des balles dans la COLONNE VERTEbrale »

Mercredi 9 septembre 2020. 5ème audience.

Hier en quittant la salle d’audience, il s’est passé quelque chose. Lorsque je suis sortie il y avait une file d’attente pour pouvoir rentrer dans la salle, une dame estampillée Charlie pétait les plombs : « C’est un scandale, y’a qu’en France qu’on voit ça ! ». Elle a cousu des badges « Je suis Charlie » sur son sac, elle a l’autocollant « Je suis Charlie », elle a le porte-clef, elle exige de rentrer, le pauvre gars à l’entrée lui dit que c’est complet, elle gueule : « Mais regardez la dame là, elle c’est une rescapée et vous la laissez même pas rentrer. » (Elle aurait été une VRAIE rescapée elle serait allée dans la salle des victimes. Ça devait être juste une meuf qui sortait du métro au moment où…). Je dis au mec que je me tire « définitivement pour aujourd’hui, quelqu’un peut prendre ma place », du coup le mec dit à la meuf Charlie : « Vous laissez passer la rescapée Madame ? » « ET PUIS QUOI ENCORE NON C’EST MON TOUR ». Bref, ce matin c’est la suite des auditions des blessés de l’attentat à Charlie.

L’assesseur a l’air aussi crevé que moi, lui avec ses bracelets de force et ses bagues, il a dû passer la nuit en boîte. Me Coutant-Peyre prend la parole : « Écoutez Monsieur le Président, la durée des auditions c’est pas possible. Certes on est très émus par les témoins mais personne ne tiendra le coup en dormant si peu. Il faudrait synthétiser. » Le Président : « Il est absolument hors de question de synthétiser Maître, tout comme vous aurez tout le temps dont vous avez besoin, les témoins peuvent dire ce qu’ils veulent. J’ai conscience de l’intensité des débats [hier ça s’est fini à 20h30]. Je ne me vois pas dire à des témoins d’abréger, il y a une décence à avoir. » La partie civile s’exprime : « La demande de Maître Coutant-Peyre est indécente, il n’est pas question de brider les témoins, la parole sur l’indicible, il n’est pas question de synthétiser quoi que ce soit », les autres avocats de la défense se désolidarisent de Me coutant-Peyre qui dit : « Qu’on ne se méprenne pas, j’ai une infinie compassion pour les victimes. » On en doutait réellement.

Simon Fieschi vient livrer son témoignage, il est la première personne touchée chez Charlie. Il a mon âge, il arrive avec une béquille et se déplace difficilement, on lui propose une chaise mais il tient à « témoigner debout ». Il était webmaster à Charlie Hebdo depuis 2012. Il commence : « Je serai plus bref que mes collègues, pour ceux qui ont vu la vidéo, moi j’ai refusé, vous savez que ça a été très vite pour moi. » Il se souvient de la porte d’entrée qui s’ouvre, il voit les Kouachi, il perd connaissance, il se réveille et n’arrive pas à respirer. Il lui est « impossible d’estimer le temps ». Il entend : « Oh merde, Simon ! » mais il ne comprend pas. Ses collègues tentent de le maintenir conscient, il se souvient d’avoir posé des questions : « Est ce que ça va ? », on ne lui répond pas mais il comprend en voyant les visages que non ça ne va pas. Il ne sent pas ses jambes il ne sait pas pourquoi mais : « Je sais que c’est pas bon signe. » L’image qu’il garde c’est les traces des pas dans le sang partout par terre. Il est amené à l’hôpital, il est conscient mais pas trop, il cherche le numéro de sa mère. A l’hôpital on le plonge dans le coma pour sept jours : « Mon 7 janvier s’arrête là. » Il va apprendre ce qu’il s’est passé le 7, 8 et 9 janvier plus tard et la manifestation du 11 janvier encore plus tard. Simon Fieschi a reçu deux balles, une dans le cou à gauche et qui est ressortie vers l’omoplate, une balle a touché la colonne vertébrale, ça a comprimé la moelle épinière. Il est là car il veut :  « Témoigner de ce que c’est que de recevoir des balles de kalash, des balles d’armes de guerre. » Il passe cinq semaines en réanimation, il part en rééducation après, il a les côtes brisées, l’omoplate explosée, il est tétraplégique à partir du torse [ndlr :  ça a un nom spécial je n’ai pas retenu]. Encore aujourd’hui il est en rééducation, à vie pour ne pas perdre ses progrès. Il se dit : « tiraillé, je n’ai pas envie d’offrir ma douleur à ceux qui me l’ont infligée mais je ne veux pas la cacher. » Il parle de trois types de séquelles. Les séquelles physiques : sa tétraplégie est devenue partielle, il tient debout, il a du mal à marcher et a les jambes qui tremblent. Il dit : « J’ai perdu sept centimètres de hauteur à cause de la balle au niveau de la colonne vertébrale, j’ai rétréci. » Les séquelles sensorielles : il n’a plus de sensibilité à beaucoup d’endroits du corps. Il a aussi perdu en motricité des mains : « Par exemple je ne peux plus faire de doigts d’honneur et ça m’embête beaucoup. » Et puis il y a les séquelles psychologiques. Comme tous les autres il est angoissé. « Parfois je racle le fond » il dit. Il essaie de « voir le verre à moitié plein, je suis vivant », il parle de son « devoir de survivant de témoigner ». Il a le vocabulaire des gens qui sont restés très longtemps à l’hôpital, une terminologie médicale, impossible à retranscrire ici. Il est très pudique quand il parle, il s’arrête entre chaque phrase. Il témoigne à peine trente minutes pour dire sa vie. Il n’est pas interrogé (le seul jusque-là), son avocate lui dit juste : « Simon, pas de question, juste merci. »

Le deuxième témoin arrive avec un témoignage différent des précédents, c’est Fabrice Nicolino, ex grand reporter, il bosse à Charlie Hebdo depuis 2009. Un grand gaillard, il arrive aussi avec une béquille, sur son tee-shirt il a une cocarde rouge on dirait une tulipe. Il se dit « journaliste écolo » et ça se voit ! Lui il ne veut pas trop causer, il dit : « Pfffff qu’est-ce que je peux vous dire FRANCHEMENT ». Il a l’accent des gens volubiles, aussi de ceux avec qui on peut prendre un verre deux minutes après l’avoir rencontré et lui dire : « Ca va mon pote ? ». Il dit : « Voilà bah le 7 j’entends des bruits, je vois les mecs rentrer, des ninja quoi ! Alors moi j’ai déjà vécu un attentat en 1985 donc ça m’a aidé car direct je me suis mis à terre, j’ai eu trois balles aux jambes, et là les gars ils disent  Ouais Allah Akbar  ouais ça vous le savez mais ils disent aussi FILS DE PUTE ça vous le saviez pas hein! Je suis le premier à le dire » Il a un trou noir. Il dit souvent « Bon BREF », il n’a pas envie de parler de sa vie ni de ses conséquences, juste il admet être « diminué ». Il évoque la « crainte qu’un jour un imbécile vienne chez moi me flinguer » puis : « Je pense plus à Philippe Lançon et Simon, moi ça va. » Son témoignage dure huit minutes chrono mais avec les questions il va tenir un long discours, il restera en tout presque une heure et demie  à parler. Le Président lui demande des précisions sur l’attentat de 1985 : « Oui alors c’était le 29 mars 1985 à Paris à Rivoli. J’étais à un festival de ciné juif, y’a eu un attentat de djihadiste. » Il parle de sa « chance extraordinaire », « Bon ok j’ai encore des bouts d’engin dans les pieds c’est vrai. » Il est très sympathique. Il dit : « Bon BREF on va pas y passer 107 ans, mais c’est quand même mon deuxième attentat djihadiste, ça fait beaucoup. »  Il a quitté Paris pour la province. Il s’excuse : « J’ai un truc, j’ai un réflexe injustifié, je le sais, mais dès que je vois un barbu ou une femme voilée j’ai les boules. C’est injuste je le sais mais c’est comme ça. » L’assesseur lui dit : « Vous avez une cocarde, c’est quoi ? » Et là, Fabrice il est très content d’en parler : « Ah oui ! J’ai monté un truc, un mouvement écolo bon bref. Ça c’est une tulipe, je lutte contre les pesticides, d’ailleurs Charlie a été formidable ils m’ont aidé, ils ont relayé une pétition. L’écologie c’est mon obsession. » Moi à ce moment-là je me dis que Me Coutant-Peyre doit être en PLS en train de penser « MAIS IL FAUT SYNTHETISER ». Son avocat lui pose une question et… comment dire, la politique va rentrer au tribunal. La politique et des règlements de compte. Son avocat lui demande quelles sont les conditions de travail à Charlie aujourd’hui. Il explique : « C’est une vie à part, je peux pas tout dire pour des raisons de sécurité mais voilà, quand on arrive à Charlie il y a une porte métallique énorme, un sas, une deuxième porte, on passe dans une cour et là on passe un portique rayon X, y’a une troisième porte et un autre sas, puis une quatrième porte et y’a l’entrée de Charlie, c’est bourré de flics, avis aux amateurs, il y a une cinquième porte blindée puis une sixième et on est dans Charlie, y’a un mec de sécurité, là on s’assoit à la table de Charlie et on est obligé de rigoler car à Charlie ON RIGOLE. On a une panic room en cas d’attaque, y’a un mot de passe qui est dit pour nous signifier d’y aller, d’ailleurs je l’ai oublié. Bon faut que je vous parle du protocole de sécurité. En fait en face de l’immeuble de Charlie y’a un autre immeuble normal où des gens bossent. A chaque fois qu’on revient du déjeuner la horde de flics lèvent leurs flingues sur l’immeuble d’en face comme s’ils allaient tirer, ils mettent en joue l’immeuble. En France, en 2020, à Paris, il y a une rédaction en état de siège, il y a des journalistes dans la salle, AUCUN JE DIS BIEN AUCUN JOURNAL n’en parle. Là pour aller causer de la Bièlorussie y’a du monde hein, les journalistes là ils sont au procès, MAIS VOUS ETES OU ? OU ETES VOUS POUR DECRIRE CA ? Votre responsabilité de journaliste elle est où ? C’est quoi ce monde c’est insupportable ! » Il est ultra énervé, il tempête, il gronde. On l’interroge sur les valeurs de Charlie, il dit : « On peut aimer ou pas ce journal moi jmen fous, il s’agit de liberté, il y a la VIE, la définition même de la vie c’est la liberté et à Charlie y’a la liberté. Je vous déteste, non, pire, je vous vomis tous ceux qui ne comprennent pas ça, qui ne défendent pas ça. » Me Richard Malka arrive et lui pose des questions sur les 2 attentats de sa vie, et c’est parti pour du name dropping de folie. Il est ennuyé il ne sait pas par où commencer : « PFFFF BON BREF mon père il était communiste stalinien, un mec formidable, après quand il a vu c’qu’a fait Staline il a été anéanti mais bref moi j’ai été élevé contre TOUT fascisme, les nazis, les fascistes je ne supporte pas ça, bon je suis d’extrême gauche anti stalinienne bref j’ai pas envie de dire pourquoi. L’islamisme c’est un totalitarisme qui veut toute la place, la place politique et sociale, je suis opposé à tout totalitarisme. L’ADN de Charlie c’est de se moquer de toutes les religions. Y’a des gens qui commencent à dire  ouais Charlie Hebdo c’est des racistes  mais d’où ils causent ces gens-là ? Les attentats c’est la suite logique, le terrain était préparé bon par exemple Edwy Plenel tout le monde connaît, Médiapart là bah lui un jour bon c’est un mec qui n’a pas d’humour, c’est comme ça, et un jour on fait un dessin sur lui et le gars ose se comparer aux gens de l’affiche rouge de 1944 du groupe Manouchian, moi je vois ça je suis sidéré, le gars il dit que Charlie mène une guerre aux musulmans comment vous voulez que du coup les musulmans se défendent pas s’ils sont en guerre ? Tous ces gens-là sont responsables, les gens du monde diplomatique aussi, je les conchie, ils ont refusé de voir le totalitarisme je leur en veux énormément, jamais je ne pardonnerai. » Il répète « jamais » cinq fois, il continue : « La situation elle est pire qu’avant, les attentats n’ont rien changé. Avant il y a eu les staliniens, les gars y’en a ils ont jamais reconnu que Staline était une saleté de dictateur, ça faisait bien à gauche, et là on est dans le même truc, les gens tournent la tête. » Il cite Jospin, Giono (« et lui il croyait que causer à Hitler bah c’est bon il allait arrêter la guerre »), Noriega, Chavez, Castro, Mao, Orwell, Edwy Plenel, Alain Badiou, Sartre, Ramadan, René Dumont, Picasso, Aragon, bon moi je connais tous ces gens-là donc je ne suis pas perdue historiquement ou politiquement mais c’est pas accessible à tout le monde quoi. « L’indignation ne suffit pas, dire  Ohlala les salopards ne suffit pas. » Fin et c’est une pause de quinze minutes-méritée. C’était hyper intéressant en vrai car jusque-là on avait eu de l’émotion et de la description avec les témoins et là on fait rentrer le politique (qui va continuer avec Riss). On revient avec les auditions lues de Philippe Lançon et de Eric P., tous deux en incapacité à venir témoigner, donc le Président lit leurs dépositions et c’est la pause déjeuner.

J’attends pour rentrer à nouveau dans la salle et des flics me présentent à leurs collègues : « C’est la petite dame qui arrive en premier toujours. Elle c’est bon, elle écrit le procès y’a pas de problématique on la laisse passer, souvenez-vous d’elle. » Ça reprend à 13h45 avec l’audition de Laurent Sourisseau alias Riss, dessinateur et directeur de rédaction de Charlie Hebdo. Riss ça m’intrigue car je le connais depuis longtemps et je trouve le gars absolument pas accessible, fermé, pas « très sympa », pas très Charlie quoi bizarrement. L’audition de Riss commence. Le Président demande à Riss de rappeler un peu les grandes lignes de Charlie Hebdo. Riss explique qu’il est dans le journal depuis 1992, il rappelle l’engagement de Charlie contre le FN, que dans les années 90 c’est les catholiques qui font « chier Charlie avec des menaces ». En 2006 Charlie publie des caricatures de Mahomet, aussi parce que Theo Van Gogh est assassiné. Là, admet Riss, ça prend une tournure différente. Il trouve qu’il y a une « frilosité de la part de la société Française ». Il y a les premières protections policières, ils ont un procès contre les caricatures, ils gagnent le procès. Il dit : « On est très peu soutenus. » En 2011 : « Avec les révolutions Arabes, on refait des dessins avec un Mahomet plutôt sympa. Le journal est incendié, on n’a jamais retrouvé les auteurs. Ce qui était anodin dans les années 90 devient grave dans les années 2000. » Il parle des différentes protections policières, entre lui, Charb et Luz. Il explique : « Un jour Charb veut sortir une BD avec Zineb El Rhazoui sur la vie de Mahomet, il avait lu une biographie formidable sur lui, ils ont sorti le livre et… rien ne s’est passé alors on s’est dit que c’était fini. C’était calme du coup j’ai demandé à ne plus être protégé tout comme Luz » mais : « En mars 2013 Al-Qaïda émet une fatwa contre Charb qui demande à pouvoir porter une arme et ça lui est refusé » En 2014 il conseille à Charb d’arrêter la protection mais Charb continue. Il raconte son 7 janvier. Quand il entend les premiers coups de feu il croit que : « C’est du matos qui a explosé, mais Franck Brinsolaro le flic qui protège Charb dit  C’est pas normal ça  et sort son arme, et c’est la première fois qu’il fait ça. Quand ils sont rentrés les Kouachi y’en a un qui a eu l’air surpris du nombre de gens. Je me jette au sol, je ferme les yeux et j’entends les tirs, je vais mourir, c’est la fin de ma vie. J’attends mon tour, je vais mourir sur le sol de mon journal. Je reçois une balle dans le dos. Je me mets en apnée pour que les terroristes croient que je suis mort. » Assez vite il entend Sigolène Vinson et des murmures d’autres collègues, il entend et reconnait les voix, il se dit : « Et les autres ? Pourquoi ils parlent pas ? » Allongé, fixant le plafond, il comprend que s’il n’entend pas les voix de ses potes c’est qu’ils sont morts « C’était le silence que les morts produisaient. » Un pompier arrive, il le lève avec sa balle dans le dos, il s’arrête et pleure : « Je ne voulais voir aucun mort, je regardais ailleurs mais j’ai dû enjamber Charb. Je m’excuse d’avoir enjambé Charb. » Sa voix se brise totalement, il a les yeux rouges. Il va à l’hôpital : « J’ai compris que j’étais vivant quand j’ai vu ma femme, mon frère et ma sœur. » Il pleure et se mord les joues. Il ne peut pas lever le bras encore aujourd’hui. Il ne veut pas être appelé « victime », « Je suis innocent, il y a les coupables et les innocents. » Me Malka l’interroge sur les terroristes qui disent : « Wesh fréro on a vengé le prophète. » Riss dit que dès qu’il les a vus il a su que c’était des fanatiques religieux. Il continue : « Nous on a pas changé, mais la société elle a changé, il y a plus d’obscurantisme, un nouveau totalitarisme, il y a eu ça en Algérie et ça cherche à s’imposer en France avec une idéologie. » Me Malka l’interroge sur les caricatures de 2006, elles sont projetées au tribunal. Derrière Riss il y a Christophe Raumel, l’accusé qui comparaît libre, il les découvre ça se voit, il les regarde et les lit, il pose des questions à son avocate. Riss poursuit : « C’est quand même pas normal que des gens brûlent ou tuent parce que quelque chose leur plaît pas. Quelques jours après l’incendie de Charlie il y a eu une pétition d’intellectuels dits de gauche qui était contre Charlie et ça montre que c’est politique, qu’il y a des relais d’intellectuels, ça révèle quelque chose, il y a une idéologie d’un islam politique qui a la prétention de devenir une force politique pour façonner un changement dans la société française, alors que historiquement la gauche est laïque et plutôt anti religion, là c’est fini, ils sont contre nous. Il y a 50 ans c’était le stalinisme maintenant c’est l’islamisme. » Me Malka l’interroge, il est très souriant toujours Richard Malka, il semble hyper sympathique, il  tutoie Riss au moins dix fois ça fait hyper bizarre : « Tu regrettes d’avoir publié les caricatures ? » Riss : « C’est pas la question, la question c’est pourquoi on vit ? Je veux pas vivre soumis envers des fanatiques, moi je regrette de voir les gens si peu combatifs pour la liberté, des gens qui n’ont pas de problèmes avec d’autres qui tuent ceux qui veulent être libres, et laissent en vie ceux qui se soumettent. » Me Malka : « Tu vis avec une balle dans l’épaule et la semaine dernière tu republies les caricatures. Il y a de nouveau des menaces, tu y vois un risque ? » « Oui, celui d’être libre. Quand j’étais jeune je voyais des gens, des gens simples et j’apprenais qu’ils avaient été déportés car résistants. Ces gens-là nous ont donné notre liberté, et moi je suis là et je vois ma génération et les plus jeunes ne pas se battre j’ai honte. » Me Malka évoque la vie privée de Riss, qui parle de la perte de ses collègues comme une « amputation », « Je ne me sens pas coupable d’avoir survécu, je vis pour eux. Souvent je vois un truc et je pense  si Charb voyait ça tiens il penserait ça  » Me Malka : « A quoi tu as renoncé depuis les attentats ? Je sais que c’est dur mais il faut savoir. » Riss est de nouveau ému, sous le masque on sent la mâchoire serrée : « Avant les attentats avec ma femme on avait entamé un processus d’adoption pour accueillir un enfant. Après les attentats on s’est dit que ça changeait rien pour nous, on continuait. On nous a fait comprendre que jamais un enfant ne serait confié à un couple qui vit sous protection policière. » En vrai ça me brise le cœur. On sent qu’il a été dévasté par ça, ce que je prenais pour un côté fermé n’était qu’une pudeur excessive, je m’en veux d’avoir voulu la déranger. Il continue et dit qu’il ne peut plus marcher avec sa femme dans la rue, et qu’il n’a jamais réinvité d’amis à manger chez lui. Il est interrogé par d’autres avocats dont l’avocat  qui a un gros gros problème avec les musulmans. Il lui pose des questions nulles : « D’après vous quelles sont les valeurs des gens de l’État islamique ? » Sérieux. Riss répond, laconique : « C’est un état totalitaire religieux. » Il a deux ou trois autres questions assez peu importantes et Me Coutant-Peyre arrive. Alors c’est marrant hein mais je suis sûre que je vois avant Riss OU elle veut en venir : les deux fois, sa première question porte sur le témoignage hier d’Angélique L. qui a dit avoir reçu des menaces en novembre 2014. Me Coutant-Peyre avait alors demandé si ces menaces avaient été reportées, elle redemande la même chose. Au début je ne comprends pas et en fait j’ai pensé ça : elle veut amener le truc sur le terrain politique, sûrement dire que l’État a failli dans sa protection, bon c’est mon avis. Deuxième question elle commence : « C’est important hein la liberté d’expression… » Je sais, je sais ce qu’elle va dire. Je sais qu’elle va lui faire à l’envers et je le sais avant Riss, lui il ne capte pas au début. Je sais et j’ai raison, elle continue : « Je suppose que jamais personne n’a été licencié chez Charlie pour une histoire de liberté d’expression ? » BAM je savais, elle fait référence à Siné (que j’adorais), licencié de Charlie époque Philipe Val pour une caricature sur la supposée conversion du fils Sarkozy au judaïsme. Au début elle ne dit pas le nom de Siné, Riss dit : « Je vois pas où… Ah ! » Il a un sourire léger : « Oui bon vous le savez très bien vous faites référence à Siné. » Il raconte très très vite fait l’affaire et dit : « Il a fait son dessin, il l’a publié, on ne lui a pas interdit. Siné c’était un vieux couple avec Charlie, parfois on se sépare. » Fin de l’audition. Me Coutant-Peyre va envoyer des scuds, elle se prépare, ça se voit. Demain c’est les témoignages des familles de victimes, vendredi aussi. Demain je n’y vais pas j’ai besoin de faire des choses légères et des courses.

M Écrit par :

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