Vendredi 4 septembre 2020. 2ème audience.
Deuxième audience pour moi, troisième pour la France. Depuis hier sont examinées les personnalités des accusés. J’arrive tôt et Jipé le retraité est là bien sûr et il s’est fait des copines. Dans la file d’attente on nous demande de sortir nos pièces d’identité. En fait il y a eu des incidents pendant les audiences et donc des gens sont interdits et surtout des témoins ont assisté aux audiences comme le public et c’est strictement interdit, ils peuvent être influencés.
Les avocats ont obtenu le droit de retirer le masque ainsi que les accusés. Si un seul cas de Covid est détecté le procès sera arrêté. Jipé parle à ses copines : « Oh ben la Coutant-Peyre elle a flambé dès le premier jour ohlala elle s’est bien fait retoquer celle-là. » Je sais déjà que je ne peux pas rester toute la journée, hier ça s’est terminé à 21h30 et justement au moment où je pense ça un avocat de la défense (très beau) prend la parole, il explique au Président : « Ça n’est pas possible les audiences durent trop longtemps. » Je suis bien d’accord, ainsi que les parties civiles. « Nos clients lorsqu’ils rentrent à Fleury-Mérogis, il y a quatre heures de procédure entre la sortie du tribunal et l’arrivée en cellule. Nos clients arrivent à 1 heure du matin pour se réveiller à 5 heures. D’habitude quand un procès dure une semaine, dix jours, il nous suffit de dire à nos clients de tenir. Bon, là, Monsieur le Président il y a cinquante jours de procès, lorsque nos clients témoigneront d’ici un mois, ils seront sur les rotules, il faut faire quelque chose. » En vrai je suis plus que d’accord avec lui, c’est exténuant même à mon niveau, et les accusés doivent être « en forme » si on veut avoir des réponses. Le Président en prend acte.
Les examens de personnalités vont commencer, c’est quelque chose d’assez « superficiel », pas d’expertise psychiatrique, juste des enquêtrices de personnalités, un peu comme les gens qui font le recensement. Les accusés parlent d’eux, leurs parcours, puis ils sont interrogés, pas sur le fond à savoir l’enquête, juste sur eux. Ils sont onze accusés, hier quatre sont passés, il en reste donc sept. Ça me semble impossible pourtant il faut que tous passent aujourd’hui, y’a le planning.
On commence avec Ali Polat, c’est le gros poisson, il risque la perpétuité. Direct le gars attaque, il se lève : « Je suis innocent, je veux pas me lever, je suis ici à cause de gros mytho, des sales balances, je veux pas parler. » Il a les bras croisés sur la poitrine, un peu gros, chemise blanche, crâne rasé, regard noir, nerveux. Le Président l’interrompt : « On parlera des faits plus tard, concentrons-nous sur votre vie Monsieur Polat. » Ali Polat : « J’ai rien contre vous j’ai rien fait » mais il est d’accord pour parler. Il est né en Turquie, arrivé en France vers ses 3 ans, enfance normale, pas super bon à l’école. A 14/15 ans il rentre dans la délinquance. En fait Ali Polat, son kiff c’est la thune, l’argent, le flouze, le pez, la maille, la moula, il ne parle que de ça tout le temps et ça va être une donnée importante pour la suite de l’enquête. Il décide donc de dealer du shit à 15 ans car il veut avoir de la thune. Polat il est à la fois agressif, nerveux et en même temps il a une manière de dire les choses d’une façon tellement naturelle que parfois, la salle rigole. « J’ai 35 ans, j’ai jamais travaillé légalement, ah non non moi je veux pas ça » (en fait on va apprendre par la suite qu’il a quand même eu deux ou trois boulots légaux) « Je fais le parloir avec ma maman », il dit « maman » et c’est important, il y a les gens qui disent « ma mère » et ceux qui disent « ma maman ». Il dit très souvent : « Oui exactement ». « J’ai eu des parents normaux oui exactement mon père tapait ma mère mais autrement c’était normal. » Il a une sœur qui est consultante et qui est mariée à un trader, ils vivent à Hong Kong, et un petit frère qui est dans la restauration. La pratique religieuse de sa famille est quasi nulle, la religion va être importante ce jour alors qu’elle ne devrait pas. « Ils mangent du porc chez moi. » Il a été en prison en 2009, là-bas il a décidé d’arrêter le trafic de drogue, ça ne rapporte pas assez et il veut « mourir riche, un million d’euros c’est rien ». Prêt à tout pour avoir de l’argent, même tuer des gens ? Il dit « Non ». Il hausse les épaules souvent. « Je veux une belle vie » il dit de son box d’accusé, il veut claquer de la thune et basta « Pas travailler ah non non jamais ». On apprend qu’il a quand même bossé à Auchan un peu et dans un kebab. 2012 il arrête les stupéfiants, il décide « d’escroquer les gens ». On parle de sa vie sentimentale, il ne veut pas être en couple « sinon je trompe », il voyait des filles, « parfois des putes », mais il a quand même eu une nana Libanaise qu’il voulait épouser, il envisageait d’aller vivre au Liban au moment des attentats. Son loisir c’est « faire de l’argent ».
Sa pratique religieuse, il dit s’être converti en 2014 et on reviendra sur cet épisode car personne (moi compris) n’avons compris ce qu’il voulait dire. Il fait ses cinq prières, il « mélange pas bizness et religion. Je fais les escroqueries et après je lave mes péchés, tout le monde fait ça. » Le Président le reprend : « Des péchés, je ne sais pas, au moins des infractions pénales, ça c’est sûr. »
Le lien avec Amedy Coulibaly, il dit qu’il doit 15 000 euros à Coulibaly. Il « regrette d’avoir arrêté les stup, car sinon j’en serais pas là. » Sa détention se passe très mal, il est souvent à l’isolement, soixante-treize jours au mitard, il ose dire qu’il vient de demander là une remise en liberté car il est innocent, le Président dit que ça va être examiné. « Ok pas de problème » il dit. A priori il ne parlerait qu’aux hommes, ce qu’il conteste : « Je peux pas saquer la lieutenant et c’est la même pour elle, elle est pas correcte mais je parle aux femmes. » Un avocat partie civile, l’interroge. Il lui demande des précisions sur sa « conversion » que personne ne comprend. En fait Ali Polat est né dans une famille musulmane mais pas pratiquante, il est Kurde, et Alévi et en 2014 il dit se convertir car jusque-là il estimait qu’il n’était pas un « vrai » musulman. Bon c’est laborieux pour arriver à cette conclusion-là. On lui demande s’il regrette d’être tombé dans la délinquance, il répond qu’en sortant il va : « faire du bizness encore pire, encore plus, rien de légal ». Une avocate lui dit que pendant sa détention il a dit à un surveillant : « Nique ta mère tu connais Charlie Hebdo je vais te faire la même chose » puis « Vous êtes des PD wallah je vous encule, je vais aussi faire mon devoir wallah. » L’avocate lui dit : « Ça veut dire quoi tout ça ? Wallah et compagnie ? ». Lui il dit : « C’est exactement faux. » Il implique un gars « R**** le petit pakistanais » à la prison qui le fait chier.
Bon on passe à autre chose, les problèmes en prison, il a eu une Xbox, onze manches de brosse à dents (« c’est exactement faux »), on lui dit que pourtant sur la XBOX y’a son mail « Albaloche@outlook », il dit que oui « Baloche c’est moi car j’ai des grosses couilles » et là ça part en live, le premier vrai clash, un peu compliqué à comprendre au début. Me Isabelle Coutant-Peyre intervient, elle refuse qu’on parle de religion, en ça elle a raison, la religion n’est pas un « trait de personnalité ». La religion ou pratique religieuse sera abordée pendant les interrogatoires de fond, mais Me Coutant-Peyre va plus loin : « Je refuse qu’on pose des questions d’ordre religieux, nous sommes dans un pays qui se dit laïque, vous n’avez pas à demander à mon client son rapport à la religion. » Pas le temps de finir, une avocate de Charlie Hebdo hurle littéralement : « VOUS RIGOLEZ » et d’autres choses incompréhensibles, puis une autre avocate partie civile, pareil des cris dans la salle : « Vous refusez la religion ? Vous connaissez pas d’infractions liées à la pratique religieuse peut-être Maître Coutant-Peyre ? Ce procès est sur ça : le radicalisme, ARRETEZ. » C’est des vrais cris, avec une vraie émotion dans la voix. En l’occurrence, la frontière entre la pratique religieuse qui est « le fond » et la « personnalité » qui n’a rien à voir avec la religion c’est compliqué, car Ali Polat par exemple il est bien obligé de dire qu’il vient d’une famille kurde, musulmane, comme il parle du taff de ses parents et on marche sur des œufs. C’est un vrai clash. Le Président n’intervient pas. Et le pire arrive : il y a un avocat des parties civiles qui pose une question à Ali Polat. Déjà il lui cause de la seconde intifada, ce que personne ne comprend, et il lui dit OKLM sans pression : « Moi je vois que les musulmans tuent les juifs. Je vois que les musulmans tuent les catholiques. Je vois pas de juifs qui tuent des musulmans, ni de catholiques. Est-ce que VOTRE RELIGION Monsieur Polat n’aurait pas un problème ? » La question s’arrête d’un coup, dans ma salle les gens disent à voix haute : « C’est quoi cette question de merde ? » Même moi je trouve ça dingue, mais cet avocat est important, il reviendra dans la journée. Dans la salle des avocats, pareil, on sent la consternation. Me Coutant-Peyre est au taquet, il y a une cacophonie insupportable, les avocats hurlent, c’est le marché. Ali Polat dit juste : « Moi je n’ai tué personne. » On lui demande son avis sur les attentats, il répond que : « C’est mal de tuer des innocents. » L’avocat général lui demande s’il a un surnom : « Oui c’est Chichco le gros. » Un malaise n’arrive pas à se dissiper, cinq minutes de suspension.
Vient l’enquêtrice de personnalité. En fait c’est vraiment un résumé au propre de ce qui vient d’être dit. Elle le décrit comme franc, joyeux, têtu, posé, il ne veut pas « mentir » mais en sortant il veut faire « un max de thune ». Il risque la perpétuité. Le seul dans ce cas.
On passe à Willy Prévost. Il se lève et déclare en premier qu’il veut avoir une pensée pour les victimes, il en parle quelques minutes. Willy Prévost est né en 1986, il est très grand, crâne rasé, vouté, enfance normale, des petits trafics. Il est beaucoup moins fanfaron qu’Ali Polat. Il dit que sa détention se passe bien, il travaille en prison. Il parle comme s’il avait mangé tout le pot de confiture, il est respectueux je trouve. Quand il avait 9 ans il s’est pris une balle perdue dans l’abdomen, il est resté longtemps à l’hôpital. En prison il s’est fait opérer d’un œil et d’une hernie. Il est athée. Il est accusé d’avoir aidé Coulibaly à s’équiper. Il dit ne pas avoir été au courant des projets d’attentats. Je vais le croire. Il ne dit pas le nom de Coulibaly, il dit : « La personne qui a fait les attentats ». Il a volé un commerce, il avait un petit casier. Il était en conflit avec Coulibaly depuis 2012. Il est plus inséré socialement qu’Ali Polat : il bosse, il avait une nana. Il ne veut pas parler d’elle. Il évoque de la pudeur, en fait c’est un peu plus compliqué que ça : la copine de Willy Prévost c’est l’ex de Christophe Raumel, celui qui comparaît libre et Christophe Raumel a appris leur liaison pendant sa garde à vue. Mais c’était une très jolie histoire concède Willy Prévost. Il a de très bonnes remarques sur son comportement en prison. Ça fait un an qu’il n’a pas eu de parloir car il a changé de prison et c’est trop loin pour sa famille. Il me fait de la peine, réellement. Il vit mal l’étiquette de terroriste en prison, il est fataliste. On note qu’il a un « comportement irréprochable ». Il assume sa part de responsabilité, on a retrouvé son ADN dans la bagnole de Coulibaly. Il condamne fermement les attentats et n’a aucun engagement religieux. Je ne sais pas pourquoi mais lui il me paraît sincère. Terrible à dire, je ne pensais pas me trouver face à des gens de mon âge et qui provoquent une empathie de ma part. Il est beaucoup plus facile à interroger qu’Ali Polat, ce qui fait qu’il y a très peu de questions. Un avocat partie civile quand même : « On a trouvé un tract pro palestinien. » Même moi je lève les yeux au ciel. Le Président s’emporte : « NON la religion, la politique après, pendant les questions de fond. » L’avocat ne poursuit pas. L’avocate générale lui demande s’il a aussi un surnom : « Oui aussi, CRS ou Bourou ». L’enquêtrice de personnalité arrive et confirme ce que je ressentais. Willy Prévost avait peur de Coulibaly. Un jour Coulibaly l’a emmené dans la forêt et l’a tabassé avec une batte de base-ball. Après ça Willy Prévost avait peur que Coulibaly s’en prenne à sa famille alors il lui rendait service parfois. Ça n’est pas lui qui dit ça comme pour se donner des circonstances atténuantes, c’est l’enquêtrice qui a mené son enquête. Quand elle parle, il regarde le sol. Il a rencontré Coulibaly en prison. Avant il fumait quinze joints par jour, maintenant c’est trois en taule. Il est décrit par l’enquêtrice comme gentil, serviable, respectueux, doux, attentionné, bienveillant, un homme parfait donc ? Son souhait est de : « Fonder une famille et se fondre dans la masse ». Son avocat Me Hugo Lévy l’interroge, est ce qu’au fond il n’est pas une « victime » de Coulibaly ? Le mot est fort mais en vrai c’est comme ça que je le ressens aussi. Willy Prévost dit que y’a des vraies victimes qui ont vécu pire que lui, il n’ose pas dire, « mais oui un peu ». Je ne sais pas ce qu’on va trouver ou apprendre par la suite mais ça me paraît incroyable que ce mec-là risque 20 ans de prison.
Et c’est la pause, le temps de bouffer une barre de céréales et un cappuccino et j’y retourne. Jipé parle avec ses copines, ils parlent des prochains procès qu’ils vont faire : « Sarkozy y’en a deux ! Tron, Tapie » il faut qu’ils « préparent tout ça ». Ses copines sont ok mais y’en a une qui dit : « Je vais quand même au collège de France. » Je crois comprendre qu’ils ont un groupe de téléphone car elle dit : « Je mettrai les dates dans le groupe. »
C’est la reprise avec le troisième accusé, Amar Ramdani, né en 1981 en Algérie, arrivé en France quand il était petit. Alors Amar Ramdani, il est intéressant, enfin moi j’ai beaucoup aimé. Déjà il est « pas mal », ça j’aime bien, mais Amar Ramdani il parle bien, vraiment, il a un vocabulaire fourni, étayé, ça se remarque direct, il parle « d’affect », de « ressentiment », il parle tellement bien qu’il n’est pas interrompu une seule fois pendant sa présentation. Il est allé jusqu’à la fac, il a bossé un peu dans le textile, il a monté une marque ça a duré quatre ou cinq ans. Pourquoi il se retrouve là, c’est assez compliqué, je vais tâcher d’expliquer de manière chronologique. Un jour il a emprunté la voiture d’un copain, il a eu un accident, fallait rembourser, il n’avait pas la thune. Quelqu’un lui a proposé de braquer une bijouterie, il a dit oui, il n’aurait pas dû. Il a été arrêté, il est allé en prison où il a rencontré Coulibaly [Depuis le début je n’entends parler que de Coulibaly, les frères Kouachi n’existent pas, c’est Coulibaly dont il est question à ce procès].
C’est là où ça devient un peu compliqué : les attentats ont lieu le 7 janvier 2015, le 23 janvier 2015 Amar Ramdani est interpellé pour toute autre chose : en Espagne on a retrouvé 1400 kilos de shit et des armes. Lors de la saisie on trouve un permis de conduire, c’est la photo d’Amar Ramdani, pas son nom, lui crie à l’usurpation d’identité [Spoiler alert : c’est vrai]. Il dit qu’il est innocent pour tout. Donc on le met en garde à vue pour cette histoire en Espagne, et en mars 2015 on lui dit : « Au fait tu es dans les attentats de Charlie. » Je ne sais pas à ce moment-là ce qui est vrai ou pas, peut-être qu’il ment, peut-être pas, toujours est-il que ce mec est emprisonné depuis cinq ans et potentiellement il n’a rien à voir avec le bail. Passons à sa vie.
Il fait de l’humour, Ramdani, parfois, et c’est son intelligence qui lui permet ça. Il explique qu’il a quelqu’un de sa famille qui a un garage : « J’ai cru comprendre que y’avait beaucoup de garagistes dans ce dossier. » La salle rigole. On parle de ses faits de délinquance : il a conduit sans permis, quand il a braqué la bijouterie il a ligoté des gens, il a volé des bouteilles de champagne. Il a l’honnêteté de dire que s’il se fait prendre à 24 ans pour la bijouterie et pas avant c’est parce qu’il ne s’est jamais fait choper, mais il assume des « conneries d’ado ». Quand il parle du champagne volé il rigole « pour impressionner des filles ». Sa détention se passe super mal, il n’accepte pas son incarcération vu qu’il se dit innocent. Il se dit « chamboulé » des attentats. Quand il en parle il dit que : « le monde souffre avec la France ». C’est con, je suis peut-être conne, naïve mais il arrive à me toucher. En taule il a beaucoup de procédures disciplinaires contre lui, il a un téléphone, du shit, l’assesseur qui l’interroge : « C’était une substance pâteuse indéterminée. » Amar Ramdani l’interrompt : « Ah oui oui c’était de la pâte à pizza. » La salle rigole fort, je rigole TRES TRES FORT. Son avocate Me Daphné Pugliesi : « C’est dans le rapport. » Le premier assesseur, déconcerté : « Ah oui, c’est vrai. » Il insulte et menace des gardiens, il réfute les menaces. C’est marrant d’entendre l’assesseur dire : « Petite salope, grosse pute ». Franchement de mon point de vue ça parle de détails, la cour semble s’offusquer que les détenus aient un téléphone ou du shit et en même temps concède que « tout le monde en a ». Puis bon, les gars sont là pour des faits de terrorisme, ça me paraît assez anecdotique, c’est limite si on ne lui dit pas « Monsieur Ramdani vous jouez à Candy Crush Saga sur votre téléphone comment voulez-vous que la République ait confiance en vous ? » Enfin… Son avocate Me Daphné Pugliesi (elle a une très grosse bague que je voudrais bien avoir) monte au créneau dès qu’elle peut et ça c’est bien. L’assesseur dit qu’il en a fini avec l’évocation des procédures disciplinaires, Amar Ramdani lui dit avec un sourire : « Et bah BRAVO » comme s’il allait rajouter : « Tu veux une médaille ? ». La salle rigole, encore.
Et là… c’est le retour de l’avocat qui a posé la question pernicieuse à Ali Polat sur l’islam. Il va y aller crescendo et parler de quatre choses différentes à Amar Ramdani. Il demande à Amar Ramdani le nom de la marque de vêtements qu’il avait montée. Au début on ne comprend pas pourquoi il demande ça, alors y’a un peu un brouhaha qui rend difficilement compréhensible la réponse. Je m’avance mais alors très doucement, il me semble avoir entendu comme nom de marque : « Anti Israelis » mais je ne peux pas l’affirmer. Tout de suite après ce même avocat demande le nom du fournisseur. Amar Ramdani révèle un nom [que je garde pour moi bien sûr] un nom « juif ». L’avocat poursuit : « Êtes-vous agressif ? » Amar Ramdani répond que non, et enfin « Étiez-vous amis avec Coulibaly ? » Amar Ramdani répond « oui ». Fin. En fait je suis super mal à l’aise, l’avocat essaie d’aller sur un chemin et ça se sent, Israël, la politique, le nom juif tout ça, je ne suis pas à l’aise du tout et en plus je trouve ça « abusé » mais il doit être dans son rôle d’avocat partie civile. Me Daphné Pugliesi son avocate prend le relais, elle demande à Amar Ramdani d’expliquer comment en prison il est intervenu et s’est mis devant une surveillante qui venait d’être frappée par un détenu. Il explique, ça redore un peu son blason, et son avocate continue. Oui, l’usurpation d’identité est bien réelle en Espagne. Comment il s’est retrouvé impliqué dans les attentats ? Il est accusé d’avoir fourni des armes, on ne saura rien aujourd’hui. L’enquêtrice arrive et dit qu’Amar Ramdani est sympa, drôle, têtu, rancunier. Il est croyant mais ni religieux ni extrémiste. Il ne veut pas parler de ses projets. Il dit : « Je vous en prie » lorsqu’on lui dit qu’on en a fini avec lui.
Christophe Raumel est le dernier que je vais voir et je suis contente car c’est le seul à comparaître libre. Il est né en 1990, il regarde par terre quand il parle. Il est appelé à la barre vu qu’il n’est pas dans le box. Il touche ses mains sans arrêt, il a un gros blouson noir Nike, crâne rasé, grosses lunettes. C’est le seul qui n’est pas (n’est plus) inculpé pour terrorisme, « juste » association de malfaiteurs. Il a fait déjà quarante mois de prison, il est sorti. Il a une fille qui a 8 ans. Il a fait de la taule uniquement pour l’accusation d’aujourd’hui. Avant ça il a eu six condamnations mais pas de prison (il a fait des vols, conduite sans permis, recel). En prison on lui a découvert un lymphome « je sais pas quoi » un truc grave, il pouvait mourir, il a passé quasiment deux ans à l’hôpital, il a fait de la chimio. Il dit avoir été « choqué par l’incarcération » mais aussi : « J’ai été soigné grâce à la prison. » Il est sorti de taule, parce qu’il a été malade je pense et aussi parce qu’il n’est plus inculpé de terrorisme. En sortant il devait pointer chez les flics, trouver un taff et aller voir un truc pour la déradicalisation. Sur ce dernier point il ne l’a jamais fait car il n’est pas religieux donc il n’a pas à être déradicalisé. Le tribunal lui cherche des poux, son avocate Me Clémence Witt le défend. Certes au début il y a eu cette injonction mais parce que Chrsitophe Raumel était dans un procès pour terrorisme, c’est automatique. A partir du moment où il n’a plus été considéré comme terroriste cette injonction devait disparaître. L’accusation n’est pas d’accord. L’avocate générale s’adresse à lui : « Monsieur Raumel, ça fait longtemps qu’on se connaît… » Ça sent le scud dans la gueule dans dix secondes. Elle lui reproche de ne plus voir sa fille alors que lorsqu’il a demandé à sortir de prison, sa fille il voulait s’en occuper. Elle abuse. Il explique très bien la chose : la mère de sa fille c’est Aminata qui est donc la meuf de Willy Prévost évoqué plus haut. Jusqu’à l’été dernier il voyait sa fille mais la mère bloque, elle ne veut plus. Alors il dit : « Et alors ? Je vais aller au commissariat avec ce que j’ai au-dessus de ma tête ? Jamais les flics vont me croire. » Bah bien sûr, il a raison. Il explique que ce procès lui « bouffe la tête. J’ai des enclumes aux pieds, je veux passer à autre chose. » Il n’y a pas d’autre question. Son avocate lui fait parler de la prison de Bois d’Arcy qui apparemment est très dure (Amar Ramdani en a aussi parlé), prison qui a l’air très dégradée. Puis elle lui parle de son ex qui est (était) avec Willy Prévost et qu’il l’a appris au moment de sa garde à vue, forcément il était « dégoûté ». L’enquêtrice vient pour réexpliquer la même chose : Raumel veut juste un travail normal, une vie normale et s’occuper de sa fille. Fin. Je m’éclipse car demain j’ai mon vrai travail qui m’attend et j’ai faim.
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