Mercredi 16 septembre 2020. 8ème audience.
Ce matin Me Klugman a expliqué qu’Anne Hidalgo se constituait partie civile et souhaitait être entendue. Ça a fait des remous, récupération ont dit certains. Je n’étais pas là, je n’ai pas suivi les auditions des deux gendarmes arrivés à l’imprimerie le 9 janvier 2015. Je suis arrivée peu après midi et j’ai attendu que l’audience reprenne. J’ai entendu Jipé parler de sa « tension faible mais un corps de jeune homme que demander de plus ? » et sa copine parler de ses « problèmes cardiaques, les comprimés diurétiques que je prends, la rétention d’eau, mon grand père est mort à 97 ans et mamie à 99 bon on a dû lui couper les jambes, moi ça va j’ai le temps je suis née en 44 ET OUI ! » mais je ne savais pas que le témoignage que j’allais entendre allait être aussi soporifique.
Sur le programme il est écrit que Michel Catalano doit venir témoigner. Propriétaire de l’imprimerie dans laquelle les frères Kouachi se sont réfugiés, Michel Catalano arrive, il a une veste bleue et des boutons blancs, un pantalon noir, la légion d’honneur accrochée. Il a l’air d’aller très mal. Au début le Président lui demande de présenter un peu sa vie avant de raconter le 9 janvier. Michel Catalano explique, l’imprimerie qu’il a montée avec sa femme, « c’est le troisième gosse qu’on n’a pas fait ». Il fait du hockey sur gazon, du quad, il dit « la crise des susseprime » et « 21ème siètte ». Il dit qu’en 2014 l’imprimerie était finie de payer. Il raconte son 9 janvier 2015 : il est arrivé au travail, « avec Lilian L. [Lilian a demandé qu’on n’utilise plus son nom de famille], on a pris un café, on attendait Didier un commercial et Stéphane un autre collègue ». Ça sonne, Michel Catalano est « persuadé que c’est Didier, je vais vers la baie vitrée et je vois Stéphane parler dehors à quelqu’un habillé tout en noir, puis Stéphane repart. » Ce quelqu’un c’est un des frères Kouachi. « Je comprends qui c’est alors je vais voir Lilian sans paniquer et je lui dis Ce sont eux, ils sont ici. Je vois la peur de mourir dans ses yeux, Lilian voit ma peur de mourir dans les miens, alors je dis à Lilian Cache-toi et coupe ton portable. Je suis allé vers eux en espérant pouvoir les ralentir. » Il pleure : « Je pensais vraiment que j’allais mourir ce jour-là vu ce qu’ils avaient fait avant. Quand ils rentrent dans l’imprimerie, ils me disent de téléphoner aux gendarmes, je fais le 17 et je dis à une policière Bonjour je suis Michel Catalano, patron de l’imprimerie, je suis pris en otage. ». Les frères Kouachi lui proposent de l’eau, il « refuse, je leur propose un café car je veux les éloigner de Lilian qui est caché mais je sais pas où. Je leur montre comment faire le café. J’ai pris énormément sur moi, je ne voulais pas que Lilian fasse partie de cette horreur. » Chérif Kouachi lui parle, lui explique Al-Qaïda, qu’il est allé à l’école de la République, qu’il ne tue pas les femmes ni les enfants. A ce moment-là Didier le commercial arrive, et ne capte pas, il serre la main de Michel Catalano et d’un des frères Kouachi pensant que c’est un flic. Michel Catalano lui dit : « Écoute Didier faut que tu partes là. A ce moment-là Didier comprend, moi j’ai pensé que c’est la dernière personne que je vois vivante de ma vie. » Les frères Kouachi voient une pin-up en statue, ils disent que : « C’est blasphème ça » puis demandent à Michel Catalano s’il est juif (non) : « Si j’avais dit que j’étais juif je ne serais pas là aujourd’hui. » Les deux gendarmes arrivent avec « leurs petites armes, je me dis ils font pas le poids. » En vrai Michel Catalano a l’air d’aller très très mal, ça se sent comment il raconte, il revit chaque moment. Il explique alors qu’une fusillade éclate entre les frères Kouachi et les gendarmes et que Chérif Kouachi est blessé. Lui il s’est caché dans la douche de son bureau, les frères Kouachi le recherchent : « Monsieur ! Vous êtes où Monsieur ? » Michel Catalano rejoint les terroristes et dit qu’il peut soigner la blessure de Chérif Kouachi, « Alors soignez-le » dit Saïd Kouachi. Chérif Kouachi se sent mal, il dit : « Je vais mourir », Saïd Kouachi : « Non on n’a pas fini. » Michel Catalano demande s’il peut s’en aller, Chérif Kouachi lui dit : « Non. » Saïd Kouachi dit : « Allez-y. » Michel Catalano sort après une heure et demie avec les Kouachi et laisse Lilian seul toujours caché sous un lavabo. Michel Catalano refuse de monter dans le fourgon des gendarmes par « peur de se faire tirer dessus par les Kouachi ». C’est la fin du témoignage.
Le Président : « On entend et comprend votre émotion. » En fait Michel Catalano n’a pas « surmonté » ça, il est toujours le 9 janvier 2015, il me fait penser à Madame G. première femme à avoir vu les Kouachi qui s’estime aussi victime que les gens mors, j’ai eu le même sentiment pendant le témoignage de Michel Catalano. Et aussi qu’il a un gros problème de storytelling, il ne sait pas raconter une histoire, il dit ça par exemple : « Alors il pose la kalachnikov, alors je l’ai regardé, il m’a regardé, j’ai regardé la kalachnikov, il a regardé la kalachnikov, je l’ai re-regardé, il m’a re-regardé… » A entendre sur quasi 3 heures c’est compliqué. Et le problème c’est que je trouve que le Président a un peu le même soucis. Le Président va lire la déposition de Michel Catalano faite immédiatement après la prise d’otage, donc en gros il va répéter encore ce qui vient d’être dit. Michel Catalano explique que les terroristes ont voulu lui montrer qu’ils n’étaient pas incultes : « Ils m’ont parlé de Michel Onfray. » Souvent Michel Catalano dit : « Enfin dans mes cauchemars c’est pire » ou « Ça c’est ce que j’ai vu avec mon psy », on a l’impression que sa vie s’est arrêtée ce jour-là, c’est très étrange. Son témoignage est très très long, le Président va reprendre chaque partie de son témoignage pour les… reformuler. C’est soporifique en fait. A trois reprises le Président lui dit : « Ils étaient… vous diriez euh déterminés ? » « Pour vous ils étaient donc déterminés… » « Donc la détermination vous diriez ça ? » Michel Catalano continue, il explique que les Kouachi lui ont dit : « Ça devait se finir dans les bois, ça va se terminer ici chez vous. » Et là le Président : « Donc je viens de lire votre déposition faite après les événements, voilà, euh, je dirais que euh je vais donc maintenant, voilà, lire votre déposition faite quelques temps après… » Donc une troisième fois où on va redire les mêmes choses, mais ça ne dérange pas Michel Catalano, il pourrait rester à la barre des heures à la cramponner comme il fait, il pourrait rester à parler de ce 9 janvier tout le temps du procès, d’ailleurs il le fait dans les écoles ou les prisons. Le Président veut l’interroger sur les conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle mais Michel Catalano veut continuer sur le 9 janvier et il recommence à redire les mêmes choses, il répète inlassablement la même chose, il s’épanche. Il explique avoir entendu « Cibles neutralisées. Otage vivant » et avoir été content que Lilian soit toujours en vie. Il parle de : sa femme, ses parents, la chimio du papa, que le 10 janvier à deux heures du matin il retrouve sa femme. Il parle du syndrome post traumatique, il explique ce que c’est. Il parle de sa sœur, son frère, du préfet de police, de la psy « la première », son imprimerie sous scellés pendant trois semaines, que sa femme s’évanouit en voyant l’imprimerie, le gardiennage (38 000 euros), le massicot de 800 kilos. En vrai c’est quasi indigeste. Il continue : sur le syndrome post traumatique en voulant expliquer, encore. Il parle de son imprimerie, de ses deux contrats d’assurance où il explique les différentes clauses. Il parle de Macron, de sa légion d’honneur, « tellement fier », des banques, de la mairie de sa ville, des 30% qu’il a investis, des crédits, de ses enfants qu’il estime être « des victimes absolues ». Il continue il parle encore de son entreprise, du Covid, de ses petits-enfants… Puis : « Je pense aux autres victimes. » Le Président demande dix minutes de pause, Michel Catalano reste à la barre, entouré de ses avocats et famille il ne la lâche pas, au micro on entend des reniflements.
Après la pause je me suis dit que vu l’état dans lequel il se trouvait (donc excessivement mal) les avocats auraient la décence de rien demander sachant que TOUT avait été dit. Et bien non, il sera interrogé par huit personnes différentes avec en moyenne trois questions par personne. En attendant une mamie a fait une roulade dans la salle, elle s’est cognée la tête elle a rigolé, elle a pris de l’homéopathie et a estimé que ça lui donnait le droit de retirer son masque. Retour à l’audience et on demande à Michel Catalano des précisions sur ce que les frères Kouachi ont dit EXACTEMENT. La partie civile lui pose des questions bêtes, mais tellement bêtes – je dois dire que les avocats ne brillent vraiment pas par leur intelligence ou éloquence depuis le début de ce procès. Sur l’ordinateur de l’imprimerie il y a eu des recherches de faites pour BFMTV et I-télé, l’avocate demande si c’est Michel Catalano qui a fait ces recherches : « Non. » « Donc c’est… ? » Les Kouachi à priori mais c’est pas sûr d’après elle, du coup elle demande à Michel Catalano sur « ça peut être qui ? » sachant que y’a : Michel Catalano, les Kouachi et le pauvre Lilian sous le lavabo pendant huit heures à limite retenir sa respiration. L’avocat de Michel Catalano arrive et le mec c’est le sosie de Steve Martin mais l’attitude de Jean Marc Ayrault. Le mec est chiant : « Michel, vous avez oublié tout ce que vous vouliez dire, vous voulez bien nous parler de votre vie avant, et votre vie maintenant. Les sports par exemple… » Bon Michel Catalano parle d’ULM, de permis bateau, de footing. Il raconte comment il témoigne dans les écoles, il dit « chaque fois mon histoire » et ça se ressent tellement qu’il en a besoin, de la dire cette histoire. Y’a quand même son avocat qui dit aussi : « Michel j’ai envie que vous parliez de tous vos employés. » La vérité moi à ce moment-là je dis dans mon masque : « Non non faut pas » parce que Michel y’a un de ses employés qu’il connait « depuis ses cinq ans ». Mais une avocate veut REVENIR sur l’épisode où « la kalash, Michel et Kouachi » y’a les regards entre eux. Les avocats posent des questions mais débiles : « Vous pensez que les Kouachi savaient qu’ils étaient dans une imprimerie ? » « Vous pensez qu’après votre départ ils ont empilé des chaises ? » et Me Coutant-Peyre arrive, elle demande ce que Michel Catalano a reçu comme indemnisation de la part du Ministère de l’Intérieur vu que le GIGN a explosé l’imprimerie. Michel Catalano explique, les subventions, tout ça, elle continue : « Quand même vous avez pas l’air de mal le prendre que l’état ne rembourse pas tout. » Michel Catalano explique son statut de fils d’immigré italien qui a toujours travaillé et veut continuer. Me Coutant Peyre : « C’est très honorable. » Elle dit ça on dirait Gargamel. Ça va être le tour de Lilian, celui caché sous le lavabo. Avant ça le Président a expliqué quatre fois, quatre fois, quatre fois, quatre fois « le terme euuh je dirais euh euh je dirais le terme juridique du mot euh euh séquestration car euh au niveau euh JURIDIQUE c’est ce terme euuuuuh voilà… » Je me tire je suis saoulée, mon agacement l’emporte sur la compassion, j’ai besoin d’acheter des clopes.
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