« Vous acquitterez Ali Polat! »

Mardi 8 décembre 2020. 36ème audience.



Ce matin, les avocats généraux continuent le réquisitoire. A priori, ils ne vont parler que d’Ali Polat et réclamer les peines de chacun. Je pense qu’ils vont demander la relaxe de Christophe Raumel, vu qu’hier ils ne l’ont évoqué que dix minutes. L’après-midi les plaidoiries défenses commencent.

L’avocat général prend la parole : « Nous allons évoquer Ali Polat, qui a 30 ans au moment des faits. Ali Polat qui a une place particulière dans ce dossier et ici lors des audiences : il est le seul à être complice. Ali Polat est atypique et il s’est démarqué des autres accusés par son attitude, avec sa personnalité Ali Polat ne laisse personne indifférent, on l’apprécie ou le déteste, on ne peut pas être neutre. Ses traits de personnalité se sont révélés à l’audience, il est incapable de respecter les règles de l’audience. Rien ne peut justifier cette attitude. Impulsif, intolérant à la frustration, débordant, sans filtre, il coupe la parole y compris aux victimes, il insulte ses co-détenus, il menace un témoin policier. Même vos rappels à l’ordre sont inefficaces, même les interventions de ses avocats ne le calment pas. Sa violence de comportement était déjà présente lors de la procédure chez la juge d’instruction. Frisant la provocation avec une partie de mythomanie – je vous rappelle quand il nous dit qu’il n’a qu’à se gratter la tête pour trouver 50 000 euros – Ali Polat tourne en boucle, nie les évidences même lorsqu’il a les doigts dans le pot de confiture. Il a un aplomb terrible. Je pense néanmoins que le réduire à son caractère volcanique est réducteur, il s’en sert pour éviter les réponses. Son frère nous le dit : attention c’est un malin mon frère. Ali Polat tente d’être un personnage pittoresque de banlieue et nous décrit sa future vie de délinquant : Je vais faire pire en sortant.  Ali Polat détourne votre regard et masque sa responsabilité, notamment sa vision religieuse. Il vient d’une famille musulmane Alévi, lui il se convertit en 2014, la veille de la proclamation du califat, à la sortie de prison de Coulibaly. Est-ce une coïncidence ? Impossible. Ali Polat refuse de nous donner le nom du témoin de sa conversion, peut-être car ce témoin est Coulibaly. En garde à vue Ali Polat explique que le coran est la seule vérité. Il ne veut plus écouter de rap, considérant que c’est une musique de fils de pute, il ne fume plus, il ne regarde plus les femmes des autres, il dit à sa famille qu’ils sont des mécréants. Sa mère ici a contesté cela. Nous ne sommes pas convaincus, il suffit de relire l’écoute téléphonique, nous étions face à une mère qui a peur et veut protéger son fils. En perquisition à son domicile, dans son iPad, nous retrouvons des photos de l’Etat islamique et le djihad. Ali Polat a voulu masquer sa proximité avec Coulibaly. Ils se connaissent depuis 2007, ils étaient proches, Coulibaly allait au domicile familial. Ali Polat explique que Coulibaly n’était qu’une relation de drogue à qui il devait 15 000 euros. Mais de qui se moque-t-on ? En détention, les deux hommes ont gardé contact, Ali Polat est informé de la peine pour terrorisme de Coulibaly. J’invente rien, il le dit en garde à vue. Aujourd’hui il nie. Un changement de posture utilitaire, je crois. Indubitablement, Ali Polat connaissait les idées religieuses de Coulibaly. Son premier réflexe après les attentats est de fuir : le 9 janvier, alors que la prise en otage de l’Hypercacher n’est pas finie, il se rend en Belgique puis il part au Liban, il nous dit pour retrouver une femme… qu’il n’a pas vue depuis quatre ans. Au Liban il tente d’aller en Syrie, il est refoulé. Il rentre en France le 19 janvier pour repartir en Thaïlande le lendemain, puis revient de nouveau après quatre jours.  Elle est où la logique ? Il devait aller où, Ali Polat ? Il devait rencontrer qui, Ali Polat ? Moi je pense qu’il est rentré car quelque-chose a dysfonctionné et comme tout bon voyou, il a essayé de se mettre au vert. La police a préféré, elle, surveiller pour voir ce qu’il faisait du 21 janvier au 24 mars, date de son interpellation. Après les attentats il va devant l’Hypercacher, il reste devant, observe les policiers. Le lendemain il va à Bastille s’acheter une pomme d’amour. C’est lui-même qui nous a dit que Coulibaly aimait plus que tout les pommes d’amour. Alors comment expliquer si ce n’est une volonté de rendre hommage à son ami ? Ali Polat nous dit que cette fuite désordonnée est la preuve de son ignorance du projet terroriste de Coulibaly. Au contraire, ça montre qu’il n’avait pas anticipé que Coulibaly serait neutralisé, il pensait que Coulibaly ferait les attentats et s’enfuirait en Syrie. » Puis l’avocat général explique le lien d’Ali Polat avec le matériel des attentats et comment il côtoie tous les protagonistes de ce procès. Il dit à la cour : « Nous vous demandons d’abandonner le chef d’accusation d’association de malfaiteur en vue d’une opération terroriste et de ne garder que la complicité des crimes et délits.»

Point par point, l’avocat général nous redit : que fin de l’été 2014 Ali Polat cherche un appartement pour Coulibaly, a aidé Coulibaly dans ses escroqueries, la puce donnée à Ali Polat le 6 janvier par Coulibaly. A ce moment-là il y a un gros plan sur Ali Polat, sweat gris Nike, cheveux noirs, il a pris du poids pas mal, il a les yeux dans le vague. Première fois que je le vois désabusé, calme, silencieux. L’avocat général continue et évoque la liste de munitions écrite par Ali Polat, retrouvée chez Metin Karasular : « Ali Polat demande 500 munitions de kalash, 100 de 9mm… comme s’il avait déjà les armes… Ces munitions-là pour un braquage ? Non, pour un carnage. » Puis il parle du sac d’armes vu par quatre des accusés. « Ali Polat envoie un courrier où il dénonce un meurtre d’enfant par deux frères qui seraient à l’origine de son incarcération dans ce dossier, il se trompe. En mai 2020. Puis peu avant le procès il envoie un autre courrier pour dénoncer Willy Prévost qui le met en cause en procédure. A l’entendre, Ali Polat dénonce le meurtre d’enfant car il ne veut pas qu’un petit mort soit impuni, mais il met 2 ans à le dénoncer. Bon, nous avons investigué mais les déclarations d’Ali Polat sont loin d’être crédibles. »

L’avocat général a fini. L’avocate générale prend le relai et va prononcer les peines demandées par le ministère public. 

« Monsieur le Président personne n’a de doute sur votre décision rendue au nom du peuple français, cette décision sera scrutée y compris sur la scène internationale. L’idéologie djihadiste veut démolir l’Occident » 

Et elle prononce les peines demandées : 

Mohamed Belhoucine (présumé mort en Syrie/Irak, absent) perpétuité avec 22 ans de peine de sûreté. 

Mehdi Belhoucine (présumé mort en Syrie/Irak, absent) 20 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Hayat Boumeddiene (absente) : 30 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Willy Prévost : 18 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Christophe Raumel : 5 ans de prison. Il en a déjà fait 3 ans. Gros plan sur lui il respire très fort.

Nezar-Michaël Pastor-Alwatik : 20 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. Il a la tête baissée dans le box, au moment de prononcer sa peine l’avocate générale demande : « Devait-il participer aux attentats et a-t-il renoncé ? » Son avocate se tourne vers lui il retire sa doudoune, lève la tête et acquiesce fort. 

Mohamed Farès : 7 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Amar Ramdani : 17 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Saïd Makhlouf : 13 ans sans peine de sûreté. Il a les bras croisés sur la poitrine. 

Abdelaziz Abbad : 18 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3.  Il est déjà condamné à 25 ans dans une affaire de meurtre. Son avocat Me David Apelbaum secoue la tête. 

Miguel Martinez : 15 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. Il se tient la tête entre les mains, dépité. 

Metin Karasular : 15 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. Il se tape le front, secoue la tête, il est au bout de sa vie. 

Michel Catino : 15 ans de prison avec peine de sûreté des 2/3. 

Ali Polat : perpétuité. 22 ans de sûreté « Aucun espoir de réinsertion » 

L’audience est suspendue. Un réquisitoire très lourd, des peines injustifiées, tous excepté Christophe Raumel doivent être condamnés pour la notion de « terrorisme », l’accusation réclame ça ; Au moment où il a été évoqué Michel Catino même les parties civiles ont eu l’air hébétées.

C’était très fort à voir, à entendre ces peines réclamées par le ministère public, je les trouve profondément injustes mais j’avais vu juste je savais que le tiercé serait Ali Polat, Pastor-Alwatik et Abbad. Si ces peines sont toutes appliquées le verdict sera émaillé de cris  et de scandale. Dans la salle des pas perdus des journalistes commentent les peines voulues « trop fort » pour beaucoup, je vais prendre un café à côté de moi il y a l’avocat d’Amar Ramdani et celui de Metin Karasular qui répondent à un journaliste et l’un d’eux dit en rigolant « Arrêtez de me poser des questions techniques moi je fais de grandes phrases »  un journaliste leur dit : « Donc hier le ministère public nous dit voilà on a des doutes et la bam bam bam perpet, vingt ans bam bam » les avocats se marrent, quelqu’un du public leur dit « y’a rien! » les avocats acquiescent, les journalistes : «  Y’a pas de preuve quoi »  l’un des deux avocats vient me voir : « Vous êtes avocate ? » Je réponds que non j’écris le procès, il trouve ça cool me demande si je compte faire le bataclan je dis que non, il me dit qu’on lui a proposé d’être partie civile. Il me dit qu’il a fait le procès Papon, un gars de Guantanamo, il me dit qu’il a adoré la plaidoirie en partie civile pour Clarissa Jean-Philippe : « J’ai  pleuré en sortant je vais lui dire demain quand je plaide » , il a été interrogé par la télé : « Oh ben j’ai dit que le parquet avait réclamé deux siècles de peines ! », il me dit qu’il a plus de 70 ans et la semaine dernière  il s’est fait draguer par une  gamine de 30 ans qui pensait qu’il avait 50 ans, il me parle des avocates trop maigres « j’imagine nues ça donne pas envie » il met sa main sur mon épaule en même temps, il me demande si je pourrais vivre avec un terroriste ? Je réponds que je dirais pas non à Amar Ramdani s’il était libre, il rit et me dit que Ramdani ne doit surtout pas faire appel sinon il prendra 22 ans, du  Président il dit «  un bon bougre gentil mais il est très vouté il est plus jeune que moi on dirait pas » puis « Le meurtre de Clarissa Jean-Philippe a évité la mort de petits enfants juifs car Coulibaly c’est là où il allait… à l’école juive de Montrouge… »

Et j’y retourne les premières plaidoiries défense vont commencer. 

C’est Me Coutant-Peyre et Me Van Rie qui ouvrent le bal pour défendre Ali Polat. Je pensais qu’ils termineraient le procès mais non.  

Me Coutant-Peyre s’avance à la barre : « Vous m’entendez ? Bon …tout le monde a compris depuis le début…on est dans un combat asymétrique, les parties civiles sont nombreuses, le parquet a une administration importante et des aides et puis voilà au moment où on est épuisé il faut sauter le grand plongeon, on nous dit que la décision sera scrutée dans le monde je suis pas sûre que le monde entier s’intéresse à la répression alors de quoi souffre ce procès ? Un livre que j’aime beaucoup …je fais du conseil littéraire, Joseph Conrad a écrit la ligne  d’ombre des hommes ont de la fièvre, une épidémie bon c’est pas la seule raison pour laquelle ce cargo s’arrête y’en a d’autres…on nous dit que y’a deux procès je suis d’accord, un procès pour les victimes, la souffrance, j’ai toujours dit que ce ne sont pas les bons accusés ni les bons responsables, ils sont innocents même s’ils sont présentés comme coupables, y’a une inversion entre le principe et réalité bon c’est tout le temps ça. Tout le monde l’a compris hier ça a été huit heures, neuf heures des avocats généraux ils nous parlent de volets, le volet belgo…lillois d’autres volets, bah fallait les laisser fermer ! C’est une procédure obèse ! On a quand même 800 pages pour le réquisitoire et l’OMA, perpét pour mon client en évacuant les volets puis y’a une disjonction en cours appelé le volet Yéménites concernant des Français bon Peter Cherif mais y’en a d’autres, des donneurs d’ordre et puis aussi c’est un fait établi des choses qu’on ne veut pas regarder. Bon y’a la partie civile qui m’a qualifié de caricature ben c’est un droit, en France bon ça échappe à toute sanction je prends ça comme un honneur ! La procédure bah on cherche pas on se préoccupe pas des vrais responsables en plus on ajoute des morts, les frères Belhoucine sont morts si par hasard ils ne l’étaient pas, si on poursuit des hommes morts bah pourquoi ne pas parler des morts d’ici ? Les auteurs on aurait pu les laisser en vie mais non on les neutralise on les tue, c’est un montage structurel de dossier. Qu’est ce qui se passe en France pour qu’on fasse de ce procès un spectacle les auteurs ne sont pas les gens ici et certainement pas mon client ça vient d’ailleurs ce qui a fait Kouachi et Coulibally, le service d’état dédié à la surveillance le contrôle, ils savaient ! L’avocat général dit une formule :  intégrisme musulman islamisme radicalisme  voilà les cibles sont dans le box, ces gens en gros ont le critère de cette formule et les faits de Paris. On nous fait des échelles de communication sans savoir ce que contiennent les échanges, y’a rien c’est assez kafkaïen pour nous la défense. Face à l’absurdité et dans le choix des poursuites c’est un mécanisme absurde on ne peut pas montrer une justice raisonnable, je vais parler de faits matériels clairs et établis avant le 7 janvier bon le service de surveillance la DGSI bon le plus important quoi il a été entendu en une matinée en trois mois de procès il a lu ses notes le 25 septembre et il pleure il n’a rien dit en fait, il pleure il avait les infos » et elle continue sur les dysfonctionnements des services de renseignements qu’un des frères Kouachi est surveillé, il va au Yémen dans un camps d’entrainement. « Les services de renseignements se sont rendu compte de rien et il faudrait que ces gaillards [les accusés] sachent que Coulibaly était radicalisé ? Je vais parler des armes enfin bon ce sont des fusillades quoi, on tue des armes, on peut tuer avec un caillou mais bon les armes voilà…les armes on les connait, circulez y’a rien à voir ! » Elle parle du volet Lillois, de juridique « c’est incompréhensible pour l’opinion public » je confirme. « C’est la protection d’un barbouze, un pro de la fourniture d’armes est ce politique ? Bon faut mettre des gens tous plus ou moins musulmans comme l’a dit un journaliste peut-il y avoir un personnage plus improbable dans un procès de djihadistes qu’un militant néo nazi culturiste au crâne rasé suprémaciste blanc ? » Elle parle de tout le monde, journalistes, politiques, procureur, juge anti terroriste, de tout le monde sauf de son client.

« Les commanditaires ? Ca c’est le cosmos, le trou noir on va les trouver les trainer en justice et les condamnés d’ici ? Erreur judiciaire ? Ils disent que mon client est le seul complice alors qu’il y a l’ADN inconnu M14 retrouvé sur une arme des Kouachi et la plaque de leur voiture et mon client est complice ? Bon y’a la liste des munitions chez Metin Karasular c’est même pas le sujet car cette liste ne correspond pas avec les armes y’a zéro concordance, Ali Polat cherchait un appartement pour lui à 30 ans c’est pas incroyable ! Ali Polat est l’objet de désir d’une mauvaise justice, la perpétuité c’est une condamnation à mort il a été mis en complicité à la fin de l’instruction il en fallait un c’est ça ? sauf que il y a un rapport de la SDAT qui dit qu’en complicité on nomme quatre autres accusés, mon client n’y est pas, ça c’est un tirage au sort ! J’anticipe un dernier point parce que …je le sens venir. Vous allez répondre à des questions. Dans l’OMA il est dit page 249 les armes utilisées  c’est la formule les armes utilisées  je vous demande une chose, de conserver ce mot utilisées  lorsque vous répondrez à la question »

Elle a plaidé une heure et quarante minutes, une plaidoirie surtout politique.

Me Antoine Van Rie s’avance à la barre :

« Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur de la cour, ces 7, 8 et 9 janvier 2015, il y a eu ces crimes d’innocents, ces hommes et femmes assassinés, ces blessés. Il y a eu durant un mois de ce procès, les dépositions des victimes, leurs mots. Nous avons été touchés par leur souffrance.  Ce ne fut pas un procès de l’histoire du terrorisme, de l’émotion mais un procès classique contre des individus.Il y a eu aussi les plaidoiries de mes confrères des parties civiles, certains, revêtant la robe des avocats généraux, ce qui n’était pas leur rôle, ont requis la plus lourde peine contre Ali Polat.

 Ce matin les avocats généraux ont, eux, lancé ce mot sans trembler :

 PERPETUITE.

 PERPETUITE pour Monsieur Ali Polat.

 Lors de ce procès fleuve, on a tout reproché à Monsieur Polat :

– d’avoir été l’ami de Monsieur Coulibaly ;

– d’avoir été le soldat, le bras droit de Monsieur Coulibaly ;

– d’avoir été le complice de Monsieur Coulibaly ;

– d’avoir été même le complice de l’ADN de Monsieur Coulibaly retrouvé dans l’une des armes des frères Kouachi,

– donc par conséquence d’avoir été le complice des frères Kouachi ;

Mais, Ali Polat est-il vraiment tout cela ? Ce n’est pas sérieux.

Dans ce dossier de plus de 15.000 cotes, on nous a dit c’est  475 échanges entre Coulibaly et Polat durant toute la période préparatoire aux attentats. Comme si les échanges étaient forcément des SMS en rapport avec les horreurs perpétuées. Comme si les rencontres, les appels dont on ne sait rien, dont on ne connaît pas le contenu, permettaient de caractériser une quelconque complicité. C’est ainsi que je m’attarderais sur la téléphonie et la géolocalisation.  J’ai entendu une partie civile et l’avocat général soutenir que M.Polat représente le point pivot, le point central de ce dossier. Coulibaly avait une véritable complicité avec Polat. Entre les 18 septembre et le 7 janvier : il est compté très exactement 475 échanges entre Messieurs Polat et Coulibaly. Soit 4 SMS en moyenne par jour. Permettez-moi de vous indiquer que pour des trentenaires envoyer 4 SMS, ce n’est rien. Pourquoi penser forcément que les 4 SMS par jour envoyés entre Messieurs Polat et Coulibaly sont des échanges préparatoires aux attentats ?

Et là intervient un raisonnement simple, voire simpliste. On se dit qu’ils dissimulent vu qu’on ne sait pas ce qu’ils disent. Non. Une enquête peut soulever des hypothèses, un procès ne peut pas reposer sur des interprétations. Il y a aussi les contradictions du dossier, On fait borner le 9 décembre 2014 Messieurs Polat et Coulibaly de 21h24 à 21h33 et au même moment le même dossier pénal ce même 9 décembre 2014 dans une autre cote  précise que ces deux même personnes vont s’échanger entre eux des sms entre … 21 h 24 et 21 h 33 soit les mêmes horaires. Envoyer des SMS à une personne en face, ce nouveau concept …Du côté de la partie civile, on a essayé d’attribuer à Monsieur Polat, avec un certain acharnement, un nouveau numéro 07 XX XX XX XX et on a également essayer de lui faire correspondre une adresse mail : XXX. On comprend que l’accusation est fragile. Ce numéro, cette adresse mail, le compte rendu de la SDAT l’a démontré, étaient attribués à un homonyme. Après on nous parle de vingt-deux rencontres entre Messieurs Polat et Coulibaly entre novembre et janvier 2015. Ca fait 7 par mois pour des amis ce n’est pas énorme. Et parfois les rencontres durent quatre secondes…. C’est impossible ! Mais ça ajoute des rendez-vous et il en faut pour que l’accusation tienne. Monsieur Polat n’a jamais rencontré, de près ou de loin, les frères Kouachi, et pourtant aujourd’hui, il est jugé pour complicité avec les frères Kouachi.

Alors comment pourrait-il être complice de personnes qu’il ne connaît pas et qu’il n’a jamais rencontré ?

J’ai entendu dans les plaidoiries de parties civiles : Polat est un soldat face à son commandant, un bras droit de Coulibaly 

Il serait carrément le logisticien en chef  ! A aucun moment, je n’ai entendu la même chose pour les trois accusés, certes qui ne sont pas présents, mais qui sont eux, effectivement partis bien AVANT l’accomplissement de ces horreurs. Monsieur Polat a essayé de s’en aller après. Il passe de James Bond au dernier des tocards. C’est vrai, Monsieur Polat, à en croire l’accusation et la partie civile, est un véritable professionnel, c’est le cerveau.  Un superbe tacticien. Mais alors une fois le 7, 8, 9 janvier 2015 passés, il devient le pire des pieds-nickelés – sans aucune organisation crédible. La raison de cette fuite pourtant saute aux yeux… Un de ses amis a commis la pire des atrocités, alors dans la panique, Ali Polat fuit, il revient en France, il fuit de nouveau et il revient, si Ali Polat avait su pour les attentats il serait parti AVANT comme  les trois autres accusés, qui ne sont pas là, ils auraient bien des choses à expliquer sur ce point. Eux, ne sont jamais revenus.

Ali Polat ce  lieutenant. Ce soldat…on aime utiliser le lexique militaire quand on parle de Monsieur Polat, ça fait professionnel et organisé.  Et on attend le 26 mars 2015 pour le placer en garde à vue ? On attend tranquillement soixante jours pour arrêter, le soldat de l’homme qui a fait trembler la France, le bras droit, le numéro deux de celui qui a assassiné ce 9 janvier 2015 à l’Hypercacher ? Alors deux hypothèses :

– Soit la Police a fait courir un risque à la société en laissant un soi-disant soldat en liberté se rendre tranquillement au supermarché plusieurs fois par semaine… 

– Soit, comme nous le pensons, Monsieur Polat n’a jamais été le bras droit d’Amedy Coulibaly.

L’accusation affirme que l’exploitation du matériel informatique de Monsieur Polat confirme son intérêt pour l’organisation Etat Islamique et le djihad armé. J’ai démontré que le volume en poids des photos étant très petit, 5 ko, 10 ko, 20ko, il ne s’agissait ni de téléchargement ni d’un enregistrement sur l’ipad de Monsieur Polat, mais bien ce qu’on appelle la mémoire cache, c’est-à-dire l’enregistrement automatique de pages, images et autres fichiers sur un ipad. Les déclarations de Monsieur Polat en garde à vue sont très claires. Il dit je cite  J’ai dû cliquer dessus pour lire l’article et c’est pour ça qu’il y a ces photos. Je n’ai pas cherché personnellement ces photos. Dans ce fichier PDF répertoriant les photos a-t-on la date de consultations des  sites internet contenant les photos ? Non. Est il possible de savoir à quelle date ont été consultés les photos ? Non. Par un calcul rapide, on sait qu’il y a plus 16.000 photos. Sur ces 16000 photos, 86 photos pouvaient être en rapport avec les attentats ou en lien l’état islamique soit environ 0,51 % du contenu retrouvé dans l’ipad de Monsieur Polat. Nous tous, ici, magistrats, avocats, journalistes avons lu des articles, cliqué sur des photos en lien avec les divers attentats qui ont touché la France ces dernières années pour s’informer. Si une expertise était faite, nous aurions certainement dans nos ordinateurs, nos ipad ou nos téléphones, plus que 0,51% de photos en lien avec le terrorisme dans nos mémoires caches.

Un quotidien a titré un jour sur mon client  Quand je sortirai, je vais faire pire . Le lendemain de la parution de cet article, on m’a dit :  Maître, votre client, c’est un terroriste ! J’ai expliqué qu’Ali Polat parlait des escroqueries. Le mal été fait. Pour la religion de Monsieur Polat On a largement reproché à Monsieur Polat d’avoir utilisé le terme converti . J’ai peu entendu parler lors de ce procès du rapport QER qui évalue la radicalisation des personnes détenues. Ce rapport est resté très discret dans ce procès Monsieur Polat est  franc  et  sans filtre , la pratique religieuse compte peu pour lui dit le rapport. Il n’est pas perméable à l’idéologie et ne montre aucun prosélytisme.  L’expert psychiatrique a même affirmé, lors de cette audience, qu’il n’était pas une personne influençable. Il a le droit de dire qu’il ne sentait pas musulman lorsqu’il ne pratiquant pas avant en tant qu’Alévi … 

Alors, quand il dit qu’il a comme envie d’être  avec une fille cultivée genre bobo parisienne et faire la côte écossaise avec un range rover et visiter les distilleries de whisky , j’entends cette petite musique comme quoi Monsieur Polat pratiquerait l’art de la dissimulation. Monsieur Polat est un simulateur  nous dit-on, il dissimule, il ment très bien,  il cherche même je cite  à retarder la fin du procès  Monsieur Polat parle trop fort, trop longtemps, connaît trop  parfaitement son dossier. C’est un manipulateur, il essaye de nous embrouiller, c’est la taqîya Monsieur Polat a le covid, c’est un manipulateur, il essaye de nous embrouiller, c’est la taqîya ! Alors, quoi qu’il fasse, on lui reprochera tout : son langage fleuri a dit l’avocat général. Ce langage qui ne convient pas à nos oreilles, et peut être il faut l’avouer, à nos conventions bourgeoises. Même quand il demande d’éteindre une musique de rap dans la voiture, on pense qu’il le demande car il est radical et donc ne peut écouter de rap mais non il n’aime pas simplement le chanteur Jul.  

Un écrivain italien disait  toute la vie on aime des gens qu’on ne connaît jamais vraiment. Nous avons tous très probablement déjà été confronté à un proche : un parent, un frère, une sœur, un ami de longue date, cette personne que nous sommes censés connaître, mais qui du jour au lendemain, peut nous dérouter, sans que l’on s’y attende. Qui d’entre nous, n’a jamais prononcé ou pensé ces paroles en parlant d’un proche :  je ne m’y attendais pas du tout, comment est-ce possible?  il ne m’a jamais parlé de ça,  je n’en crois pas mes yeux,  je ne le croyais pas comme ça Ali Polat est aujourd’hui victime de ce proche, cet ami qu’il croyait connaître mais qu’il ne connaissait finalement pas, cet ami à cause de qui on demande la perpétuité. Cet ami dont il a découvert, avec effroi, devant sa télévision, comme vous, comme moi, comme toute la France, les horreurs qu’il a faites. J’ai entendu vendredi mon confrère Malka dire qu’il fallait faire primer le droit sur la force alors appliquez le droit. Vous avez le droit de dire que non Ali Polat n’a jamais été complice des assassinats de Monsieur Coulibaly et des frères Kouachi. Et comme on ne peut pas condamner un homme sur des hypothèses et qu’il reste de nombreux doutes sur ce dossier il faut le répéter : le doute doit profiter à l’accusé – vous pouvez aussi avoir le courage de dire que oui, vous, magistrats de la Cour, vous doutez, et que vous ne savez pas.

C’est le droit. Alors, au moment de juger, rappelez-vous qu’il ne faut pas mêler l’hommage dû aux morts innocents et la vengeance contre celui qui n’a jamais été l’instrument de leur mort. Et parce que vous appliquerez le droit, vous acquitterez Ali Polat. »

Me Van Rie a plaidé presque quarante-cinq minutes.

Me Coutant-Peyre revient à la barre, Elle termine : « Prenez les responsabilités que l’Etat n’a pas prises une bonne justice je vous demande bien évidemment l’acquittement pour Ali Polat » Elle le compare au Capitaine Dreyfus, des avocats partie civile quittent la salle. Me Coutant-Peyre l’Emile Zola de ce procès.

Fin de l’audience, il reste une semaine avant le verdict.

M Écrit par :

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