Lundi 12 octobre 2020. 21ème audience.
Nezar-Michaël Pastor-Alwatik né le 11 mars 1985. Ses avocats sont Me Marie Dosé, Me Delphine Malapert et Me Guillaume Arnaud. Son casier judiciaire porte trace de trois condamnations.
Est-ce que partager une idéologie mortifère suffit à être condamné ? Avoir envie de tuer quelqu’un n’est pas condamnable, seul le passage à l’acte l’est. C’est une vraie question philosophique et politique, c’est le thème du jour. Aujourd’hui c’est Nezar-Michaël Pastor-Alwatik qui est interrogé. Il a connu Coulibaly aussi en prison. Au début du procès il a été présenté comme partageant l’idéologie islamiste de Coulibaly, avec lequel il aurait regardé des vidéos de propagande de l’EI. Je n’ai jamais entendu Nezar-Michaël Pastor-Alwatik parler, dans le box il a l’air d’un gamin. Durant les audiences j’ai cru comprendre qu’il avait été marié à une femme sur conseil de Coulibaly, ils ont divorcé, elle était trop religieuse. Sa demi-sœur juive est aussi souvent évoquée pour démontrer qu’il ne savait pas que Coulibaly allait s’attaquer à l’Hypercacher. Voilà ce que je sais de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik. Une de ses avocates est Me Marie Dosé, connue médiatiquement pour ses prises de positions concernant le retour des enfants de Français partis combattre en Syrie.
C’est l’assesseur qui mène les débats, il rappelle le chef d’accusation : en plus de l’association de malfaiteurs en vue d’un acte terroriste, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik est accusé d’avoir : acquis des armes, port et transport d’armes, contact physique et téléphonique avec Coulibaly, son ADN est sur un gant retrouvé à l’Hypercacher, deux pistolets, un tokarev et un Nagant. Spontanément, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik déclare : « Les qualificatifs terroristes je les reconnais pas, jsuis pas un terroriste, j’ai jamais été dans cette idéologie-là, j’ai jamais vendu ni acheté des armes. C’est vrai je les ai touchées, je suis ici pour m’expliquer. »
L’interrogatoire commence : « J’ai connu Coulibaly en prison, j’y étais pour un trafic de stup. J’allais mal en y rentrant, ma mère était malade alors je me suis rapproché de la religion. Je me disais que je devais laisser mes échecs à la maison d’arrêt donc je m’inscris au culte et Coulibaly je le rencontre quand je travaille à la buanderie. Je suis désolé de ce que je vais dire, je vois quelqu’un de gentil, de correct, normal, avec un certain charisme. Ça prend du temps de se parler car en prison on se dévoile pas du jour au lendemain. Dolly je l’appréciais beaucoup, on rigole, on se fait des challenges. J’avais pas de signe pour penser qu’il était mauvais, bien au contraire, je suis désolé mais faut que ça se sache, c’est dur à entendre je sais. En prison on parle pas de religion à proprement parler mais on se fait des challenges, il me dit tu connais telle sourate ? Et je l’apprends, mais jamais il m’a parlé de djihâd ou de haine anti juif. Voilà, c’est mon histoire avec lui. Je suis musulman, je vais pas vous dire je le suis pas. La situation en prison je suis mal je me rapproche de ça et j’en apprends un peu plus. » L’assesseur : « En garde à vue vous dites que Coulibaly vous dit C’est bien ce qu’il se passait là-bas. C’est où ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Là c’est plus le cadre de la détention c’est à la suite des vidéos qu’il m’a montrées chez moi. Je l’ai pas calculé, je suis sur la Play, en détention on n’a jamais parlé de ça et quand il dit là-bas ça veut dire la Syrie. Pour les vidéos, y’en a une c’est des corps sur un pickup, après y’a un vieux qui se plaint, après une vidéo sur les Rohingyas, c’est des vidéos qu’on trouve facilement, j’ai pas calculé sur le coup moi je l’ai relancé sur la Play ça s’est fini comme ça, il m’a plus jamais parlé de ça. » L’assesseur : « En garde à vue vous dites quand même qu’il vous a dit que ça serait bien si la charia était appliquée à 100% et vous dites aussi que vous vous doutiez qu’il voulait aller là-bas. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Oui à posteriori je pense ça. Il me dit fallait combattre Bachar vu le nombre de départs qu’il y avait c’était pas étonnant. » L’assesseur : « Ça complète le côté sympa de Coulibaly ? Ça change quelque chose ce qu’il vous dit ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik: « Oui y’a une forme de réticence mais comme je vous dis, beaucoup partaient en Syrie et il connaissait mon positionnement, j’étais un petit peu réticent, j’ai pas vu le mal en lui, je pensais que c’étaient ses paroles. » L’assesseur lui rappelle qu’il a vu Coulibaly 5 jours après la sortie de prison de celui-ci, soit le 9 mars 2015. Qui reprend contact ? « C’est Coulibaly qui reprend contact moi je suis au ski et quand je reviens on se voit. » l’assesseur : « Oui d’ailleurs vous êtes dans le top trois de ses contacts téléphoniques. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Je vais pas vous mentir, c’était mon ami mais j’en ai plus appris sur lui ici. Il a jamais été méchant avec moi, toujours bienveillant, il connaît ma situation financière et il m’a jamais rien proposé. Moi je sors de prison je fais plus rien d’illégal, juste des dépannages au black, je voulais que ma mère soit fière de moi, voilà, j’avais des amis qui sortaient de prison. » L’assesseur veut en savoir plus sur leurs rencontres la dernière semaine : « Oui, ça s’est intensifié avec l’échec de mon mariage. En fait pour vous expliquer, j’avais ma copine, en prison elle venait me voir et Coulibaly il l’appelait mon péché majeur. Moi c’était mon péché mignon je disais et puis je devais me marier avec elle et à la sortie de prison ça s’est fini et j’ai appris qu’elle allait assez vite se marier avec quelqu’un d’autre. Alors moi j’étais blessé et je dis à Coulibaly de me trouver une femme, je voulais me marier, bon après je vais pas vous mentir, c’est pas une cadre supérieure qui va vouloir se marier dans ces conditions-là c’est, voilà… femme voilée, mais faut que je me marie, je vois tous mes amis ils ont deux, trois bambins, je voulais être père, une envie au-dessus de tout, voilà, ça peut vous paraître inédit moi je viens d’une cité, c’est pas choquant, voilà. Le voile, c’est si la femme veut, après, le truc intégral, c’est non. » Il se marie avec cette femme le 9 août 2014. L’assesseur veut en savoir plus sur la rencontre. Il précise : « On l’entendra cette après-midi. » Ils se séparent en novembre 2014. « Ma personnalité a fait que c’est plus possible. Je vois d’abord son frère, on parle et voilà, je rencontre des gens que je connais de son quartier mais je sais pas, j’avais un truc dans le cœur qui me disait de pas y aller. Je la rencontre, ça se passe bien, la deuxième fois ma mère vient, moi je prends la tête à ma mère, elle est réticente, elle est pas pour du tout, elle l’a rencontrée et en partant elle me dit : Il est hors de question que tu te maries avec une ninja ! » L’assesseur : « Ninja, c’est à dire ? » « Salafiste. La tente Queshua où on voit le visage. » L’assesseur : « Très bien, une autre image que vous employez ! » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik continue : « Je suis dans l’utopie je veux fonder une famille, la cérémonie arrive, moi je suis un peu spectateur, mes potes se moquent de moi et chuis tellement lâche que le lendemain chuis parti avec ma mère à Nice une semaine. En vrai je savais que c’était de la merde. Je reviens de Nice et là y’a plus ma télé. Je rentre le soir tard, je la calcule pas, on essaye de se faire des bisous bisous mais le lendemain je me réveille et y’a rien, c’est une inconnue, c’est ma femme et pas ma femme. Ça se dégrade et elle le voit, moi je vais fumer des joints en scred, elle était trop religieuse pour moi, je fais la prière, le ramadan, après je suis pas aussi assidu, je sais pas lire l’arabe ni l’écrire, et elle elle veut pas de télé, moi je peux pas vivre comme ça, pas de son, pas de PlayStation, ça pouvait pas coller et je lui dis à Coulibaly que ça se passe mal, c’est un bourbier qu’il m’a filé là. » L’assesseur : « Enfin elle était salafiste, vous vous attendiez à quoi ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « On peut jamais savoir, elle vous le dira elle-même. » L’assesseur : « Bon vous divorcez. Enfin c’est un mariage religieux et vous parlez même de répudiation. » « Oui, c’est le divorce, jlui dis je te divorce, comme c’était religieux c’est répudier. Coulibaly il s’en voulait que ça ait pas marché. »
Les 3, 4, 5, 6 janvier 2015 ils se voient avec Coulibaly. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Le 3 janvier j’arrive pas à me souvenir trop, je peux pas l’affirmer. Je sais qu’un jour il est venu chez moi, il avait mal au ventre et voulait faire sa prière. Le 4 il m’a prêté un véhicule à ma demande. Moi je l’ai toujours vu avec de belles bagnoles, il me ramène quoi ? Une Clio 2 places ! Je voulais aller chez le sophrologue. Le 5 il devait récupérer la Clio, il est venu chez moi, on est passé chez ma sœur chercher des affaires et on a passé la journée ensemble. A un moment il s’éloigne et moi je vais au centre commercial, je devais acheter des siphons de douche, je reviens j’ouvre le coffre pour mettre mon sac et là je vois un sac, je l’ouvre et je vois que y’a deux armes, j’étais excité et j’avais peur, j’ai touché machinalement. Après j’ai mis de l’essence, je lui en ai même pas parlé on sait jamais, s’il sait que j’ai fouillé. Je suis allé au McDo j’ai pris des filets o’fish et je suis revenu y’avait plus mon sac. Il me dépose chez moi et je lui remets même pas les clefs de la Clio. Le 6 il me contacte, moi je veux l’esquiver, j’ai touché les armes quoi. Pendant 5 ans j’en ai parlé à personne jusqu’à ce qu’on commence à m’en parler. Tout ce qui pouvait me relier à Coulibaly j’avais trop peur, je suis un délinquant, j’ai eu un réflexe de délinquant, de merde. » L’assesseur : « Y’a des évolutions jusqu’à aujourd’hui sur cette journée du 6… » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « J’étais défoncé, avec ma pote je fumais et là y’a des lasers chez moi, des mitraillettes, on me plaque au sol, on m’amène en GAV, bah j’avais peur quoi, l’affaire elle est au-dessus de moi alors c’est vrai je racontais de la merde, j’ai menti, tant pis si vous me croyez pas, c’est pour ma gueule c’est de ma faute, j’ai passé trois ans à l’isolement, je suis pas une victime mais… » L’assesseur : « Essayons d’avancer. Le 3 janvier Coulibaly va déposer des armes chez lui avec Ali Polat. Est-ce qu’il ne les déposerait pas chez vous ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Je suis la nourrice de personne, j’ai jamais baigné dans ça, les armes. » L’assesseur : « Jusque-là vous n’aviez jamais parlé de la Clio, alors elle est où la Clio ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Bah je vais vous le dire, la Clio elle est restée en bas de chez moi jusqu’à mon interpellation, même quand les flics ils me prennent je la vois. Je sais pas ce qu’il s’est passé pendant ma GAV, je sais ma crédibilité elle en a pris un coup. » L’assesseur lui dit qu’en fait il n’est pas vraiment allé chez le sophrologue mais chez un médecin pour faire des ventouses et on reparle de cette pratique-là « pour éloigner le mauvais œil, c’est comme l’acupuncture ou l’homéopathie. »
Le 5 janvier il passe plus de cinq heures avec Coulibaly. L’assesseur lui demande s’il voit Prévost, Polat ou Ramdani qui ont aussi vu Coulibaly ce jour-là. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik répond non pour tous. L’assesseur lui dit que sa version a aussi changé pour les armes. Au début il dit qu’il a touché « comme ça » puis ils font des expertises et réalisent qu’il a vraiment pris les armes à pleines mains. On lui parle de sa parka, il a été filmé avec Coulibaly à une station-service où il a une parka kaki, les enquêteurs la cherchent encore, ils pensent que peut-être Nezar-Michaël Pastor-Alwatik s’en est débarrassé car il aurait pu y avoir de la poudre dessus. Encore des suppositions. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik dit qu’il ne sait pas du tout où elle est et on parle de l’ordinateur maintenant. Au début en garde à vue il a dit avoir vendu son ordinateur deux ou trois semaines avant les attentats. Aujourd’hui il dit la vérité : c’était le lendemain. Il a eu peur car Coulibaly avait mis son disque dur externe alors il a paniqué. Pareil pour les SMS, il a tout effacé. L’assesseur lui dit : « C’est pas grave si un SMS dit T’es où ? mais on ne peut pas vérifier. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « J’ai eu peur, ma vie à vie elle est foutue, on tape Nezar Pastor-Alwatik et on voit que je suis proche de Coulibaly tout tout tout c’est la peur, j’ai eu peur, je suis une merde, je le dis. » On lui évoque un téléphone où quelqu’un lui a envoyé un SMS : T’es où Dawla ? « C’est quoi Dawla ? » « L’État islamique. » On lui demande ses liens avec les frères Belhoucine (les accusés dans ce procès morts en Irak/Syrie). Il ne connaissait pas Mehdi mais Mohamed oui, via Coulibaly. L’assesseur : « Donc quand il y a 130 échanges de coups de téléphone entre vous et Belhoucine c’est à chaque fois pour parler à Coulibaly ? » Personne n’a l’air d’y croire vraiment mais il dit oui. Il explique une scène invraisemblable mais réelle : ça se passe mal avec sa « femme », il en parle à Coulibaly qui lui dit : « Ok on va faire un rappel religieux. » Et donc chez Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et sa femme, viennent Coulibaly et sa femme et Mohamed Belhoucine et la sienne. Les femmes sont dans une pièce, les hommes dans une autre, une porte est entrouverte pour que chacun écoute ce que Belhoucine raconte (des rappels sur la pratique de l’islam, ce que les époux doivent faire, etc). Le discours de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik contraste tellement avec ce qui est dit sur lui et il a une vraie tête de gamin « mignon », quand il parle il fait des grands gestes. L’assesseur lui dit que ça fait un peu cérémonie, pourquoi ils ne règlent pas leur problème de couple entre eux deux ? Nezar-Michaël Pastor-Alwatik: « Déjà quand vous connaissez quelqu’un c’est dur, mais quand vous connaissez pas votre femme, moi c’est en garde à vue j’apprends que la meu… euh, la femme, elle a des tocs et une maladie, je suis même pas au courant. » L’assesseur évoque encore une fois le pique-nique salafiste. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik explique qu’il n’est pas super sensible au discours du pique-nique car lui n’a pas eu de problème à pratiquer sa religion en prison et qu’au final il va jouer au foot sur le terrain à côté. On lui demande si Amar Ramdani est présent à ce pique-nique, il répond que non. On lui parle de son ADN retrouvé à l’intérieur d’un gant qui est lui-même retrouvé à l’Hypercacher, il n’a « aucune idée » et il aimerait bien nous dire comment c’est possible.
Et l’assesseur va parler longuement et mettre les mots sur ce qu’on doit être beaucoup à ressentir : « Monsieur Nezar Pastor-Alwatik, je veux aborder le thème d’une éventuelle radicalisation. Les conclusions semblent vous distinguer des autres accusés, on le verra, peu de certitudes, beaucoup de questions en ce qui vous concerne. Le rapport QER [quartier d’évaluation de la radicalisation] explique qu’en raison de vos dissimulations de preuves, vos explications difficiles, votre incohérence, il est difficile de déterminer votre rôle. On note quand même que vous partageriez l’idéologie radicale et alors dans le réquisitoire définitif il est dit que vous n’êtes pas crédible, vous êtes sous influence idéologique, vous avez le profil du disciple, ce n’est pas exclu que vous ayez stocké des armes, que vous auriez secondé Coulibaly, il y a un substrat idéologique fort partagé. On ne vous reproche pas un rôle, Monsieur, mais on s’interroge sur cette particularité qui vous distingue. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Je partage rien qui consiste à tuer des gens en raison de leur confession. C’est une partie de ma famille, jamais de la vie j’ai aidé, ma sœur est juive, je fais shabbat et un matin je me réveille et je vais tuer les juifs ? » L’assesseur a fini son interrogatoire et le Président veut une précision sur l’ordinateur vendu : « On sait que Coulibaly avait fait des vidéos, on sait aussi que quelqu’un a monté les vidéos après les attentats, je ne dis pas que c’est vous mais ça aurait été intéressant de voir votre ordinateur non ? » Il dit qu’il l’a vendu à un sans papier « Salah » de son prénom. Moi il m’a l’air sincère mais j’ai un doute, le premier, si gros depuis le procès.
A 14h l’audience reprend et Me Coutant-Peyre prend la parole : « J’ai déposé des conclusions sur l’homme, là, au hammam, pour dénoncer qu’il manquait une pièce anonyme, là, dans le dossier et l’agent de la DGSI avait embrouillé, depuis rien n’est venu et c’est oublié alors j’insiste à nouveau, c’est intolérable qu’un tel manque se poursuive, on n’est pas aux jeux du cirque ! C’est comme le témoin de l’autre jour qui nous dit avoir été quasiment kidnappé par un commando Slovène, je ne peux imaginer qu’un pays étranger fasse ça sans que la France ne soit au courant ? Je fais une demande ! » L’avocat général : « L’agent de la DGSI a simplement dit avoir oublié de faire un PV, la seule pièce que je peux ouvrir c’est une demande d’autorisation pour un témoin en anonyme sauf que… il y a son nom dessus et que ce témoin a demandé à rester anonyme, je n’ai pas de solution. » Me Coutant-Peyre comprend bien le problème mais elle ne « renonce pas. »
Les parties civiles posent des questions et ça ne va pas jouer en faveur de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik Une écoute téléphonique est retranscrite entre lui et un ami, l’ami rigole sur Charlie Hebdo, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik aussi, l’avocate de Charlie Hebdo : « Y’a quoi de drôle ? » Bon il rame tellement, puis à la fin de l’écoute son ami l’appelle « mon frère Charlie… al Dawla » et ils rient là encore. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik patauge et ne peut rien dire à part des explications foireuses. Une avocate lui parle aussi d’écoutes téléphoniques où Nezar-Michaël Pastor-Alwatik dit qu’il était « perdu dans les abymes » et à la fin son interlocuteur lui dit en riant : « Va te faire sauter. » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik explique que : « Va te faire sauter c’est comme va te faire baiser et je dis que j’étais dans les abymes quand j’avais plus ma télé et la Play. » l’avocate continue : « Vous avez touché les armes le 5 janvier, vous savez que Coulibaly a un référent, quelqu’un qui lui donne un ordre, et dans un mail envoyé à ce référent Coulibaly dit : J’ai un AK 47, un AK 71, six tokarev, trois gilets tactiques, trois gilets pare-balles, deux gros couteaux. Dans ce message Monsieur il n’est pas fait mention du pistolet Nagant que vous avez touché et cet envoi est postérieur au 5 janvier. ALORS ? » Il répète qu’il a touché les armes le 5 janvier. Une autre avocate lui dit qu’il va à un pique-nique de salafistes, que Coulibaly est un salafiste, elle (re)parle des ventouses, qu’il dit « répudier » son épouse, du coup elle veut savoir où il se situe dans tout ça. Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Benzema il est salafiste ? Il fait les ventouses aussi. » Le Président : « VOUS REPONDEZ VOUS NE POSEZ PAS DE QUESTION. » Un autre avocat : « Êtes-vous takfiriste ? », « Non. » [ndlr : le takfirisme est une doctrine islamique hyper violente apparentée à une secte.] Il continue : « Dans votre mariage, est ce que… dans le discours djihadiste bon, Coulibaly, on promet des vierges, est ce que c’est une présentation qui pourrait expliquer que, bon, il vous promet dans une vie après des vierges ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik qui n’a rien compris à la question comme tout le monde : « C’est qui la vierge ? ». L’avocate générale redemande si Amar Ramdani est au pique-nique de salafistes, la réponse est toujours non et lui reparle de chaque jour avec précision, c’est très long. Vient la défense enfin et c’est Me Daphné Pugliesi qui commence, avocate d’Amar Ramdani : « Amar Ramdani nous a expliqué qu’il avait deux téléphones, un pour les gens honnêtes et un pour les gens qui pouvaient lui amener des problèmes. Vous pensez que vous êtes sur lequel ? » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : « Je sais pas. » Me Pugliesi : « Celui des gens sans problème. Je suis désolée de demander ça ENCORE mais un fonctionnaire de police est venu ici nous dire que c’était IMPOSSIBLE que Ramdani soit à ce pique-nique. Il y était ? » Non, il n’y était pas comme depuis trois semaines. Me Dosé, avocate de Nezar -Michaël Pastor-Alwatik, lui demande si Coulibaly savait la moitié de famille juive chez son client. Il explique qu’il ne s’en est jamais caché et dit « J’ai une moitié catholique, une moitié juive, une moitié musulmane. » Les gens rient. Il dit « Oh ça va, moitié, vous avez compris ! » Nezar-Michaël Pastor-Alwatik a un père catholique, une mère musulmane et une sœur juive. Et c’est la fin de cinq heures d’audition, c’est très très long, surtout pour l’accusé. Il n’y a pas de preuve encore une fois, juste un doute, qui commence à naître chez moi.
Quinze minutes de suspension et Nathalie arrive. C’est la sœur de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, elle a dix-sept ans d’écart avec lui, elle est hyper chaleureuse et « normale ». Elle fait un très chouette témoignage sur son frère, elle l’appelle Michaël : « J’ai cinq enfants qui adorent Michaël. On s’est toujours beaucoup vu. Moi je suis juive, lui musulman. Il est tellement gentil, attentionné, y’a pas d’autres mots. Le soir-même des attentats il était chez moi, on en a parlé. Il avait aussi un projet d’acheter une pizzeria. J’ai une amie qui habite à 200 mètres de l’Hypercacher, de nouveau c’est la communauté juive, on était sous le choc et quelques jours après il m’a dit qu’il connaissait ce monstre [Coulibaly]. Pfff je regrette tellement de pas avoir posé de questions mais j’étais très fatiguée. Je comprends, il a touché les armes, c’est un crétin, mais la religion… Je ne peux pas imaginer mon frère dans ça, tous ses neveux et nièces vont à l’école juive, il fait shabbat et hanoukka avec nous, il met la kipa ! Quand c’est Souccot [ une fête juive] il installe la soukka avec le rabbin. Son mariage, pfff, je me suis pas inquiétée je savais que ça durerait pas. » Et ça dure car elle est bavarde, mais en vrai elle me redonne un peu espoir concernant son frère. Les avocats lui posent des questions, elle n’a aucun doute sur son frère, aucun elle répète. On lui pose des questions sur la longueur de barbe de son frère, sur sa famille « arc en ciel » avec toutes les religions. Un avocat partie civile va même jusqu’à demander le degré d’implication dans la famille juive de la sœur. Puis après lorsqu’elle évoque son premier mari « qui était juif, enfin il l’est toujours le pauvre », l’avocat lui dit : « Ah oui vous êtes de la famille M**** » Le Président est obligé de rappeler à l’ordre. La défense pose des questions bateau et elle s’en va. En fait on a tous été déçus en voyant arriver Nathalie, les gens voulaient l’ex-femme, la salafiste. Et c’est elle qui est annoncée. Pas besoin de savoir qu’elle arrive, je regarde Sigolène Vinson qui touche Simon Fieschi pour lui dire de tourner la tête à gauche genre : « Regarde ! » et elle arrive, en abaya noire. Avec elle le salafisme vient d’entrer au tribunal et au procès. Quand elle arrive à la barre, les gens disent « Putain de merde. » Avec le masque et les lunettes on ne voit rien de son visage. Elle raconte son mariage arrangé, elle parle de cette tractation comme d’un jambon : « On m’a proposé Monsieur Pastor, on m’a dit par message comment il était. » Pour elle, la religion est « vitale et primordiale ». Au bout d’une semaine de mariage elle s’est rendu compte que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik et elle ne partagent pas la même pratique religieuse. « On croyait au même Dieu mais on n’avait pas la même conviction. » Elle raconte le « rappel religieux ». Elle dit qu’elle suit une doctrine salafiste et que là ça n’était pas ça du tout, là où Nezar-Michaël Pastor-Alwatik raconte un rappel religieux concernant la patience dans le mariage, l’ex-femme elle raconte un rappel religieux qui « incite à la haine et rébellion. » A ce moment-là il se passe un truc dingue : la sœur de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik, Nathalie, qui témoignait dix minutes plus tôt, vient s’asseoir à côté de moi, elle regarde son ex belle-sœur, elle met ses lunettes de soleil comme pour cacher des larmes. L’ex-femme de Nezar-Michaël Pastor-Alwatik n’assiste même pas à son propre mariage, elle est représentée par son père et son oncle, elle raconte forcément un fonctionnement très très archaïque et vieux de 10 000 ans. En fait le Président l’interroge énormément, c’est très long et assez insupportable car il lui fait répéter quatre ou cinq fois la même chose. C’est long et du coup beaucoup de gens partent. Il y aurait une photo à faire mais sans moi, je suis au premier rang avec Nathalie à côté qui s’enfonce dans son siège avec ses lunettes de soleil. Derrière nous il y a trois ou quatre rangs totalement vides… Pour l’ex-femme, son mari et Coulibaly étaient des takfiristes, des membres d’une secte. Il y a quelque chose d’assez risible et aussi de stupéfiant, c’est d’entendre cette jeune femme rigoriste qui parle de ses propres règles à elle parler d’une autre branche de l’islam qui est une secte. Bizarre, enfin à un moment on est tous perdus à savoir qui est dans une secte ou pas ? Elle raconte que son mari regardait des vidéos de décapitations, que Coulibaly avait la haine du juif, c’est interminable. Elle dit ici au tribunal quasiment l’inverse de ses auditions en garde à vue. Et lorsque viennent les questions d’avocats ça continue : son mari lui a dit que Coulibaly était un prêcheur musulman et quand même une avocate partie civile lui dit : « On pourrait croire que l’intégriste c’est vous. » L’ex-femme reconnaît être rigoriste. L’avocate poursuit : « Il vous a répudiée, peut-être que vous vous vengez ? » Elle dit que non, elle est passée à autre chose. On lui dit que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik conteste tout ce qu’elle raconte, elle dit : « Je ne sais pas si mentir est de la survie ou de la dissimulation. » La défense arrive et c’est Me Delphine Malapert qui évoque le premier mariage du témoin qui a aussi duré deux mois, juste pour rappel. Elle rappelle aussi que la jeune femme a « une maladie mentale pour laquelle vous êtes arrêtée depuis longtemps. » Elle lui dit aussi qu’en garde à vue celle-ci a déclaré que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik n’avait pas les mêmes opinions que Coulibaly. « Il [ Nezar-Michaël Pastir-Alwatik] vous dit apparemment qu’il veut faire le djihad armé et vous n’allez pas voir la police c’est pas ambiguë comme phrase quand même ! » « C’était pas concret » Elle déclare qu’elle ne pense pas qu’il serait allé jusqu’au point de Coulibaly. Il est 21h et l’audience se termine. Trois témoins n’ont pas été entendus. Je sors avec une impression mitigée. Qui croire entre Nathalie et l’ex-femme ? D’un côté il y a « Michaël » qui met la kippa le vendredi soir, puis « Nezar » qui épouse une salafiste, deux prénoms, deux noms, deux faces antinomiques, Nezar-Michaël Pastor-Alwatik avait-il une vie cloisonnée ? Juif avec sa sœur, radicalisé avec Coulibaly ? Pour l’instant je pense que Nezar-Michaël Pastor-Alwatik est tombé idéologiquement avec Coulibaly, qu’il était sûrement complètement perdu, qu’il a adhéré à cette vision sectaire, rigoriste pour quelques temps seulement. Peut-être qu’il a stocké des armes chez lui mais avoir été au courant des attentats je n’y crois pas. La suite demain.
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